Trump met l’Iran dans son collimateur

par Mustapha Tossa

La photo pourrait paraître simple et lisible. Un président américain qui, tout au long de sa campagne électorale n’a pas arrêté de fustiger un accord politique et de sécurité signé par le camp adverse, Barack Obama, une fois arrivé au pouvoir, le déchire avec la gourmandise des revanchards. Mais dans la réalité, les jeux de lumières et des postures livrent une image moins consensuelle et plus facturée. Celle des alliées européens, comme le président français Emmanuel Macron, qui tente de convaincre La Maison Blanche de rester dans l’accord en l’agrémentant de nouvelle conditions qui lient d’avantage les mains de l’Iran dans ses autres programmes d’armements et dans ses relations agressives avec son voisinage. Et celle du partenaire russe qui voit dans la nouvelle position américaine une ouverture vers une dangereuse escalade militaire.

Les alliés arabes comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unies ont montré une compréhension certaine à l’égard de ce nouveau ton américain face à l’Iran destiné à mettre l’Iran dans le viseur américain et à excéder une pression maximale sur son économie et sa stratégie militaire. Et pour cause. Ces pays subissent de plein fouet les affres d’une politique d’expansion et de domination politique et militaire menée par l’Iran depuis des années à leurs égards. Il ne se passe pas un jour sans que l’actualité ne parle d’un missile balistique lancé par la rébellion houtiste du Yémen vers l’Arabie saoudite semant la terreur au sein de ces populations. RYAD et Abou Dhabi sont alliés au sein d’une coalition arabe dont l’objectif principale est de restaurer la légitimité au Yémen et empêcher qu’il ne tombe sans l’escarcelle de l’Iran.

Le Yémen, avec sa guerre qui s’installe dans la durée, s’est transformé en théâtre grandeur nature où cet affrontement sous-traité prend une ampleur militaire inédite. D’ailleurs sur le terrain, la réapparition et les performances du général de brigade Tarek Saleh, neveu du président yéménite Ali Abdallah Saleh tué par les rebelles houtistes le 4 décembre 2017, commence à se faire sentir et à faire mal aux forces rebelles parrainées par l’Iran. A la tête des forces de la résistance nationale, aidé militairement et politiquement par la forces de la coalition arabe dans laquelle les émirats et l’Arabie saoudite jouent un rôle crucial, Ali Saleh est en train de s’imposer comme la glaive miliaire de la coalition. Objectif principal: reconquérir des territoires à la rébellion et lui faire subir des défaites militaires en reprenant des régions clefs considérées comme des verrous stratégiques.

La Syrie est aussi un autre territoire où se jauge au quotidien et depuis plus de sept ans l’agressivité iranienne. Pour Donald Trump comme pour les européens, si demain un nouvel accord est possible avec le leadership iranien, il doit certainement contenir aussi bien la baisse de tension militaire au Yémen qu’une solution politique à la crise syrienne qui passe forcément par la création de conditions viables pour envisager une vraie transition qui verrait la sortie de Bachar Al Assad de la vie politique syrienne et par conséquent la diminution palpable de l’influence jugée néfaste de l’Iran sur la Syrie.

Cet esprit du nouvel accord est ce qui anime actuellement la diplomatie européenne. C’est une vision déjà évoquée par Emmanuel Macron lors de sa dernière visite à Washington et qu’il aura à détailler et à négocier lors de sa prochaine rencontre fin mai à Saint Petersbourg avec Vladimir Poutine. Il s’agit de continuer à s’accrocher et à défendre l’accord iranien tout en essayant de convaincre la direction iranien d’accepter deux nouvelles conditions pour lui injecter de la force, de la légalité et de la viabilité.

Ces deux points essentiels évoqués régulièrement par les capitales européennes concernent la mise sous tutelle du programme balistique iranien pour qu’il ne représente plus un danger pour ses voisins et adversaires arabes et israéliens et limite la portée de ses actions nuisibles pour la paix et la stabilité dans le monde . Le second est d’obliger l’Iran de revoir sa stratégie agressive et expansionniste dans la région notamment dans des pays comme le Yémen, la Syrie, l’Irak ou le Liban. L’objectif final de cette politique est de contenir l’influence iranienne et ses instruments dans la région.

Dans la séquence diplomatique à venir, il parait clair que les européens vont profiter de leurs prochaines rencontres avec le ministre des affaires étrangères iraniennes Jawad Darif pour lui faire passer ce message et tenter de convaincre la direction iranienne d’aider les avocats de ce traité nucléaire face aux arguments de ces détracteurs. A lire les premières déclarations des responsables iraniens, le refus de négocier est celui qui domine les réactions épidermiques, mais une longues séquence diplomatique est en train de s’ouvrir où Russes et européens vont jouer de concert pour tenter de convaincre Téhéran qu’il est dans son intérêt de donner de nouveaux gages, de revoir sa politique agressive à l’égard des ses voisins, plutôt que de s’enfermer dans une logique autiste de refus total.

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