Pendant que les hommes nettoient le corps et prient, les femmes tiennent conciliabule dans la grande maison, cocon luxueux et luxuriant où sévit une violence rentrée. Kenza (Lubna Azabal), enseignante engagée et très pieuse, couve Miriam (Nadine Labaki), sa cadette faussement délurée qui enchaîne les bières dans la salle de bains, fatiguée d’elle-même et de son corps parfait qui « ne sert à rien, ne profite à personne ». Sofia elle-même voit son mariage se déliter et sa carrière d’actrice réduite à des rôles de terroriste. La mère et la domestique incarnent une génération de femmes sacrifiées, au contraire de la grand-mère, dont le verbe acerbe et les opinions assumées rappellent le Tanger des années 1920 à 1950, où les artistes déferlaient dans une atmosphère décontractée.
Comme dans Marock, sorti en 2005, Laïla Marrakchi ne s’éloigne pas beaucoup de sa classe sociale, mais la distribution panarabe donne une densité à sa comédie.
Passé le plaisir de retrouver Omar Sharif en fantôme bienveillant filmé par Laïla Marrakchi, l’ennui guette devant ces gentilles chamailleries qui ne sonnent pas toujours juste. Mais le ton est libre, et parfois assez drôle, à l’image des personnages féminins
La conclusion du film, enfin, paraît incroyable. La réalisatrice assume. Selon elle, le public occidental attend du cinéma arabe « des films choquants, provocants » qui ne sauraient à eux seuls raconter cette société. Avec une tendresse un peu forcée, elle constate la mort du père, écoute la révolte qui gronde et veut croire que tout finira bien.