Prisonniers radicalisés et revenants, un cocktail explosif

par Mustapha Tossa

Signe que la problématique est devenue une vraie obsession. Il ne se passe pas un jour sans que les multiples menaces qu’inspire la sortie des prisonniers radicalisés ou jugés pour terrorisme, ou le spectre des djihadistes revenant des théâtres d’opérations de l’État Islamique en France, ne soit épinglé à la Une. Et pour cause des préoccupations sécuritaires françaises sont à la fois source d’angoisse légitime et de conséquences politiques potentiellement radioactives.

Les services de sécurité qui traitent ces questions sont confrontés à trois niveaux de difficultés tout aussi imbriquées les unes aux autres. La première approche a trait à cette interrogation : Comment gérer cette population carcérale qui s’apprête à retrouver la liberté après avoir purgé sa peine et dont on n’est certain ni de sa rédemption ni des voies impénétrables qu’elle compte emprunter. Cette simple question met en lumière l’échec des politiques suivies dans le milieu carcéral pour lutter contre le processus de radicalisation entamé par certains et l’impossibilité de retour en arrière constatée chez d’autres. Faut-il imaginer des dispositifs policiers et législatifs particuliers pour accompagner ce nouveau phénomène qui soient cohérents avec l’État de droit et compatibles avec les valeurs de la république ?

Le second niveau de défiance qu’affronte l’appareil de l’état dans toutes ses composantes concernent le phénomène « des revenants ». Tous ces hommes et ces femmes qui, à un moment de leur vie ont fait le choix du combat des armes au service de l’État islamique naissant et de ses projets terroristes sont aujourd’hui sur la sellette, surtout ceux qui envisagent un retour au pays d’origine. Une fois le projet du « Califat » battu en brèche sous les coups de boutoir de La coalition internationale anti-Daesh, la question du retour s’est subitement imposée avec ses multiples impacts. Comment traiter ces revenants et leurs familles ? Faut-il se limiter à durcir les législations gérant leurs accueils ? Ou faut-il Imaginer d’autres thérapies pour contenir leurs possibles envies de revanche étant encore sous la coupe idéologique d’une organisation terroriste. Les filières de l’immigration clandestine, même sous haute surveillance, servent souvent de Tuyau de passages aux éléments les plans radicaux comment l’a si bien montré l’affaire du cadre irakien de Daesh arrêté récemment en France sous la cape d’un paisible réfugié.

Le troisième niveau qui donne des insomnies aux services de sécurité touche particulièrement cette population qui se compte par milliers, connus notoirement comme des personnes Fichées S. Elles existent depuis des mois, voire des années dans le radar de la sécurité française. Leur pédigrée radical est archivé dans tous les ordinateurs de veille et d luttes anti-terroristes. Leur radicalité est notoirement affiché .Elle parviennent pourtant à passer aux actes et à commettre des attentats terroristes. Pour les personnes de l’État impliquées au quotidien dans la lutte contre le terrorisme, les fichiers S sont une plaie permanente qui rappelle à chaque instant les limites de la guerre contre le terrorisme dans des pays fondés sur la démocratie, l’état de droit et de la présomption d’innocence.

Ces trois catégories de défis interpellent ouvertement la société française et creusent les clivages entre ces différentes composantes. Un débat d’une sourde violence est en train de configurer les visions et d’alimenter les antagonismes. Ce débat a lieu entre ceux qui, au nom de La Défense de l’État de droit et des acquis démocratiques, appellent à ne pas céder à la panique générée par les organisations terroristes. Leur argument nodal est que changer le mode de vie revient à céder aux terrorismes et les gratifier d’une victoire qui fait partie de ses grands phantasmes, à savoir créer les conditions d’une grande perturbation de l’ordre établi au sein des sociétés démocratiques.

L’autre approche appelle justement à penser un monde avec de nouveaux de codes, de nouvelles lois qui s’adaptent à cette nouvelle menace. Il s’agit pour eux d’un défi majeur : traiter ces brèches de sécurité avec un nouvel arsenal juridique si ferme et si déterminé et dont l’efficacité pèsera moins dans la balance que la perte de quelques libertés ou le sacrifice de quelques principes, fissent-ils fondateur de l’État de droit. Ce débat prend aujourd’hui une ampleur politique importante au point de déterminer les clivages entre les formations politiques. Dans un contexte politique incertain et effervescent, le pari est à celui qui adressera le message de sécurité réalisable le plus rassurant.

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