Prière funéraire en hommage à Jamal Khashoggi à Istanbul

Plusieurs dizaines de personnes ont participé vendredi à Istanbul à une prière funéraire pour le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, la presse turque affirmant que les enquêteurs possédaient des preuves supplémentaires discréditant la dernière version du meurtre selon Ryad.

Une source à la présidence turque a affirmé dans la soirée que le président Recep Tayyip Erdogan et son homologue américain Donald Trump, lors d’un entretien au téléphone, s’étaient dits "d’accord pour faire la lumière sur tous les aspects du meurtre de Jamal Khashoggi et pour que rien ne soit dissimulé".

Par ailleurs, le fils du journaliste, Salah Khashoggi, a reçu des dizaines de personnes, dont des responsables officiels saoudiens et des hommes d’affaires dans la ville côtière de Jeddah, selon un photographe de l’AFP en Arabie saoudite. Des médias d’Etat ont indiqué que des prières funéraires avaient eu lieu dans les villes saintes de la Mecque et de Médine. Salah avait déclaré le mois dernier à la chaîne CNN vouloir inhumer son père à Médine avec le reste de la famille.

Mais quelque 45 jours après son meurtre qui a provoqué une onde de choc mondiale, le corps de Khashoggi, un influent éditorialiste critique du pouvoir saoudien et collaborateur du Washington Post, n’a toujours pas été retrouvé.

C’est donc devant un espace vide normalement réservé au cercueil et sous une fine pluie glaciale que des amis de Khashoggi ont prononcé vendredi à Istanbul la prière de l’absent, un rite prévu dans l’islam pour les morts dont le corps a été détruit ou est introuvable.

"Comme nous sommes convaincus que son corps ne sera jamais retrouvé, nous avons décidé d’organiser cette prière pour le salut de l’âme de Jamal", a expliqué à l’AFP Fatih Öke, directeur exécutif de l’association turco-arabe des médias (TAM).

Cette cérémonie, qui s’est tenue sur l’esplanade de la mosquée Fatih, un imposant édifice ottoman, "est aussi un message envoyé au monde pour dire que le meurtre ne restera pas impuni", a déclaré Ibrahim Pekdemir, un Stambouliote venu rendre hommage à Khashoggi. "Justice sera faite".

L’hommage à Khashoggi s’est déroulé sur fond de scepticisme grandissant en Turquie quant à la dernière version avancée jeudi par la justice saoudienne du meurtre du journaliste dans le consulat de son pays à Istanbul, le 2 octobre.

Le procureur général adjoint d’Arabie saoudite a indiqué jeudi qu’il réclamait la peine de mort contre cinq accusés, et mis hors de cause le prince héritier Mohammed ben Salmane, que la presse turque s’efforce depuis plusieurs semaines de lier au meurtre.

Selon le procureur saoudien, qui a inculpé au total 11 personnes, une équipe a été dépêchée à Istanbul avec pour mission de ramener le journaliste de gré ou de force à Ryad, mais son chef a pris sur place la décision de le tuer sans consulter ses supérieurs.

Alors qu’Ankara avait dès jeudi fait part de ses doutes concernant ce récit, un influent éditorialiste proche du pouvoir turc a affirmé vendredi que les enquêteurs étaient en possession de preuves contredisant la dernière version saoudienne.

Selon Abdulkadir Selvi, qui écrit pour le journal Hürriyet, les services turcs possèdent, en plus d’un premier enregistrement audio du crime, un deuxième enregistrement sonore de 15 minutes réalisé avant le meurtre, et qui ne laisse aucun doute sur son caractère prémédité.

Dans cet enregistrement, "on entend l’équipe saoudienne discuter de la façon d’exécuter Khashoggi, de passer en revue son plan préparé à l’avance et de rappeler à chacun de ses membres son rôle", selon M. Selvi.

Après la prière devant la mosquée Fatih, Yasin Aktay, un ami de Khashoggi et conseiller du président turc Recep Tayyip Erdogan, a vivement critiqué la version saoudienne des événements.

"Ils veulent nous faire croire que les tueurs ont pris eux-mêmes la décision d’assassiner Jamal Khashoggi. Nous ne croyons pas à cette histoire", a-t-il lancé. "Nous allons continuer de demander qui sont les vrais donneurs d’ordres" du meurtre.

"Le communiqué du procureur saoudien n’est qu’une tentative de se dérober à toute responsabilité légale ou politique dans cet assassinat", a abondé l’Egyptien Ayman Nour, patron de la télévision d’opposition El-Sharq lui aussi présent à la prière.

Des affiches brandies par des soutiens de Khashoggi devant la mosquée laissaient peu de doute sur leurs soupçons, avec le mot "martyr" écrit sous le visage de Khashoggi et le mot "meurtrier" sous le visage du prince héritier Mohammed ben Salmane, surnommé "MBS".

M. Erdogan a plusieurs fois affirmé que l’ordre de tuer Khashoggi avait été donné "aux plus hauts niveaux de l’Etat" saoudien. Il a écarté la responsabilité du roi Salmane, mais la presse et des responsables turcs anonymes ont incriminé son fils.

Les Etats-Unis de Donald Trump, qui ont d’abord tenté de ménager leur allié saoudien, ont fini par durcir le ton, tout comme les autres pays occidentaux ayant des liens étroits avec la monarchie pétrolière.

Jeudi, le Trésor américain a annoncé des sanctions financières contre 17 responsables saoudiens impliqués selon Washington dans le meurtre de Khashoggi.

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