Les leçons de Barcelone

— Par Mustapha Tossa —

Les attentats terroristes qui ont frappé Barcelone ont non seulement ému et secoué les capitales de l’Europe et du Maghreb, ils sont parvenus aussi à actualiser dramatiquement la perception de la menace terroriste et les solutions pensées par ces sociétés pour la contrer. Intervenu en plein l’été, visant une des villes les plus touristiques et les plus emblématiques de l’Europe, cet attentat, de par son timing et la géographie visée portait de nombreux messages et contenait de nombreuses leçons.

Tout d’abord, cet attentat revendiqué par l’organisation terroriste « l’État islamique » est venu rappeler la toute puissante capacité d’action et de nuisance de cette structure terroriste. Ces derniers mois les attentats commis en son nom sur les territoires européens donnaient cette vague impression d’être montés par des individus isolés, souvent présentés comme des loups solitaires à la fois désespérés et déséquilibrés. Les spécialistes de la question attribuaient cette faiblesse d’organisation aux coups de boutoir donnés par la coalition internationale de lutte contre l’EI et aux pertes militaires des ses principaux bastions en Syrie et en Irak. A tel point qu’il était de bon ton d’évoquer une forme de terrorisme résiduel qui finira par s’évaporer et disparaître avec le temps. Or Barcelone est venu rappeler tragiquement que cette organisation terroriste qu’on décrit comme agonisante gardait toujours cette capacité de mobiliser des réseaux et des commandos qui ambitionnaient de commettre des attentats spectaculaires. L’hydre terroriste posait sans doute un genou à terre mais gardait largement ses moyens d’actions opérationnels.

L’autre leçon qui s’imposait à l’évidence provenait du mode opératoire choisi par les terroristes pour commettre leurs actes. Une voiture bélier qui fonce à toute vitesse dans la foule pour provoquer le maximum de dégâts. Une technique terroriste identique qui a fait ses preuves sur les Ramblas, le London Bridge ou la promenade des Anglais, interpelle lourdement les pouvoirs publiques: A partir du moment où ce terrorisme low cost peut intervenir à n’importe quel moment, comment protéger les villes européennes au mode de vie socialement ouvert et aux multiples rassemblements publiques? Bien avant de poser la question de la lutte contre le terrorisme et la montée de la radicalité, cette problématique de la protection des lieux et forums publics prend une pertinence et une urgence inédite depuis l’attentat de Barcelone. Non seulement il est question de changer de mode de vie, mais certaines voix exigent des réaménagements architecturaux qui protègent et dissuadent.

A l’égard de la France qui, pour reprendre les mots de sa diplomatie, a « payé un lourd tribu » dans cet attentat, Barcelone a constitué aussi un choc politique et sécuritaire. Cet attentat intervient au moment où le débat faisait rage sur de multiples fronts de lutte antiterroriste. Le premier est la prochaine levée de l’état d’urgence voulue par le président Emmanuel Macron. Le second est la remise en cause de l’utilité sécuritaire de l’opération « Sentinelle » lancée par François Hollande au lendemain des attentes de Charlie Hebdo. Au nom d’une austérité qui ne veut pas dire son nom, l’opération Sentinelle est remise en cause et il est question de renvoyer les militaires de cette opération à leurs casernes et de confier les tâches de la sécurité publique aux seuls gendarmes et policiers. L’attentat de Barcelone rend ces choix difficiles à vendre à une opinion sous le choc et la crainte de nouveaux attentats. Les opposants à Emmanuel Macron ont donné de la voix pour stigmatiser sa politique et ses choix sécuritaires.

Barcelone intervient aussi à un moment clef où un rapport a été remis à la commission européenne faisant état du danger que représente le phénomène des « revenants », tous ces djihadistes et leurs familles originaires des pays européens qui reprennent le chemin du retour à leur pays d’origine. Leur nombre imposant, leur-savoir faire de combattants et leur profil de terroristes impose d’incommensurables défis aux pays de l’Union européenne : comme traiter et se protéger de ce phénomène et de ses impacts violents? Au moment où ce rapport alarmant par ses chiffres et les défis sécuritaires qu’il pose a été dévoilé, la France venait de prendre la décision de fermer le seul centre de « déradicalisation » créé du temps de Manuel Valls. Il est reproché à cette démarche d’être un gadget inefficace et budgétivore.

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