Le procès Balkany s’engage dans la palmeraie de Marrakech

Du bleu caraïbe au rose saharien: le procès des époux Balkany, qui suit la piste de savants montages offshore, a commencé mercredi à s’intéresser au somptueux riad de Marrakech que les édiles de Levallois-Perret ont toujours nié posséder.

Contrairement à la villa Pamplemousse de Saint-Martin, pour laquelle les enquêteurs ont démêlé un entrelacs de sociétés écrans et retrouvé le nom des Balkany, un épais nuage entoure la transaction marocaine.

"En 2009, Patrick Balkany va, avec l’aide d’un promoteur saoudien attributaire d’un marché important à Levallois, de son bras droit Jean-Pierre Aubry et de l’avocat Arnaud Claude, acquérir une somptueuse villa à Marrakech. Il prend soin, cette fois, de n’apparaître dans aucun document, en Suisse ou à Singapour", affirment les magistrats instructeurs.

Qu’importent les peignoirs brodés aux initiales "PB", les livres dédicacés, le nom du riad – Dar Guycy, contraction des prénoms des petits-enfants du couple Gyula et Lucie -, les Balkany ont toujours nié être les propriétaires.

Plus de dix ans après l’achat de Pamplemousse, dont le couple a finalement reconnu l’acquisition avec de l’argent familial, l’achat de 1.200 m2 d’une luxueuse villa orientale nichée dans la palmeraie de Marrakech est décrit comme l’aboutissement d’un montage virtuose. Une affaire de "blanchiment" et de "corruption" pour laquelle les Balkany encourent jusqu’à 10 ans de prison.

C’est là qu’entrent en scène les autres acteurs du procès, serrés sur le banc des prévenus: le fidèle Jean-Pierre Aubry, alors directeur général de la Semarelp (société en charge de l’aménagement de Levallois), l’avocat Arnaud Claude, le fils Balkany, Alexandre, et un richissime homme d’affaires saoudien.

Jean-Pierre Aubry et Arnaud Claude sont jugés pour leur "rôle central" dans la réalisation du montage opaque qui entoure le riad, Alexandre Balkany pour avoir "couvert" ses parents en souscrivant des baux fictifs.

Quant au promoteur saoudien Mohamed Al Jaber, il est poursuivi pour corruption active pour avoir réglé une partie du prix de la villa de Marrakech en échange de délais de paiement supplémentaires dans un juteux marché immobilier à Levallois.

Titres "au porteur"

Comment ont-ils fait ? Le président s’attache à décrire le complexe montage, projetant sur grand écran, à l’appui de son récit, copies de virements, livraison de meubles ou contrats de bail.

Dar Gyucy est détenue depuis 2010 par une SCI marocaine propriété d’une société panaméenne, Hayridge. Cette dernière est au nom de Jean-Pierre Aubry, l’homme de confiance de Patrick Balkany à Levallois.

Aubry est décrit comme la cheville ouvrière du montage: il est le bénéficiaire déclaré de Hayridge, créée en 2007, et d’Himola, deuxième société panaméenne créée en 2009. Himola a servi à collecter les fonds, Hayridge à la gestion de la maison. Les titres sont "au porteur", c’est-à-dire que le riad appartient en réalité à celui qui détiendra ces actions, qui seront retrouvées dans un coffre en Suisse.

Les enquêteurs ont laborieusement remonté la trace de l’argent. Ils ont fini par établir que le prix de vente officiel de la villa, 2,75 millions d’euros, a été payé par le Saoudien Mohamed Al Jaber au moment où celui-ci négociait un projet de tours jumelles à Levallois. Pour les juges, il s’agit d’argent de la corruption.

Par ailleurs, 2,5 millions d’euros supplémentaires ont été réglés via le compte singapourien d’une autre société panaméenne. Cet argent provient selon les magistrats instructeurs d’une commission versée à Patrick Balkany par un industriel belge et magnat du cuivre katangais, George Forrest, contre son aide pour un contrat en Afrique. Ce que réfute M. Balkany.

Les investigations sont remontées bien au-delà de la période 2007-2014 qu’elles ciblent, sans pouvoir retracer l’origine de tous les fonds. Les magistrats estiment que plus de 13 millions d’euros ont été dissimulés au fisc sur cette période.

Les juges estiment que Patrick Balkany a été "à la tête d’un véritable réseau de sociétés offshore" mis en place dès la fin des années 1980, quand son ancien compère Didier Schuller déposait en Suisse des "espèces provenant d’entreprises du BTP soucieuses de financer" le RPR.

A l’audience, Patrick Balkany a fermement nié avoir trempé dans un financement politique occulte et répété qu’il détestait "la corruption".

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