France: des migrants dénoncent l' »impossibilité » d’obtenir des rendez-vous en préfecture

Des mois d’attente et un risque d’expulsion qui se profile: une cinquantaine de ressortissants étrangers, excédés par "l’impossibilité" d’obtenir des rendez-vous en ligne pour régulariser leur situation, ont assigné l’État français en justice mercredi et manifesté devant les préfectures de la région parisienne.

Capuche de doudoune sur la tête et pochette bleue sous le bras, Mazua Salikumu, un Congolais de 46 ans, a ramené devant le Tribunal administratif de Montreuil, une commune à l’est de Paris, les captures d’écran imprimées qui prouvent que, depuis près de six mois, il tente en vain d’obtenir un rendez-vous en ligne pour pouvoir déposer son dossier où "tout est bon en terme de papiers".

"Je regarde tout le temps sur le site, pas de rendez-vous. J’ai même été arrêté par la police car je n’étais pas en règle. Je leur ai expliqué que j’avais tous les papiers mais que je n’arrivais pas à déposer mon dossier, ils m’ont laissé repartir", explique-t-il devant le tribunal où ont été déposés "symboliquement" ces recours, en réalité introduits de manière dématérialisée.

C’est justement la dématérialisation de ces services qui inquiète les dizaines d’associations de soutien aux migrants, comme La Cimade, qui ont appelé à des rassemblements mercredi après-midi devant quatre préfectures de banlieue.

Faute de créneaux disponibles, nombre de personnes étrangères, pourtant déjà détentrices d’une carte de séjour, n’arrivent pas à "renouveler leur titre à temps (…), ce qui peut entraîner la perte de leur emploi et de leurs droits sociaux", dénoncent ces associations. "Pour les autres, c’est un obstacle supplémentaire dans la régularisation", alors qu’elles remplissent pour certaines les conditions pour obtenir un titre de séjour: "Elles sont cantonnées dans l’irrégularité et demeurent sous le risque d’une expulsion", ajoutent-elles.

Laurence Roques, présidente du Syndicat des avocats de France, dénonce même "un pré-tri des étrangers" opéré par l’administration.

Des fils d’attente "virtuelles"

Il y a quelques années, explique-t-elle, "on avait des queues physiques dès 04H00 du matin, avec des étrangers qui se relayaient" pour accéder à la préfecture. Aujourd’hui, elles ont été remplacées par des files d’attente "virtuelles".

Dans un communiqué, le tribunal administratif de Montreuil a indiqué avoir été saisi de "près de 190 référés" depuis le 1er janvier 2019, assurant que ces dossiers étaient "traités par le tribunal en urgence".

"On reçoit plus de 80 étrangers par semaine, pour beaucoup avec des dossiers complets, mais il ne parviennent pas à prendre rendez-vous. Le seul conseil qu’on peut leur donner c’est d’essayer tous les quarts d’heure, dans l’espoir qu’un créneau se libère", déplore Yves, un militant de la Cimade.

"Ils passent leur temps à cliquer, leur famille, leurs amis, leurs voisins, cliquent tous les jours. C’est un stress constant", décrit Judith Sebo du Secours catholique, à un rassemblement de plus d’une centaine de personnes devant la préfecture de Nanterre (nord-ouest de Paris).

"On demande un accès effectif au service public. Ca devient une fabrique de sans-papiers", résume-t-elle.

Mazua Salikumu, lui, est prêt à tout pour pouvoir déposer son dossier: il y a quelques jours, on lui a proposé un rendez-vous moyennant 300 à 400 euros. "Je suis prêt à payer, même si je sais que c’est gratuit normalement, parce que sinon c’est impossible", poursuit-il, en expliquant toutefois qu’aux dernières nouvelles son "revendeur" n’avait toujours rien à lui proposer.

Les réseaux de revente de rendez-vous explosent ces derniers mois, abondent les associations.

Bocoum Daouda, sans-papier d’une trentaine d’années, raconte pour sa part avoir mis son réveil "toutes les nuits" pour se lever à 01H du matin, lorsque les places étaient censées être réaffichées.

"J’essayais jusqu’à 10H, 11H du matin. Rien. Mon employeur, qui était prêt à entamer une procédure de régularisation pour moi, a fini par abandonner il y a sept mois, car je ne déposais pas mon dossier", lâche-t-il, désabusé.

Il s’est ainsi retrouvé à la rue, affirme-t-il, avant d’être pris en charge par le Samu social de Paris. "J’ai tout perdu."

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