Composante fondamentale du droit marocain, le droit hébraïque confère au système juridique et judiciaire national toute sa singularité à l’échelle mondiale

Le droit hébraïque, en tant que composante fondamentale du droit marocain, confère au système juridique et judiciaire national toute sa singularité à l’échelle mondiale, ont souligné les participants à une rencontre tenue vendredi à « Bayt Dakira » à Essaouira.

Cette singularité a été illustrée par l’évolution qu’à connu le système juridique marocain, notamment avec la mise en place de tribunaux rabbiniques dédiés aux Marocains de confession juive et ce, aux côtés des juridictions islamiques, ont-ils ajouté lors de cette rencontre organisée par le Centre Abraham Zagouri d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc.

Intervenant à cette occasion, le professeur Farid El Bacha, Président exécutif dudit Centre, a fait savoir que l’année 1918 avait constitué un moment singulier dans l’évolution du système juridique marocain, en ce sens qu’elle avait été marquée par la publication au bulletin officiel, du Dahir du 22 mai 1918 portant réorganisation des tribunaux rabbiniques et du notariat juif.

Et d’ajouter que cette réorganisation a été jugée nécessaire afin d’assurer de manière plus régulière le fonctionnement de ces juridictions, notant que compétence leur était attribuée pour se saisir de toutes les affaires intéressant le statut personnel et successoral des Marocains de confession juive.  »Ces tribunaux seront institués à Casablanca, Fès, Marrakech et Essaouira et à la même année était instituée à Rabat le Haut tribunal rabbinique qui connaissait des appels des jugements rendus par les tribunaux rabbiniques, » a-t-il rappelé.

Après avoir souligné que cette rencontre coïncide avec le centenaire de la réorganisation des tribunaux rabbiniques, le professeur El Bacha a relevé qu’il s’agit d’un moment de mémoire nationale, témoin d’une singularité mondiale qu’il nous fait rappeler : au Maroc, des juges rabbins appliquent aux Marocains de confession juive, les règles du statut personnel hébraïque.

 »Des années de justice rabbinique ont ainsi contribué à la formation d’un droit hébraïque marocain », a-t-il dit, citant Jessica Marglin, théologienne américaine et titulaire de la Chair d’études judaïques  »Ruth Ziegler » à l’Université de Californie du Sud, qui avait démontré comment les juifs marocains n’étaient pas rétifs aux normes et pratiques des institutions judiciaires islamiques et ne rejetaient pas systématiquement les tribunaux islamiques en invoquant l’injustice inhérente de la loi islamique vis-à-vis d’eux.

 »Les choix judiciaires des juifs marocains indiquent, en revanche, qu’ils utilisaient les institutions disponibles pour optimiser leur propre avantage. Malgré leur autonomie judiciaire, les juifs avaient toujours l’occasion d’avoir recours aux tribunaux islamiques », explique-t-on.

Il s’agit d’un  »moment de mémoire d’un passé et d’une histoire écrite donc à deux mains, régulée par le droit musulman et le droit hébraïque dans une singulière symbiose qui explique la rencontre contemporaine entre le droit hébraïque et le droit musulman », a précisé le professeur El Bacha.

Soucieux de la préservation des droits des juifs marocains, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a tenu à ce que soit réaffirmé, dans le nouveau Code de la famille, l’application à leur égard des dispositions du statut personnel hébraïque marocain, et à ce que la Constitution de 2011 consacre la particularité hébraïque, "composante profondément ancrée de l’histoire du Maroc, comme l’un des affluents séculaires de notre identité nationale", a-t-il conclu.

De son côté, le professeur Abdellah Ouzitane, président-fondateur du Centre Abraham Zagouri d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc, s’est félicité, quant à lui, de la tenue de cette rencontre à Bayt Dakira, un espace qui témoigne de l’extraordinaire proximité entre islam et judaïsme, un bien commun et indivis.

Et d’ajouter que "la très grande singularité du Maroc s’exprime à travers l’immense profondeur historique entre l’islam et le judaïsme. Tout simplement, la grande richesse spirituelle et culturelle de l’identité marocaine dans toute sa diversité et sa pluralité", notant de ce fait que la culture juive marocaine est une réalité historique.

Pour M. Ouzitane, "la marocanité se définit par la notion d’appartenance à des valeurs et non parce que nous résidons ici ou là", notant que  »c’est ici, dans ce Royaume que les chambres rabbiniques sont encore fonctionnelles, une exception mondiale ».

Conformément à la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, il est temps que l’enseignement de la culture hébraïque prenne sa part légitime sur les bancs des écoles et des universités aux côtés de l’histoire et de la civilisation musulmane, a dit M Ouzitane, louant au passage la caractéristique du Royaume, terre plurielle et unie aux valeurs morales, humaines et humanistes où chacun à sa place, juifs, musulmans et chrétiens.

"A travers des siècles, s’est forgé un esprit de tolérance. Le Maroc sera toujours l’espace de la liberté, de l’idéal, de la vertu, une très belle leçon de l’humanité", a-t-il soutenu.  »Cette histoire nous oblige à imaginer ensemble, juifs et musulmans, l’avenir, un avenir loin des crises morales, des conflits et des guerres", a-t-il conclu.

En marge de cette rencontre organisée sous le thème  »doctrine, jurisprudence et évolution du droit hébraïque au Maroc », il a été procédé à la projection du film-documentaire  »Les Guerrières de la paix » de ses coréalisatrices Hanna Assouline et Jessica Bertaux, suivie d’une séance de débats.

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