Tunisie : le Président face au mépris islamiste

Bras de fer . L’extradition d’un ex-kadhafiste provoque une crise au sein de la coalition au pouvoir.

Tunisie : le Président face au mépris islamiste
C’est la première crise ouverte au sein de la troïka, la coalition qui gouverne la Tunisie depuis l’élection du 23 octobre. Elle a été déclenchée par l’extradition, dimanche, de Baghdadi Mahmoudi, le dernier Premier ministre de Kadhafi. Les trois partenaires – le mouvement islamiste Ennahda et deux formations de la gauche laïque, le CPR et Ettakatol – s’étaient pourtant entendus sur le principe. Sauf qu’un bras de fer oppose le Premier ministre islamiste, Hamadi Jebali, au président de la République, Moncef Marzouki, issu du CPR. «Je ne peux pas signer l’extradition de quelqu’un qui risque d’être torturé ou exécuté», avait déclaré le second, préférant au moins attendre les élections libyennes du 7 juillet. «La signature du Président n’est pas nécessaire», a répondu début juin Hamadi Jebali, s’appuyant sur l’avis rendu par le tribunal administratif, pour trancher le flou juridique sur la question.

L’affaire a finalement été résolue en catimini : tôt dans la matinée de dimanche, Mahmoudi a été reconduit en Libye, sans même que Moncef Marzouki n’en soit informé. Un camouflet pour ce militant des droits de l’homme, déjà sévèrement critiqué par l’opposition pour avoir accepté un poste vidé de toute prérogative. Humilié, le Président a condamné via ses conseillers «une décision illégitime» et veut saisir l’Assemblée constituante. Un débat aura lieu vendredi. «C’est plus une question de déontologie que de légalité, souligne le politologue Fayçal Cherif. Le Président ne se voit attribuer qu’un rôle protocolaire par le texte de répartition des pouvoirs pendant la période transitoire. Or, même dans ce rôle, il a été méprisé.»

Les ministres d’Ennahda ont aussitôt défendu «une opération purement technique» sur laquelle le Président n’aurait pas de prise. Ettakatol a également redit son soutien à cette décision d’extradition. Même le CPR, le parti de Marzouki, a joué la cohésion gouvernementale, avant de changer d’avis et de marquer sa solidarité envers son fondateur. Ennahda a tenté de calmer le jeu, hier, en se disant attaché«à préserver le statut du Président».

Après six mois d’exercice du pouvoir, «cette histoire montre qu’il y a un problème dans la façon dont fonctionne la coalition. C’est un pouvoir exclusif d’Ennahda», fulmine le député Selim ben Abdesselem, vice-président du groupe Ettakatol à l’Assemblée. Face aux islamistes, l’opposition politique reste encore très éclatée. Mais elle semble tentée, peu à peu, de se souder en un front «tout sauf Ennahda».

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