PS-2012-Les présidentiables soignent leur ligne

A dix mois du dépôt des candidatures pour les primaires, chacun prépare sa stratégie afin de peser sur l’orientation future du parti.

PS-2012-Les présidentiables soignent leur ligne
Les socialistes sont de retour. A commencer par la première d’entre eux, Martine Aubry, qui a ouvert hier soir les préliminaires de leur traditionnelle université d’été de La Rochelle. La première secrétaire, qui s’exprimait à l’occasion du pot de la fédération de Charente-Maritime a tapé fort en dénonçant un «été de la honte pour la France», une France «abîmée, salie». Alors que la cote présidentielle demeure au plus bas, et que l’opinion commence à manifester un désir de gauche, les socialistes, malgré le léger crachin charentais, espèrent bien avoir le vent en poupe après trois ans de vaches maigres. «On vient parfois un peu plus séparés que cette année», a plaisanté Martine Aubry face aux militants, en faisant allusion au climat entre camarades, qu’on a effectivement connu plus tendu.

Reste qu’à dix mois du dépôt officiel des candidatures pour les primaires internes, la question du «dispositif humain» cher aux socialistes se pose plus que jamais et pourrait vite faire déraper les débats. Parce que l’ombre de Dominique Strauss-Kahn, qui écrase chaque semaine un peu plus les sondages, plane sur La Rochelle. Parce que François Hollande est fermement décidé à jouer sa carte. Et parce que Ségolène Royal, comme elle le confirme à Libération, entend bien peser sur la suite des opérations. Et «s’inscrire dans la durée».

MARTINE AUBRY La chef de l’opposition

Surtout, ne pas en parler. Martine Aubry et la présidentielle ? Circulez, rien à voir. La première secrétaire, depuis son arrivée à La Rochelle, n’a de cesse de faire retomber la température à ce propos. Alors qu’elle avait assuré qu’elle prendrait sa décision «avant le début de l’année 2011», la voilà qui appuie sur la pédale de frein. «Vous me demandez de savoir si je vais présenter ma candidature en décembre, en janvier ou en février ? Les Français s’en foutent. Ce qu’ils veulent, c’est que la gauche soit là pour leur remonter la France, sortir du déclin, apporter des réponses.»

Après une absence estivale fort remarquée – un communiqué en six semaines -, Martine Aubry est donc de retour. Pas encore dans le rôle de la candidate. Mais «plus que jamais chef de l’opposition, résume son porte-parole Benoît Hamon. Aujourd’hui, en face de Nicolas Sarkozy, il y a Martine Aubry en numéro 1. Elle s’est imposée politiquement comme la chef de l’opposition incontestée et incontestable». Un personnage qu’elle tentera de camper, dimanche, lors d’un discours fleuve de clôture. Objectif, résume son lieutenant François Lamy : «Lancer le Parti socialiste dans une nouvelle étape, à la fois proche des Français et de leurs préoccupations.» Une nouvelle étape, aussi, pour sa patronne. Un dirigeant du parti résume : «Elle s’installe dans le groupe de ceux qui peuvent battre Nicolas Sarkozy, elle est sacrée chef de l’opposition, elle a maté un par un tous les bastions de l’opposition interne.Elle a indéniablement une position de force, mais se trouve devant un chemin de croix…»

DOMINIQUE STRAUSS-KAHN Le fantôme

Les absents n’ont pas toujours politiquement tort. Dominique Strauss-Kahn peut en témoigner. Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), qui se trouve à mille lieues de la rentrée du Parti socialiste, est pourtant dans tous les esprits. D’abord parce qu’en cette rentrée rochelaise, il flambe plus que jamais à la bourse de l’opinion : un sondage TNS Sofres pour le Nouvel Observateur (1) vient de donner battant à plate couture Nicolas Sarkozy, par 59% contre 41% – alors que Martine Aubry le bat aussi, mais seulement par 53% contre 47%. De quoi alimenter, parmi ses proches, le phantasme d’un tsunami politique, balayant sur son passage les ambitions de ses concurrents potentiels.

Un député strauss-kahnien : «Il n’y aura pas de primaires. Une fois que Dominique se sera présenté, personne n’osera se présenter contre lui.» Reste la grande inconnue de l’équation Dominique Strauss-Kahn : le scénario du retour. Quand ? Comment ? Mystère sur toute la ligne. D’autant que le directeur général du FMI, qui n’a – depuis sa sortie remarquée sur le «dogme» de la retraite à 60 ans – pas fait la moindre incursion publique sur le terrain politique hexagonal, ne pipe mot. Trop tôt, juge le premier cercle, qui surjoue la discrétion, de peur de fâcher la première secrétaire. Les amis de Dominique Strauss-Kahn le jurent : il n’y aura cette année à La Rochelle pas le moindre raout, pas le plus petit dîner de l’écurie strauss-kahnienne… A vérifier. «Personne n’en parle, mais tout le monde y pense», glisse un de ses lieutenants. Dominique Strauss-Kahn, où le fantôme de La Rochelle…

FRANÇOIS HOLLANDE L’homme des réseaux

Déterminé, relooké, regonflé. Parti de loin et le premier en campagne pour les primaires, François Hollande enregistre des signes de croissance dans les sondages. Dans notre enquête Viavoice publiée lundi, sa popularité atteint un record – pour lui – de 43%. Soit 15 points de moins que celle de Dominique Strauss-Kahn. Et sa présidentiabilité est à 21%, encore 10 points derrière Martine Aubry. Mais au second tour de la présidentielle, le candidat François Hollande fait désormais jeu égal à 50% face à Nicolas Sarkozy, selon l’enquête TNS Sofres du Nouvel Observateur. De quoi l’inciter à creuser son sillon de «réformiste de gauche», fût-ce en s’opposant de plus en plus à une direction du PS «pieds et poings liés» à l’aile gauche du parti. François Hollande soigne sa ligne pour faire oublier ses vieux habits de premier secrétaire aux synthèses molles. Le député de Corrèze a minci, changé de lunettes. Et musclé ses propositions : après avoir avancé un pacte redistributif pour réformer la fiscalité et un pacte productif pour «mobiliser la nation», François Hollande a présenté un pacte éducatif. Il a aussi animé en juin un colloque sur la défense et l’international.

Le hic, c’est que Dominique Strauss-Kahn, plébiscité dans les sondages, est sur le même créneau que lui. D’où le pari de Hollande : si le directeur du FMI renonce à concourir, il ne fera qu’une bouchée d’Aubry et Royal lors des primaires. Car nul autre que lui ne connaît et ne cultive autant les réseaux internes au PS. Premier secrétaire pendant dix ans, il a multiplié les fêtes de la rose. Et se livre depuis à «un tour des fédés» quasi permanent. Il soigne particulièrement les barons locaux. Au printemps, François Hollande a ainsi pris la tête de la bronca contre le non-cumul des mandats, forçant Aubry à en reculer l’application après les sénatoriales. Il considère que sa successeure n’a pas la même assise que lui dans l’appareil. Et que les cadres du parti lui serviront d’agents électoraux pour convaincre les sympathisants de voter pour lui aux primaires ouvertes. Reste l’inconnue Dominique Strauss-Kahn. «S’il revient, c’est mort», reconnaissent ses proches.

(1) Sondage réalisé les 20 et 21 août sur un échantillon de 1 000 personnes.

(Source Libération)

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