Matignon tente une OPA sur l’intégration et la lutte contre les discriminations

Il n’y aura donc pas de ministère de l’Intégration. Selon nos informations, Jean-Marc Ayrault, qui pilote depuis des mois une «refondation» sur ce sujet, a tranché : il doit annoncer la création d’un commissariat général, ou haut-commissariat, consacré à l’intégration, à la lutte contre les discriminations et à l’égalité la semaine prochaine. Ainsi qu’une batterie de mesures concrètes. La nouvelle entité devrait être pilotée par un haut fonctionnaire placé sous l’autorité du Premier ministre. L’autre hypothèse consistant à y placer un ministre, et de préférence un poids lourd, a été écartée. Tout comme la solution de replacer l’intégration sous l’égide de Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, selon le schéma qui existait avant que Nicolas Sarkozy fasse basculer l’ensemble des sujets liés aux étrangers vers le ministère de l’Identité nationale en 2007 (supprimé en 2010). Un schéma prolongé par Manuel Valls à son arrivée à l’été 2012, malgré une forte pression des associations qui, estimant que celui qui expulse ne peut pas être celui qui intègre, espéraient que l’immigration sortirait du périmètre de l’Intérieur.

Cette nouvelle structure sera alimentée par des fonds en provenance de plusieurs ministères, dont l’Emploi, le Logement, la Ville, l’Education et l’Intérieur. «Pour rétablir l’égalité, il n’est pas nécessaire de créer des dispositifs spécifiques mais d’assurer l’accès à tous aux politiques de droit commun», indique Matignon. Soit un schéma qui ressemble furieusement à la défunte Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Recentrage. Dans le processus, Valls aurait rechigné à lâcher du lest sur son périmètre et sur son budget. François Lamy, chargé de la ville auprès de Cécile Duflot, a alors expliqué à Ayrault que si Valls acceptait de ne pas avoir la tutelle sur l’intégration, lui aussi se retirait du jeu, laissant la porte ouverte au profil d’un haut fonctionnaire. La Place Beauvau se défend d’avoir compliqué les discussions : «Aucun ministère ne peut prétendre avoir seul le monopole sur cette politique d’intégration. Il existe un risque qu’elle soit associée aux étrangers. Donc le ministre recentre fortement son action sur l’accueil des étrangers durant les premières années. Cela va passer par le titre pluriannuel qui sera créé par la "loi immigration" et le développement de cours de langue française.» A entendre l’entourage du ministre, il n’y aurait donc pas de rétrécissement du périmètre de l’Intérieur, mais quand même un… recentrage. Autre preuve : la Direction générale des étrangers, créée l’été dernier, a déjà entériné la suppression du Secrétariat à l’immigration et à l’intégration. Même plaidoyer du côté de François Lamy : «J’ai toujours milité pour un dispositif interministériel qui, pour être efficace, doit reprendre tous les crédits dédiés à l’intégration, y compris ceux du ministère de l’Intérieur. Faute de moyens, on retombera dans la vieille structure de ministère de la parole de l’intégration.»

Décrié. Après la gestion calamiteuse du report de la «loi famille» cette semaine, c’est encore un sujet de société sensible qui se profile pour l’exécutif, même si la seule annonce de la création de cette structure ne devrait pas mettre le feu aux poudres. Quoique… Il y a fort à parier que droite et extrême droite ne manqueront pas de relever cette marque d’attention à l’égard des immigrés et de leurs descendants. Et que, quel qu’il soit, son budget sera décrié comme trop élevé en ces temps de crise économique. Le gouvernement risque aussi de décevoir à gauche, où certains espéraient une vraie refonte de la politique d’intégration. Reste à savoir si cette annonce sera accompagnée d’un discours fort d’Ayrault, ou s’il se contentera de lancer cette amorce de réforme presque en cachette. Une fois de plus.

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