Maroc: quatre ministres limogés

Le roi Mohammed VI a procédé mardi à un vaste remaniement ministériel après l’audience accordée par le souverain à Driss Jettou, président de la Cour des comptes, sur les conclusions de l’enquête concernant les retards enregistrés dans l’exécution des projets programmés dans le cadre de « Al Hoceima Manarat Al Moutawassit ».

Ce rapport d’audit avait été commandé par le roi pour déterminer les raisons du retard dans le programme "Al-Hoceïma, phare de la Méditerranée" (2015-2019), doté d’une enveloppe de 600 millions d’euros.

Remis mardi, ce rapport a démontré qu’il n’existait "ni malversations ni détournements", mais fait état de "dysfonctionnements" et de retards injustifiés, indique un communiqué du cabinet royal. "Il a été constaté un grand retard dans le lancement des projets, pis encore la majorité de ces projets n’avait même pas été lancée, avec l’absence d’initiatives de la part de certains intervenants", selon le communiqué.

Les conclusions du rapport ont clairement établi les graves dysfonctionnements qui ont entouré la bonne exécution des projets, sous i par le précédent gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane. Suite à cela, le roi a limogé quatre ministres en activité dont la responsabilité a été établi par l’enquête. Cinq anciens ministres ont également été mis en cause.

Les limogés:

Mohamed Hassad, ministre de l’Education nationale, alors ministre de l’Intérieur

El Houssaine El Ouardi, ministre de la Santé sous les gouvernements de Saâd Eddine El Othmani et d’Abdelilah Benkirane

Mohamed Nabil Benabdellah, ministre de l’Habitat sous Saâd Eddine El Othmani et d’Abdelilah Benkirane.

Larbi Benckheikh, secrétaire d’Etat en charge de la formation professionnelle et qui occupait avant le poste de directeur général de l’OFPPT.

Et Ali Fassi Fihri, directeur général de l’Office national d’eau et d’électricité.

Le roi a demandé au chef du gouvernement, l’islamiste Saadeddine El Othmani, de lui soumettre des propositions de noms pour remplacer les responsables limogé

Les cinq anciens ministres mis en cause par le rapport sont: Rachid Belmokhtar, ancien ministre de l’Education nationale, Lahcen Haddad, ancien ministre du tourisme, Lahcen Sekkouri, ancien ministre de la Jeunesse et des sports, Mohamed Amine Sbihi, ancien ministre de la Culture et Hakima El Haïté, ancienne secrétaire d’Etat en charge de l’environnement.

Le souverain a exprimé son "mécontentement" à leur égard pour ne pas avoir été à la hauteur de la confiance placée en eux. De plus, "aucune responsabilité officielle ne leur sera confiée à l’avenir".

Dans son rapport, le président de la Cour des comptes indique que son enquête a révélé "un ensemble de déséquilibres" durant la précédente législature. Le document précise également que "plusieurs secteurs ministériels et institutions publiques" n’ont pas respecté leurs engagements pour permettre de mener à bien les projets.

Selon le premier président de la Cour des comptes, les explications fournies par ces départements ne "justifient pas le retard" de la mise en œuvre du programme Al Hoceima Manarat Al Moutawassit. Le rapport élaboré par l’institution de Driss Jettou précise néanmoins qu’ "aucun cas de fraude ou de détournement de fonds" n’a été constaté.

Il indique toutefois qu’en termes de gouvernance, la Commission centrale chargée du suivi de ce projet de développement ne s’est réunie qu’en février 2017 soit plus d’un an après la signature de la Convention initiant le programme de développement de la province d’Al Hoceima. La Cour des comptes relève également que certains départements ont "transféré le solde de leurs contributions financières" à l’Agence de développement du Nord.

Voici le texte du communiqué du Cabinet Royal :

"SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a reçu, mardi 24 octobre 2017 au palais royal à Rabat, le Premier président de la Cour des comptes, en présence du chef du gouvernement, et des ministres de l’Intérieur, et de l’Economie et des Finances.

Au cours de cette audience, le Premier président de la Cour a présenté devant Sa Majesté le Roi un rapport comportant les résultats et conclusions de la Cour sur le programme « Al Hoceima : Manarat Al Moutawassit».

Le rapport de la Cour des comptes a souligné que les investigations et enquêtes qu’elle a menées ont confirmé l’existence de plusieurs dysfonctionnements enregistrées sous le précédent gouvernement.

Le rapport a également révélé que plusieurs secteurs ministériels et établissements publics n’ont pas honoré leurs engagements dans la mise en œuvre des projets et que les explications qu’ils ont fournies ne justifient pas le retard qu’a connu l’exécution de ce programme de développement. Le rapport a en outre démontré qu’il n’existait ni malversations ni détournements.

Concernant la gouvernance, et à titre d’illustration, la commission centrale de suivi, composée des responsables gouvernementaux concernés, ne s’est réunie qu’en février 2017, soit 16 mois après la signature de la convention, au moment où la commission locale de contrôle et de suivi, présidée par le gouverneur de la province d’alors, a démontré son incapacité à mobiliser et à encourager les différents partenaires, et à imprimer le dynamisme nécessaire pour le lancement des projets sur des bases solides.

Le rapport ajoute que devant le non-respect des engagements et le retard évident dans le lancement des projets, certains secteurs concernés ont transféré une partie de leurs contributions financières à l’Agence de développement des provinces du Nord comme moyen de se dérober à leurs responsabilités.

Et eu égard à l’importance de ce programme de développement, et à la multiplication des intervenants, il était nécessaire que le gouvernement et la commission ministérielle du suivi assument la mission de supervision directe, à l’initiative du ministère de l’Intérieur, notamment durant sa phase de lancement.

S’agissant de l’exécution des projets programmés, il a été constaté un grand retard dans le lancement des projets, pis encore la grande majorité de ces projets n’avait même pas été lancée, avec l’absence d’initiatives concrètes de la part de certains intervenants concernés pour leur lancement effectif.

– De par les prérogatives constitutionnelles de Sa Majesté le Roi en tant que garant des droits des citoyens et protecteur de leurs intérêts;

– En application des dispositions de l’article 1 de la constitution, notamment dans son alinéa 2, relatif à la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes ;

– Se basant sur les différents rapports soumis à la Haute appréciation du Souverain par l’Inspection générale de l’administration territoriale, l’Inspection générale des finances et la Cour des Comptes et après détermination des responsabilités, de manière claire et précise, prenant en considération le degré de manquement dans l’exercice de la responsabilité, SM le Roi, que Dieu L’assiste, a décidé un ensemble de mesures et sanctions à l’encontre de plusieurs ministres et hauts responsables.

Dans ce cadre, et en application des dispositions de l’article 47 de la Constitution, notamment dans son alinéa 3, et après consultation du chef du gouvernement, Sa Majesté le Roi a décidé de mettre fin aux fonctions de plusieurs responsables ministériels. Il s’agit de :

– Mohamed Hassad, ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, en sa qualité de ministre de l’Intérieur dans le gouvernement précédent ;

– Mohamed Nabil Benabdellah, ministre d’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, en sa qualité de ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville dans le gouvernement précédent ;

– El Houcine Louardi, ministre de la Santé, en sa qualité de ministre de la Santé dans le gouvernement précédent ;

– Larbi Bencheikh, Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, chargé de la formation professionnelle, en sa qualité d’ancien directeur général de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail ;

Sa Majesté a décidé également de mettre fin aux fonctions de Ali Fassi Fihri, directeur général de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable.

Pour ce qui est des autres responsables dans le gouvernement précédent également concernés par ces dysfonctionnements, Sa Majesté le Roi, que Dieu Le préserve, a décidé de leur notifier Sa non satisfaction, pour n’avoir pas été à la hauteur de la confiance placée en eux par le Souverain et pour n’avoir pas assumé leurs responsabilités, affirmant qu’aucune fonctions officielle ne leur sera confiée à l’avenir. Il s’agit de :

Rachid Belmokhtar Benabdellah, en sa qualité d’ancien ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle ;

Lahcen Haddad, en qualité d’ancien ministre du Tourisme ;

Lahcen Sekkouri, en sa qualité d’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports ;

Mohamed Amine Sbihi, en sa qualité d’ancien ministre de la Culture ;

Hakima El Haiti, ancien secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, chargé de l’Environnement ;

Par la suite, SM le Roi a chargé le chef du gouvernement de soumettre des propositions de nomination de nouveaux responsables dans les postes vacants.

En ce qui concerne le reste des responsables administratifs au sujet desquels les rapports ont relevé des manquements et des dysfonctionnements dans l’exercice de leurs fonctions, et qui sont au nombre de 14, Sa Majesté le Roi a donné Ses Hautes Instructions au chef du gouvernement en vue de prendre les mesures nécessaires à leur encontre, et de soumettre un rapport à ce sujet à Sa Majesté.

D’autre part, les résultats et les conclusions du rapport de la Cour des comptes ont montré que, suite aux Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi lors du Conseil des ministres tenu le 25 juin 2017, une nouvelle dynamique a été enregistrée au niveau de la mobilisation des différents intervenants, de même qu’un progrès notable a été réalisé au niveau de la mise en œuvre des projets.

Dans ce cadre, Sa Majesté le Roi, tout en se félicitant des efforts déployés par le gouvernement actuel en vue d’accélérer la mise en œuvre des projets programmés, a donné Ses Hautes Orientations pour tirer les leçons des difficultés qu’a connues le programme de développement Manarat Al Moutawassit afin d’éviter les dysfonctionnements et les obstacles qui pourraient entraver la réalisation des chantiers de développement dans les différentes régions du Royaume.

Sa Majesté le Roi a également réitéré Ses Hautes Instructions en vue de prendre toutes les mesures organisationnelles et réglementaires visant à améliorer la gouvernance administrative et territoriale et interagir de manière positive avec les revendications légitimes des citoyens, dans le respect strict de la loi et de l’Etat de droit.

Il est de notoriété publique que Sa Majesté le Roi, depuis Son accession au Trône, veille personnellement au suivi des projets lancés par le Souverain, adoptant une approche spécifique basée sur l’efficience, l’efficacité et la célérité dans l’exécution, et sur le strict respect des engagements.

Il est à souligner que ces décisions royales s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle politique qui ne se limite pas uniquement à la région d’Al Hoceima, mais englobe toutes les régions du Maroc, et qui concerne tout responsable, tous niveaux confondus, en application du principe de corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, d’encouragement des initiatives constructives et de promotion des valeurs de patriotisme sincère et de citoyenneté engagée au service de l’intérêt général.

Dans ce contexte, Sa Majesté le Roi a donné Ses Hautes Instructions au ministre de l’Intérieur en vue de mener les investigations nécessaires au niveau national au sujet des responsables relevant du ministère de l’Intérieur à l’Administration territoriale, tous grades confondus.

Sa Majesté le Roi a donné également Ses Hautes orientations au Premier président de la Cour des comptes pour l’examen et l’évaluation de l’action des conseils régionaux d’investissement."

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