Les petits affronts du président tunisien au pouvoir algérien

Le nouveau président tunisien Moncef Marzouki vient de passer trois jours en Libye. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir comme président de transition, le nouvel homme fort de la Tunisie n’en finit pas de multiplier les petits affronts envers son voisin algérien. Pour sa première visite à l’étranger en tant que chef de l’État tunisien, il choisit donc la Libye, et non le "grand voisin", le "grand frère", la "grande puissance régionale" que l’Algérie entend continuer de représenter. Une marque d’ingratitude, alors que la petite Tunisie a reçu à la mi‑mars 100 millions de dollars d’aide de l’Algérie ? Un symbole en tous cas. La visite présidentielle tunisienne à Tripoli aura enregistré l’évocation par Marzouki d’un « noyau » tunisio‑libyen autour duquel il souhaite redynamiser l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Marzouki ne se contente pas de vouloir redistribuer les cartes des influences et des partenariats au Maghreb. Il est allé très loin sur le dossier syrien, permettant à 200 membres du Conseil national syrien (CNS, opposition au régime de Bachar Al Assad) de se réunir à Tunis le 16 décembre, dans un pays en pleine célébration du premier anniversaire de sa révolution. Marzouki sait pourtant à quel point la question syrienne est sensible pour le pouvoir algérien, qui hésite à trop s’avancer dans la critique du régime d’Assad.

D’autre part, à en croire les déclarations de certains responsables d’Ennahda se disant prêts à recevoir des responsables de l’ex‑FIS en Tunisie, l’Algérie est en droit de penser que la Tunisie veut aussi jouer le jeu du Qatar, potentiel repère d’islamistes comme Abassi Madani. Certes, ces déclarations ne viennent pas de la bouche de Ghanouchi, le patron d’Ennahda, mais les auteurs de cette proposition n’ont nullement été recadrés par leur direction.

Frères de révolution

Derrière la multiplication de ces petits affronts se lit, outre une évidente stratégie de vexation, un positionnement de Merzouki dans la perspective de l’élection présidentielle définitive tunisienne qui devrait intervenir dans un délai de 12 à 18 mois. Moncef Marzouki est un populiste et son approche diplomatique l’est tout autant. Très conscient de la "parenté de révolution" qui s’est tissée entre son peuple et le peuple libyen, quand les Algériens ont toujours à leur tête les mêmes dirigeants, il surfe sur l’image forte des révoltés arabes qui rend la Libye plus sympathique que l’Algérie auprès du peuple tunisien. Pragmatique, il n’oublie pas les intérêts de son en pays : en Libye, il est aussi allé chercher des investissements.

À Alger, on ne commente pas les gestes de Marzouki. Le chef de la diplomatie algérienne, invité mardi 3 janvier de la chaîne III de la radio nationale, n’a dit que du bien de la Tunisie : « Forte de ses acquis démocratiques et de ses institutions, la Tunisie donne l’exemple aujourd’hui d’un pays qui est en train de réussir sa mutation. Avec la Tunisie, nous avons des rapports excellents ». Une façon de tempérer l’attitude tunisienne, qui semble favoriser un axe de ralliement vers l’est ? Une chose semble acquise : ce rapprochement entre la Tunisie et la Libye est de nature à favoriser un virage vers l’Ouest pour l’Algérie, dont les relations avec le Maroc semblent connaître un sérieux nouveau départ.

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