«Les étrangers, en Etrangerie !»

Que ce soit pour voter ou travailler après ses études, l’étranger n’a pas le vent en poupe, ces temps-ci, au gouvernement. Non à la caillera diplômée. On ne veut pas des têtes bien faites, on veut juste gagner plus (de voix). Et on a déjà donné le droit de vote aux femmes, si on l’offre aussi aux étrangers, pourquoi pas aux enfants ? C’est comme si les étrangers étaient justement de grands enfants qui n’auront jamais 18 ans. Ce n’est plus «La France, tu l’aimes ou tu la quittes» mais : «La France, tu l’aimes et tu la quittes.» Au moins, on n’est pas snobs. Diplômés ou pas diplômés, on traite les étrangers pareil : dehors. Le principe d’égalité fonctionne à fond. On préfère qu’ils ne s’intègrent pas, qu’ils se cantonnent aux tâches subalternes. D’accord pour des éboueurs pas de chez nous mais pas des directeurs. Déjà que maintenant on a une patronne allemande. Ça peut tourner n’importe comment, tous ces étrangers d’hier qui sont les Européens d’aujourd’hui. On applique contre eux le principe de précaution. On ne sait jamais, mieux vaut prévenir que guérir. Tout le monde préfère-t-il vraiment se faire soigner par un mauvais médecin français que par un bon médecin étranger ? On a sûrement un frisson rétrospectif en se souvenant de toutes les fois où, voyageant en avion, on a confié notre vie à des pilotes étrangers.

On parle toujours du nombre d’étrangers en France mais ils pullulent surtout à l’étranger, obligeant le gouvernement à prendre des mesures draconiennes. «Les Jaunes, en Asie ; les Arabes, en Arabie ; les Noirs, en Noirie !» Ou, plus précisément : «Les étrangers, en Etrangerie !» On se croirait dans un film catastrophe où s’empareraient de la planète des extraterrestres d’un genre particulier : les étrangers. Fidèle à sa tradition, la France sera ce village qui résistera encore et toujours à l’envahisseur. Vu la sueur et les larmes qu’on y annonce, notre cher et vieux pays n’a pas l’air d’une destination si enviable. Les étrangers veulent y venir quand même ? C’est bien la preuve que ce sont des fous qui n’ont pas leur place chez nous, en pleine patrie de Descartes. L’avantage est que ça permet en outre de dire aux Français, population grognante et bougonnante : «Vous vous rendez compte du privilège que vous avez ? Tellement de gens aimeraient être à votre place.» Il y a un numerus clausus pour les étrangers, comme si on était actuellement exactement le nombre qu’il faut. On leur dit : «On doit attendre que ça baisse. Mais autant vous prévenir : la natalité est bonne. Retentez votre chance dans une génération.»

On adore les touristes mais il ne faudrait pas qu’ils tapent l’incruste – ni non plus qu’ils passent en coup de vent pour tout dépenser à Londres ou Rome. On veut que les étrangers aiment notre tour Eiffel et notre gastronomie plus que notre système éducatif ou de protection sociale. Imaginons un cataclysme qui engloutirait tous les registres d’état civil et qu’on nous dise : «Vous êtes Français ? Prouvez-le.» On s’y prendrait comment ?

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite