Les Arabes et la présidentielle française

En termes d’intérêts, il n’y a que les élections américaines pour faire de la concurrence à la présidentielle française. Jamais sans doute les élections françaises n’ont été à ce point au centre des préoccupations de nombreuses capitales arabes. Jamais le devenir français n’a été à ce point scruté, interrogé. Et pour cause, cette dispute électorale du pouvoir à Paris intrigue et passionne.

Par Mustapha Tossa

Les enjeux politiques qui y sont attachés sont énormes et les ruptures et les accélérations qu’elle risque de provoquer sont vives et pointues. Traduction de cet intérêt, les médias arabes mainstream accordent une généreuse attention à ce qui ressemble à une course effrénée, pavée de toutes les surprises, vers le pouvoir entre des candidats improbables et inattendus.

Le grand frisson français provient du fait que quel qu’il soit le vainqueur de cette course présidentielle, les tournants sont inévitables dans la relation de ce grand espace arabe et ses multiples crises, à la fois lointaine et intime avec la France et ses choix politiques.

Un homme comme François Fillon, candidat des Républicains, a déjà annoncé la couleur. Ses choix stratégiques consistent à se rapprocher des visions de Vladimir Poutine. Pour lui, la guerre contre Daesh prime contre tout autre choix politique ou considération morale. Même quand les médias s’acharnent à démontrer le probable usage des armes chimiques par le pouvoir de Bachar El Assad contre sa propre population, François Fillon s’enferme dans sa logique russe. La chute du pouvoir syrien ouvrirait un grand boulevard aux organisations extrémistes pour prendre le pouvoir à Damas et déstabiliser l’ensemble de la région.

Sur un autre niveau, le candidat LR a brillé par une dangereuse originalité. Il est presque le seul grand candidat avec Marine Le Pen à formuler un implacable réquisitoire basé sur des accusations précises contre deux pays influents du Golfe, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Fillon les accuse ouvertement de parrainer et de financer les organisations terroristes comme Daesh et les accuse implicitement d’être à l’origine de tout ce chaos qui embrasse le Moyen orient et menace la stabilité de l’Europe. Sa guerre contre le terrorisme commence d’abord par demander des comptes à ces deux pays. Il est dans ce cas difficile d’imaginer les futures relations d’un ensemble aussi puissant que le Conseil de coopération du Golfe avec un François Fillon, locataire de l’Elysée.

Par ailleurs une femme comme Marine Le Pen, icône de l’extrême droite, dont certains commencent à envisager la possible arrivée au pouvoir, est source d’angoisse pour tout le monde. Non seulement cette hypothèse fera bouger le sol sous les pieds de l’Union Européenne qu’elle ne cesse d’accuser d’être source de tous les maux , mais elle aura un strident impact dans les capitales du Maghreb. Dans sa volonté de donner une ampleur à son image présidentielle, Marine Le Pen a visité quatre pays, l’Egypte, le Liban, le Tchad et la Russie, mais aucun pays au Maghreb. Elle sait que pour des raisons politiques et historiques, il n’y est pas la bienvenue. Autant elle est volontairement et opportunément clivante en France, autant elle fait l’unanimité contre elle au Maghreb. Le spectacle de tensions qu’elle a donné en Corse est une mini répétition de ce qui pourrait arriver si elle envisageait de mettre le pied dans une capitale du Maghreb. L’opinion et la classe politique là bas l’accuse de faire de la xénophobie et du racisme un juteux fond de commerce.

Par contre, une forme de continuité de la politique étrangères française pourrait être assurée par une homme comme Emmanuel Macron, plus par tempérament que par fidélité à l’héritage de François Hollande. Malgré la nouveauté qu’il tente d’injecter dans la vie politique française, Emmanuel Macron est un homme du consensus et de la synthèse. Quand à Jean Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche, occupé à démanteler la cinquième république pour donner naissance à une sixième, la politique étrangère n’est pas son point fort. Outre l’envie de tenter de retrouver l’indépendance de la France par rapport à l’alliance atlantique, Jean Luc Mélenchon est aussi victime d’un tropisme russe sur les questions internationales. Voici ce que son parti, le Front de gauche écrivait que ces questions: "En Libye, en Irak, en Syrie ou au Yémen, les États-Unis tirent prétexte du chaos qu’ils ont eux-mêmes créé, en armant des terroristes islamistes, avec l’aide de leurs alliés pour justifier les interventions meurtrières pour les populations".

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