L’Algérie cible la fraude pour compenser la chute des revenus pétroliers

L’Algérie entend durcir la lutte contre la corruption, le commerce informel et les transferts illégaux de devises afin de contrebalancer la raréfaction de ses ressources extérieures induite par la chute des prix des hydrocarbures.

Comme d’autres pays pétroliers, l’Algérie est contrainte de réviser son budget alors que l’or noir et le gaz lui assurent plus de 95% de ses recettes à l’exportation.

Ce pays de 40 millions d’habitants qui achète à l’étranger des biens d’équipements, des produits alimentaires et des médicaments notamment, avait jusqu’à présent évalué le total de ses importations à 65 milliards de dollars pour 2015.

Mais le Premier ministre Abdelmalek Sellal a annoncé cette semaine qu’il était nécessaire de réduire la facture des importations, qui a déjà conduit le gouvernement à puiser sept milliards de dollars dans les réserves de change au dernier trimestre 2014.

La loi de finances complémentaire "comprendra des décisions et des mesures visant à assurer une meilleure maîtrise du commerce extérieur à travers la lutte contre la corruption et la fraude dans le financement des importations et à mettre fin à l’anarchie qui caractérise cette activité", a expliqué M. Sellal lors d’une conférence lundi à Alger.

L’Algérie comptait 300.000 importateurs en 2012 sur 760.000 entreprises recensées, selon le président d’une association patronale, Mohand Saïd N’Ait Abdelaziz.

En 2014, l’excédent de la balance commerciale a baissé de 53,4%, de 9,9 milliards de dollars à 4,63 milliards.

La Chine, avec 7,44 milliards de dollars, a conservé en 2014 la première place de fournisseur de l’Algérie, devant la France (5,89 mds), l’Espagne (4,60 mds), l’Italie (4,54 mds) et l’Allemagne (3,44 mds).

Après une "décennie noire" marquée par la guerre civile et une sévère crise économique dans les années 90, l’Algérie s’est redressée grâce à une envolée des prix du pétrole. Elle a importé massivement des biens et des services pour rattraper son retard de développement. 63% des importations sont destinées à l’appareil de production, selon le ministre du Commerce, Amara Benyounès.

– Procès retentissants –

Mais de nombreuses transactions ont été entachées par des irrégularités qui ont fait perdre au trésor public des milliards de dollars. Les dossiers de corruption s’empilent d’ailleurs dans les tribunaux. Les plus retentissants d’entre eux impliquent le groupe pétrolier Sonatrach, la Khalifa Bank et le chantier de l’autoroute est-ouest dont le coût a doublé et qui aurait donné lieu à des versements de commissions pour un milliard de dollars.

"Les affaires qui ont un prolongement judiciaire ne sont que la face visible de l’iceberg", commente un cadre du ministère des Finances sous le couvert de l’anonymat.

La principale source de fuite de devises est la "surfacturation" des produits importés. "Le montant porté sur la facture et payé grâce à un transfert de la devise publique est supérieur au prix réel. Le surplus alimente des comptes de particuliers", ajoute ce cadre. Selon lui, l’importateur se confond parfois avec l’exportateur en créant sa propre société à l’étranger.

En 2012, la justice algérienne a condamné à 20 millions d’euros d’amende les laboratoires français Sanofi-Aventis poursuivis pour surfacturations des matières premières des médicaments.

Au total douze laboratoires étrangers et importateurs ont été épinglés cette année là pour avoir gonflé les factures d’importations de médicaments, selon les douanes.

En février, les douanes ont accusé une banque étrangère non identifiée d’avoir transféré illégalement 400 millions d’euros à travers des opérations de commerce externe.

Un autre handicap de l’économie est le commerce informel que le Premier ministre a évalué à 3.700 milliards de dinars (37 milliards d’euros environ).

Ces "liquidités extrabancaires" doivent être recouvrées au profit de l’économie réelle, a affirmé M. Sellal en précisant que ce montant était supérieur aux liquidités bancaires évaluées à 23 milliards d’euros.

Un expert occidental a confié à l’AFP, sous couvert d’anonymat, que le gouvernement envisageait désormais un plan d’amnistie fiscale pour absorber ces liquidités. Un tel plan "permettrait aux entreprises et aux particuliers de régulariser leur situation et les inciterait à placer leurs avoirs dans les banques", selon lui.

Si rien n’est fait pour l’endiguer, "l’économie informelle va se hisser au niveau de l’officielle et deviendra à moyen terme une menace pour l’Etat", prévient l’économiste M’Hamed Hamadouche.

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