De la ghettoïsation vestimentaire de la femme

Il arrive que les micros trottoirs mis sur les réseaux sociaux soient aussi instructifs sur l’évolution d’une société que les meilleures études sociologiques. Ils ciblent en général différentes catégories de personnes de passage dans un endroit pour récolter leurs avis sur différents sujets.

Par Fatiha Daoudi

Le 8 mars, la journée internationale des droits de la femme a été récemment l’objet de ce genre d’échange. Des marocaines et des marocains ont argumenté leur avis sur cette célébration, certains étaient pour car la femme est courageuse et toujours prête à se sacrifier pour sa famille d’autres trouvaient que la femme avait suffisamment de droits comme ça.

Dans cette deuxième catégorie, les plus féroces adversaires de la célébration de cette journée étaient, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les femmes. L’une d’entre elles affirmait qu’à force de droits, les marocaines dasrou et donc ont perdu toute décence. Particulièrement les jeunes d’entre elles qui n’hésitent pas à sortir les yeux à chaque critique, à dire leur avis sans aucun respect pour leurs aînés. En plus, elles pratiquent le ouri, autrement dit, elles sont presque dévêtues et n’ont aucune pudeur.

Cet avis, largement répété par ailleurs, laisse perplexe car à jeter un coup d’œil autour de soi, partout, en ville comme à la campagne, le voile est omniprésent et rares sont les femmes qui laissent découverts leurs cheveux ou une autre partie de leur corps. Comment peut-on alors affirmer que le corps féminin est dénudé ?

Est-on à ce point déconnecté de la réalité ou est-ce que notre société se dirige vers la négation totale du corps féminin? Comment est-on arrivé en quarante ans à balayer toute liberté vestimentaire de la femme marocaine qui portait à sa guise des jupes de différentes longueurs ou des pantalons et coiffait ses cheveux selon sa volonté ? Elle assumait pleinement sa coquetterie et la société ne trouvait rien à redire !

Est-ce que le pays va vers une ghettoïsation vestimentaire de la femme? Cela est autrement plus dangereux quand cela est soutenu par les principales concernées, les femmes. En effet, les voilées et burquisées soutiennent mordicus qu’elles portent ce genre de vêtements par conviction (aan qanaa). A propos de conviction, elles ne font qu’adhérer à une interprétation masculine et sexiste de la religion qui se veut vérité et dont le but est de les maintenir dans un asservissement consentant et pervers.

Car comment une femme qui revendique son statut d’être humain peut-elle accepter que son corps soit entravé, ne serait-ce que par un léger voile ? Pourquoi un être humain (la femme) serait-il dans l’obligation de cacher ses cheveux et avoir honte de son corps sous prétexte qu’il attise la convoitise de l’autre être humain (l’homme) qui lui est dégagé de cette obligation car son corps est sensé ne jamais troubler les femmes.

Par ailleurs, ceux qui se prévalent du référentiel musulman pour justifier le diktat vestimentaire sont des falsificateurs car la négation du corps féminin n’est pas le monopole de l’Islam mais date des premières religions monothéistes. La religion juive, en plus de cacher le corps de la femme, le déclare mensuellement impur et le christianisme l’a à son tour longtemps dissimulé tout en considérant la femme comme un sous-être qui n’a pas d’âme.

Lorsque les femmes assimileront que le voile est une négation de leur corps qui n’est pas propre à l’Islam mais le résultat d’un pouvoir masculin et de l’organisation patriarcale de la société, elles se rendront compte alors qu’elles obéissent tout simplement à des diktats sociétaux.

Toutefois, pour arriver à ce niveau de conscience, il faut un engagement sérieux pour une modernisation structurelle de la société qui commence par la promotion d’un enseignement humaniste et citoyen, d’un système d’accès à l’information ouvert sur le monde et porteur de débats réguliers, constructifs et formateurs.

Ce n’est que par ce biais que la religion deviendra une conviction individuelle et non une obligation sociétale et vestimentaire.

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