Crise du Golfe: un cheikh du Qatar mis en avant par l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite, en crise ouverte avec le Qatar, a accru la pression sur Doha en traitant la question sensible du hajj avec un membre de la famille royale qatarie, présenté par certains comme un potentiel rival de l’actuel émir, affirment des experts.

Le Golfe est en pleine tourmente diplomatique depuis que Ryad et ses alliés ont brusquement rompu le 5 juin leurs relations avec Doha, accusé de soutenir des groupes extrémistes et de se rapprocher de l’Iran. Ces pays ont aussi fermé leurs frontières avec le Qatar.

Mercredi dernier, l’Arabie saoudite a annoncé un assouplissement de ces restrictions à l’occasion du hajj pour permettre aux Qataris d’effectuer sans entrave le pèlerinage annuel à La Mecque qui commence fin août.

En signalant ce geste à grand renfort de publicité, les autorités saoudiennes ont mis en avant la "médiation" du cheikh qatari Abdallah ben Ali Al-Thani, qui a rencontré successivement le prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane à Djeddah (Arabie saoudite), puis le roi Salmane en vacances à Tanger (Maroc).

Le Qatar s’est empressé de dire qu’il n’avait pas mandaté cheikh Abdallah et qu’il s’agissait d’une "initiative personnelle".

Doha n’a pas remercié Ryad, mais n’a eu d’autre choix que de "saluer la décision" saoudienne.

Cheikh Abdallah, qui s’est soudainement retrouvé sous les feux de la rampe, appartient à une branche de la famille royale qatarie des Al-Thani qui a été écartée du pouvoir par le grand-père de l’actuel émir, cheikh Tamim (37 ans).

Il "ne fait pas partie du premier cercle" du pouvoir, mais ce n’est "pas un dissident", explique Andreas Krieg, analyste associé au King’s College de Londres qui connaît bien les rouages de l’appareil d’Etat au Qatar.

"Sa relation avec le premier cercle est bonne et il n’a aucun intérêt à être vu comme une alternative à cheikh Tamim".

Avec les audiences de Djeddah et Tanger, "les Saoudiens ont exploité la situation" et "ça a certainement été fait pour mettre la pression" sur Doha, estime-t-il en parlant de "coup médiatique".

"La décision saoudienne n’est pas innocente et cache un dessein (…), mais lequel", s’est demandé l’éditorialiste Abdel Bari Atwan sur Youtube.

Manoeuvre de l’Arabie

Un autre analyste, Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à Paris, pense que l’influence conférée à cheikh Abdallah est "une manoeuvre de la part de l’Arabie saoudite pour faire pression sur l’émir du Qatar et lui rappeler qu’elle a des cartes à jouer".

Cependant, M. Guidère exclut que les Saoudiens cherchent à renverser l’émir Tamim. "S’ils oeuvraient vraiment pour un changement de régime, les Saoudiens n’auraient pas rendu publique cette médiation".

M. Krieg est aussi de cet avis. "Il serait insensé de penser qu’un changement de régime est possible (au Qatar) et l’Arabie saoudite le sait". La "loyauté des Qataris pour Tamim est inconditionnelle".

Une chose est sûre: cheikh Abdallah, qui n’était pas connu du grand public, a été projeté sur le devant de la scène en quelques jours. Son compte Twitter, ouvert vendredi, compte aujourd’hui quelque 250.000 "suiveurs".

"Ce que j’ai fait, c’était seulement pour le bien du Qatar", a-t-il écrit dans un tweet. Il a aussi loué la générosité du roi Salmane et remercié le prince héritier d’Arabie pour avoir accepté sa médiation ayant abouti à l’assouplissement des restrictions pour le hajj.

Le ministre qatari des Affaires étrangères Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani a, quant à lui, déploré la manière dont le pèlerinage avait ainsi été "politisé".

En dépit d’efforts intenses entrepris notamment par le Koweït et les Etats-Unis, la crise du Golfe semble partie pour durer.

Le Qatar a rejeté en bloc toutes les accusations portées contre lui et affirmé que ses frères ennemis cherchaient à mettre sa politique étrangère "sous tutelle".

Le petit mais richissime émirat gazier a jugé déraisonnable une liste de 13 demandes présentée en juin par Ryad, Abou Dhabi, Manama et Le Caire pour sortir de la crise.

Parmi ces demandes figurent la fermeture de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera, une réduction des relations de Doha avec l’Iran et la rupture de tout lien avec divers groupes et individus qualifiés de "terroristes".

AFP

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