Côte d’Ivoire: l’énorme défi de la réforme de l’armée ivoirienne

Équiper et moderniser, réduire les effectifs inadaptés hérités de la crise politico-militaire: la Côte d’Ivoire veut des forces armées capables de défendre son territoire contre des groupes rebelles ou extrémistes comme d’assurer le maintien de l’ordre.

Symbole de cet immense défi, les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire), dont le nom était trop associé à la décennie de crise qui a conduit le pays au bord de la guerre civile, ont été rebaptisées Faci (Forces armées de Côte d’Ivoire).

En 2002, après une tentative de coup d’État, le pays a été coupé en deux avec une rébellion occupant le Nord et le Sud dirigé par le président Laurent Gbagbo. Fin 2010, ce dernier a refusé de reconnaître sa défaite à la présidentielle et le pays a plongé dans cinq mois de violences qui ont fait 3.000 morts.

Mais il faudra plus qu’un changement de nom pour réformer une armée de 22.000 hommes (plus 19.000 gendarmes) qui compte beaucoup trop de gradés pour peu de soldats.

"C’est une armée mexicaine qui bouffe du budget", résume un militaire retraité, rappelant que 12.000 hommes ont été intégrés dans les "corps habillés" pendant ou après la crise. "Il s’agissait d’un noyau dur d’anciens rebelles" ayant soutenu l’actuel président Alassane Ouattara contre l’armée régulière, ainsi que de "frères et copains" des nouveaux détenteurs du pouvoir.

En 2014, ils avaient manifesté, bloquant plusieurs villes et obtenant avancement et meilleurs salaires.

"La conséquence est qu’il y 14.000 sous-officiers pour 22.000 hommes. Ça ne peut pas fonctionner", relève cette source militaire.

On considère dans les armées modernes qu’il faut un sous-officier pour 4 hommes et un officier pour 10.

Le gouvernement l’a bien compris avec une ambitieuse loi de programmation militaire de plus de 2.000 milliards de francs CFA (3,8 milliards d’euros) jusqu’en 2020. Elle prévoit modernisation et achats d’équipements pour 1,2 milliard d’euros et une refonte des effectifs. Actuellement, le budget de l’armée passe à plus de 90% dans les salaires.

"Nous allons inverser la pyramide", assure à l’AFP le ministre de la défense, Alain-Pierre Donwahi. "Il y a un plan d’incitations au départ avec une stratégie de reconversion."

"C’est une bombe politique", prévient toutefois un expert. "Ceux qu’on a intégrés ont le statut de fonctionnaire et ne partiront qu’à l’âge de 55 ans. S’ils quittent l’armée, ils ont peu de chance de trouver un boulot aussi rémunérateur", 200.000 francs CFA (300 euros) pour un deuxième classe avec les primes, soit le double du salaire moyen. "Donc, on ne réussira à faire partir que ceux qui sont proches de la retraite…"

Autre sujet d’inquiétude, le respect de la chaîne de commandement: "Beaucoup de +comzone+ (chefs de la rébellion qui contrôlaient un secteur) ont été intégrés dans l’armée (à des postes de commandement). Quel est leur degré de loyauté et celui de leurs hommes?", s’interroge une source militaire française.

Mais pour le ministre Donwahi "que les anciens commandants de zones aient encore une mainmise sur leurs anciens hommes est de la légende. Ce sont des militaires qui connaissent les règlements. On pouvait craindre au départ qu’il y ait des fidélités vis-à-vis des anciens comzones, mais c’est du passé."

Autre problème, la force de l’ONU déployée dans le pays depuis 2004 va partir l’été prochain. A son apogée en 2012, l’Onuci comptait près de 10.000 hommes et contribuait largement à la sécurisation du pays.

M. Donwahi assure que tout est en place pour que "le transfert de compétences se fasse correctement. Nous y sommes tout à fait préparés". Et souligne que les forces ivoiriennes ont assuré "avec succès" la sécurité lors du référendum constitutionnel d’octobre.

Autre grand enjeu, le jihadisme, dans une région où s’activent de nombreux groupes extrémistes.

Le ministre se félicite que l’armée soit capable de "faire face rapidement (…) comme à Grand Bassam", où les forces de sécurité ont vite réagi à une attaque jihadiste qui fit 19 morts en mars 2016.

Mais "il est plus facile de réagir que d’anticiper", souligne le ministre.

Le pays s’est donc doté d’un "Institut d’études stratégiques et de défense" (IESD) pour améliorer le niveau de ses officiers supérieurs. École qui fait surtout appel à des entreprises privées – certaines françaises – au détriment de son partenaire historique, l’armée française.

La loi de programmation prévoit aussi des efforts d’équipement en matière de renseignement et pour des forces d’intervention rapide.

Les dépenses seront à la hausse dès 2017, avec près de 150 millions d’euros pour le "renforcement de la sécurité" selon le ministère du Budget, qui explique ainsi une hausse du déficit à 4% du PIB.

Source afp

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