Confusions françaises sur la Syrie

– Par Mustapha Tossa –

Il est un point presque névralgique dans l’actuelle diplomatie française qui commence à faire débat. Celui de la réelle position de Paris à l’égard du président syrien Bachar El Assad. Des messages apparemment contradictoires sont envoyés aux différentes chancelleries sur cette crise qui provoque sinon une confusion du moins une interrogation sur la vraie religion française en la matière.

À lire les déclarations des uns et des autres, Il existe une vraie différence d’appréciation entre ce que ce dit le président de la république Emmanuel Macron et son ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian . Pour les des visages de la diplomatie française, le sort du président syrien est différent. E. Macron avait frappé les esprits en précisant que les priorités de la diplomatie française était la lutte contre Daesh et non le renversement de Bachar El Assad. Son ministre des Affaires étrangers vient de dire qu’il est hors de question d’imaginer garder le président syrien dans la future solution de transition syrienne, laquelle travaille la communauté internationale. Pour le Drian, le départ de Bachar El Assad est une nécessité incontournable.

Emmanuel Macron avait opéré un tournant dans sa perception de la crise syrienne au contact du président russe dont il s’est approché depuis leur rencontre dans le prestigieux décor du château de Versailles ou du président américain Donald Trump qu’il a reçu en grandes pompes sur les Champs Elysées un 14 juillet. Et contrairement à François Hollande qui avait fait de la chute de Bachar El Assad une condition sine qua non pour envisager l’avenir de la Syrie, Emmanuel Macron a changé l’échelle des priorités de la diplomatie française : D’abord éradiquer Daesh ensuite traiter les contours de la dispute du pouvoir à Damas. Il s’agissait en fin de compte du seul changement notoire opéré par la nouvelle présidence de la république en comparaison avec les postions classiquement défendues par la diplomatie française.

Emmanuel Macron l’avait confirmé de la manière la plus limpide: « Nous avons en effet changé la doctrine française à l’égard de la Syrie pour pouvoir avoir des résultats et travailler de manière très étroite avec nos partenaires, en particulier les États-Unis d’Amérique (…) Nous avons un objectif principal: l’éradication des terroristes, de tous les groupes terroristes, quelle que soit leur sensibilité. Nous avons une volonté: construire une solution politique dans la durée, inclusive", "Dans ce contexte-là, je ne fais pas du départ et de la destitution de Bachar al-Assad une condition préalable à l’intervention de la France »

Puis est venu Jean Yves le Drian pour remettre les compteurs à zéro et ramener la vision diplomatique française à son pré carré d’origine avec des phrases du style « on ne peut pas construire la paix avec Assad », « La transition ne va pas se faire avec lui ». Cette sortie impose cette interrogation: y-a-t-il une divergence de fond entre le président de la république et son ministre des affaires étrangères sur une question cruciale comme Le crise syrienne? Où s’agit-il simplement d’une distribution de rôles entre un président chargé de donner le cap politique général et un ministre des affaires étrangères chargé de gérer les contingences du quotidien? Il n’empêche que cette lame de fond interpelle .

Les relations entre les deux hommes est connue pour être une relation de confiance et d’harmonie. Aux cotés de Gerard Collomb, ministre de l’intérieur, Jean Yves le Drian alors ministre de la défense de François Hollande, était l’un des rares poids lourds de la politique à avoir parié sur le jeune Macron et à crédibiliser ses chances de remporter l’Elysée.

Sauf à considérer que cette divergence manifeste d’appréciation entre le président de la république et son chef de la diplomatie est une opération volontairement organisée entre l’Elysée et le Quai d’Orsay, ces messages contradictoires peuvent être le signal d’une tension qui brouille le message de Paris sur la crise syrienne à un moment crucial où la France se prépare à faire partie de ce fameux groupe de contact sur la Syrie qui va se lancer en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies à New York. Si Paris se présente avec un double discours et une double approche, elle aura moins de chance d’être aussi audible, aussi présente et aussi influente que le voudrait Emmanuel Macron.

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