Bientôt des boîtes pour bébés abandonnés dans l’Indiana

Elle ressemble à s’y méprendre à une boîte aux lettres sauf qu’une porte est parsemée de trous: l’Indiana, dans le nord des Etats-Unis, pourrait bientôt installer des boîtes pour bébés abandonnés, une première dans le pays qui suscite déjà une vive controverse.

Cette pratique, très répandue au Moyen Âge, avait disparu au XIXe siècle en Europe mais elle a revu le jour notamment en Allemagne en 1999, après la découverte de bébés morts de froid dehors. En France, elle a été interdite en 1904 puis remplacée par l’accouchement sous X.

Onze pays européens, la Chine, le Japon, la Malaisie et la Corée du sud utilisent ces couveuses extérieures, a recensé Laury Oaks, professeur associée en sociologie et anthropologie à l’université de Californie, auteur d’un livre à paraître en juin, "Giving up baby" (abandonner son bébé).

Appelées "tour d’abandon" en France ou "baby hatch" (trappe pour bébés) dans les pays anglo-saxons, ces boîtes disposaient d’une petite porte fixée sur un pivot pour y glisser l’enfant et se trouvaient souvent près d’un couvent ou d’une église.

Cette fois la mère n’aura pas besoin de sonner la cloche pour prévenir du dépôt d’un bébé. La "baby box" telle qu’envisagée dans l’Indiana sera non seulement climatisée mais aussi dotée de trois alarmes.

Pourtant l’Indiana dispose déjà d’une loi, nommée "Safe Haven" (lieu sûr), qui permet d’abandonner anonymement son enfant, dans un hôpital, une caserne de pompiers ou un commissariat de police.

Des lois similaires instaurées depuis 1999 dans tous les Etats américains ont permis de recueillir 2.866 bébés, quand 1.324 ont été abandonnés hors de ce dispositif, selon la présidente de l’association Save Abandoned Babies, Dawn Geras, basée dans l’Illinois voisin.

Mais Casey Cox, auteur de cette proposition de boîtes, adoptée par la chambre de l’Indiana fin février et qui doit encore être examinée par le Sénat, estime que les mères ne sont pas toujours "au courant" de l’existence de ces lieux d’abandon.

Ou bien elles refusent de les utiliser par "crainte du face-à-face" et laissent leurs bébés dehors. Cet élu républicain ne cache pas non plus qu’il s’agit d’"une alternative à l’abandon dehors et à l’avortement".

– La ‘honte’ renforcée –

"Pas de honte, pas de culpabilité, pas de noms", renchérit la présidente de l’association Safe Haven Baby Boxes, Monica Kelsey, qui a inspiré le texte, présenté comme un "complément" aux lois Safe Haven et qui a elle-même été abandonnée dans un hôpital par sa mère après un viol.

Mais pour Mme Geras et les défenseurs des programmes Safe Haven de 1999, il s’agit d’une très "mauvaise idée".

Ces boîtes "empêchent la mère de recevoir une aide médicale" après l’accouchement ou bien d’avoir un "contact personnel" qui leur permet, dans 25% des cas, de choisir l’adoption ou un programme parental au lieu de l’abandon.

En plaçant son enfant dans une boîte, la mère n’a pas non plus "la consolation d’avoir mis son bébé dans les bras de quelqu’un", soutient-elle.

Surtout, "l’idée que ce qu’elle est en train de faire est +mal+ et qu’elle devrait avoir honte de ce qu’elle fait est renforcée", insiste Mme Geras, qui préfèrerait que l’Indiana informe davantage les mères sur la loi Safe Haven.

Pour la chercheuse Laury Oaks, non seulement cette proposition conforte les "points de vue sous-jacents anti-avortement et pro-adoption" mais elle renforce l’idée de la "mauvaise" mère, puisqu’on lui dit que son bébé irait mieux si elle l’abandonnait.

Aussi suggère-t-elle d’éliminer plutôt "les injustices sociales qui poussent des femmes et jeunes filles à abandonner leur droit à élever leur nouveau-né".

L’ONU non plus ne voit pas ces boîtes à bébés d’un bon oeil, au nom du droit de l’enfant à connaître ses origines.

Sa commission pour les droits de l’enfant a demandé à la Suisse en 2015 et à l’Allemagne en 2014 d’y "mettre fin" et de s’attaquer plutôt "aux causes profondes" des abandons, y compris par des mesures de planning familial, d’aide et de conseil, ne suggérant l’accouchement anonyme qu’"en dernier recours".

Face à une telle polémique, la présidente de la commission du Sénat de l’Indiana sur la Santé, Patricia Miller, hésite à présenter le texte.

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