Bachelot, Sarkozy et la « bête à trois têtes »

Cinquante jours après la défaite de Nicolas Sarkozy, l’ancienne ministre des Solidarités publie ses carnets secrets. A feu et à sang (aux éditions Flammarion) est un livre sans concession sur la stratégie de campagne suivie par le président et son trio de conseillers (Guéant, Mignon et Buisson).

Bachelot, Sarkozy et la
Roselyne Bachelot n’a jamais cru à la victoire. Le 21 décembre 2011, elle assiste au dernier Conseil des ministres de l’année. "Le plus sinistre du quinquennat, écrit la ministre des Solidarités. L’ambiance est mortifère. Le Président a fort mauvaise mine." Elle diagnostique un "état dépressionnaire aigu" chez ses collègues du gouvernement et s’interroge : "Comment gagner une campagne avec un chef et des troupes aussi diminués?"

Le décor est planté. L’auteure en veut aussi bien au Président qui n’a pas voulu défendre son bilan. Son "bilan social", regrette la ministre qui fustige au passage ceux qui "ont préféré assumer l’expulsion des Roms plutôt que le plan Alzheimer". Roselyne Bachelot n’hésite à parler de "honte". Ses cibles? Elle vise moins Nicolas Sarkozy que le trio de conseillers qui a bâti sa stratégie. Cette "bête à trois têtes" selon son expression comprend trois visages : Claude Guéant dont elle fustige les "saillies"; Emmanuelle Mignon et surtout Patrick Buisson qu’elle décrit comme une "personnalité manipulatrice qui cherche son quart d’heure de célébrité".

"Un sacré coup de vieux en 2012"

Roselyne Bachelot n’a pas digéré la droitisation de la campagne. Elle en veut aussi à son ex-collègue Laurent Wauquiez "qui s’amuse à brandir des thèses choquantes sur le système social français". Elle égratigne aussi Henri Guaino à propos duquel elle écrit que les "refrains qui avaient réussi en 2007 ont pris un sacré coup de vieux en 2012".

Au fil de ses carnets, écrits semaine après semaine, l’ancienne ministre dresse le droit d’inventaire de la campagne de Nicolas Sarkozy. Dénonce les erreurs de casting du président qui n’a pas su "gérer les ressources humaines". Elle n’est pas tendre avec Rachida Dati et Rama Yade. Elle ironise sur les "mesquineries" de Jean-François Copé, le grand rival de son ami François Fillon. Au passage, elle raconte une soirée passée en compagnie de ses amies Valérie Pécresse et Christine Lagarde. Une soirée anniversaire au cours de laquelle entre deux danses, Roselyne Bachelot et Bruno Le Maire se demandent si la campagne va s’achever par "une défaite ou un désastre".

NKM, injustement attaquée

Plus étonnant encore le chapitre consacré à Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de Nicolas Sarkozy, injustement attaquée, selon Roselyne Bachelot qui va l’aider et la défendre mordicus. Solidarité des porte-parole sans doute. L’aînée fut en effet celle de Jacques Chirac en 2002. Et elle en garde un souvenir mitigé. Dix ans après la campagne de réélection de l’ancien président, elle révèle que Chirac était "affaibli, voire amoindri" déjà à l’époque.

L’écriture est libre et de qualité. Le jugement corrosif et d’une extrême lucidité. Pas sûr qu’avec ce brulot, Roselyne Bachelot facilite la tâche de son ami Fillon dans sa quête de la présidence UMP. En revanche, cette gaulliste sociale ouvre avec d’autres (François Baroin, Valérie Pécresse et Bruno Le Maire) le débat sur la droitisation de l’UMP. Ce qu’il faut bien appeler sa dérive vers le FN de Marine Le Pen. Ce livre sur les coulisses de la campagne perdue de 2012 a le mérite de poser le débat alors que bon nombre de sarkozystes veulent faire croire que la présidentielle n’aurait été perdue que de justesse.

A feu et à sang par Roselyne Bachelot, éditions Flammarion, 261 pages, 18 euros

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