Algérie: retard, incohérence et caprices du Président

Comme l’arlésienne, le mouvement dans le corps diplomatique tarde encore une fois à intervenir. Comme les fois précédentes, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, fait encore attendre son monde.

Autant pour la nomination d’un nouveau gouvernement à l’issue des élections législatives du 10 mai dernier – six ministères, et pas des moindres, sont gérés par des intérimaires – que pour le mouvement dans le corps diplomatique, le chef de l’Etat ne semble pas pressé d’effectuer des changements qui, pourtant, s’imposent rien qu’en pure forme. Ne serait-ce que pour donner l’impression que ça marche, alors que tout est à l’arrêt ! Selon une source au ministère des Affaires étrangères, les cadres attendent et s’impatientent de se voir choisis pour «partir». Tout le personnel caresse le rêve d’occuper, un jour, un poste diplomatique.

Outre le fait de «couper» avec le ronron d’un pays et surtout d’une capitale suffocante, il y a la rémunération en devises et le «déménagement» à la fin du mandat qui fait saliver plus d’un. Quand le président de la République procède d’ailleurs à la nomination des extras, c’est-à-dire des personnes étrangères au ministère des Affaires étrangères, cela fait grincer des dents du côté des Anassers, siège du département. Ce n’est pas tant, dit-on, l’ambition qui motive beaucoup de postulants, mais les privilèges qui vont avec la fonction diplomatique. Rarement les choix sont faits en fonction des besoins de la politique extérieure du pays, souvent pour «caser» des proches ou récompenser des «soutiens».

Cela ne veut pas dire, indique notre source, qu’il n’existe pas des diplomates de valeur, compétents, qui ont une rare maîtrise des dossiers qu’ils gèrent. C’est la raison, soulignent certaines indiscrétions, qui a amené le chef de l’Etat à peu se soucier des calendriers et des échéances. Mais ce n’est pas la seule, le président Bouteflika tient plus que tout à ce que la diplomatie et la politique extérieure ne soient que de son seul ressort. Il en a le monopole depuis son arrivée au palais d’El Mouradia, en 1999. Il le préserve toujours, en dépit du fait qu’il ne voyage plus ou rarement, voire pas du tout ces derniers temps.

Gérontocratie du corps diplomatique

C’est une manière de faire qui ne fait pas consensus. D’aucuns pensent que la «personnalisation» de l’action diplomatique a déteint sur la politique extérieure de l’Algérie. Tout se décide, dans certains dossiers, selon la vision ou plutôt la manière de faire du chef de l’Etat. Les résultats sont ceux que l’on sait. L’Algérie n’a pas pu s’adapter, pour rester dans le jargon diplomatique, aux nouvelles donnes qui se sont imposées dans la région ou sur le plan international.

Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur et ancien ministre de la Culture et de la Communication, indiquait à juste titre, dans un récent entretien à TSA, que «nous avons de sérieux problèmes d’adaptation et cela n’est pas propre à la politique étrangère, c’est une question de gouvernance globale du pays». L’Algérie, a-t-il affirmé, «devrait considérer que ses seuls principes sont ceux qui obéissent à ses intérêts et en faire le socle de sa doctrine en politique étrangère».

Dans un tel contexte, il est à penser, en effet, que le mouvement dans le corps diplomatique n’est qu’accessoire, une coquetterie. Seulement, notre diplomatie, dans un cycle sans fin de perte de ses repères, peut s’avérer à risque dans un environnement changeant et continuellement bouleversé par d’incroyables luttes géostratégiques. Le maintien à son poste, malgré son âge avancé, de l’ambassadeur d’Algérie en France, Missoum S’bih, et ce depuis 2005, alors que la tradition voudrait qu’un diplomate ne demeure jamais à son poste plus de quatre années, est l’une des manifestations les plus significatives de l’incohérence d’une vision et d’un certain mode de gouvernance imposés au pays. L’ambassadeur d’Algérie à Rome, Rachid Maarif, fait lui aussi figure de doyen des représentants diplomatiques. Nommé en 2005, son activité couvre aussi d’autres pays européens.

Pour ne citer que ceux-là. Comme partout ailleurs, la question de la gérontocratie se pose également au corps diplomatique. Selon une source digne de foi, l’âge d’une grande partie de titulaires de postes diplomatiques dépasse les 60 ans, en d’autres termes bons pour la retraite, si l’on appliquait la loi. Mais les pouvoirs discrétionnaires du chef de l’Etat en veulent autrement. Ce n’est pas souvent par besoin que les sexagénaires sont maintenus, indique notre source. Certains diplomates sont presque oubliés dans des pays lointains. Jusqu’à quand, notamment dans certains cas, la diplomatie cessera d’être un privilège pour reprendre ses fonctions ?

Said Rabia

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