Woerth lâché par les syndicats, Fillon et Sarkozy à son secours

François Chérèque (CFDT) estime que les démêlés du ministre français u Travail sont «un vrai problème» pour le débat sur les retraites et Bernard Thibault (CGT) le dit «objectivement plus occupé et préoccupé» par l’affaire Bettencourt.

Woerth lâché par les syndicats, Fillon et Sarkozy à son secours
Tous derrière Eric Woerth. Telle est désormais la ligne officielle. Interpellé vendredi par des journalistes lors d’un déplacement en Côte-d’Or, Nicolas Sarkozy a répondu par un «oui» appuyé à la question «est-ce que vous apportez toujours votre soutien à Eric Woerth ?» La veille, Matignon publiait un communiqué se terminant ainsi : «Le Premier ministre tient à redire toute sa confiance à Eric Woerth, qui fait face à une campagne de dénigrement inacceptable ; Eric Woerth mènera à son terme au Parlement cette réforme des retraites qu’il a entreprise.»

Publié à une heure tardive, – 22 h 30 -, ce communiqué était tout autant destiné à couper court aux rumeurs de plus en plus insistantes de départ de Woerth qu’à rassurer l’intéressé. Car durant ce jeudi noir pour le ministre du Travail, il avait eu quelques raisons de penser que les plans du président de la République et du Premier ministre le concernant avaient changé.

«Menteur». Tout a commencé jeudi par un petit déjeuner devant les journalistes économiques et financiers, au cours duquel Eric Woerth a reconnu être intervenu en 2007 auprès du ministre de l’Intérieur de l’époque, qui n’était autre que Sarkozy, pour faire obtenir la Légion d’honneur à Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt et futur employeur de son épouse (Libération de vendredi). Cet aveu, qui rend peu crédibles ses déclarations précédentes, selon lesquelles Patrice de Maistre n’aurait été qu’une vague relation, va aussitôt provoquer un déluge de réactions.

Benoît Hamon, pour le Parti socialiste, le traite de «menteur». Le député PS Claude Bartolone, invité de LCI, estime qu’il est «disqualifié pour tenir un discours de vérité sur les retraites» et exige sa démission. Pierre Laurent (PCF) demande «que le ministre et sa réforme disparaissent.»

Mais il y a pire. Le plus dur pour Eric Woerth est la façon dont le Premier ministre, en déplacement dans l’Yonne, prend sa défense : du bout des lèvres et sans citer son nom. Jeudi en fin d’après-midi, le ministre du Travail a par ailleurs pris connaissance d’une double interview de François Chérèque (CFDT) et Bernard Thibault (CGT), que les Echos s’apprêtent à publier le lendemain. A la question «Eric Woerth est-il encore un interlocuteur crédible ? Demandez-vous son départ ?» le premier répond : «Comment peut-il gérer en même temps ses problèmes personnels avec l’affaire Bettencourt et la réforme des retraites ? C’est un vrai problème.» Et le second renchérit : «Il est objectivement plus occupé et préoccupé par autre chose que par le sujet qui nous intéresse.»

Or jusqu’ici les dirigeants syndicaux s’étaient gardés d’attaquer le ministre du Travail sur l’affaire Bettencourt, ne remettant pas en cause sa légitimité à conduire la réforme, même s’ils la combattent. La vivacité de la réaction de François Chérèque, en particulier, s’explique aussi par la fin de non-recevoir sèchement opposée par Eric Woerth le matin même à la CFDT, qui demandait au gouvernement de renoncer dans l’immédiat à reculer de 65 à 67 ans l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite à taux plein.

Supplice. Le leader de la CFDT est d’autant plus furieux qu’à l’Elysée sa revendication n’a pas été totalement écartée. Ce que confirmera vendredi Nicolas Sarkozy lui-même, qui s’est dit «intéressé par ces propositions», assurant qu’il était «en train de les étudier» pour «en discuter avec» les syndicats.

Ignoré par le Premier ministre, en porte-à-faux avec l’Elysée, déconsidéré aux yeux des syndicats, Eric Woerth a jeudi soir toutes les raisons de penser que l’heure du lâchage est arrivée. Il sait que le staff de Nicolas Sarkozy a déjà envisagé tous les scénarios de rechange, ne serait-ce que pour réagir vite au cas où une révélation un peu plus embarrassante viendrait mettre fin au supplice chinois auquel il est soumis depuis deux mois, et le contraindrait à la démission.

Il veut en parler avec Fillon. Mais, occupé à recevoir le président polonais, Bronislaw Komorowski, celui-ci n’est pas disponible avant le début de soirée. Il faudra donc attendre 22 h 30 pour que soit publié cet étonnant communiqué annonçant que «le Premier ministre François Fillon a fait le point avec le ministre du Travail», dont il est cette fois bien précisé qu’il s’appelle Eric Woerth. Son nom est même cité cinq fois. Histoire que l’intéressé et les journalistes n’oublient pas que c’est bien lui qui est actuellement, et sans doute encore pour quelques semaines, en charge du Travail.

Vendredi matin à Jouy-en-Josas (Yvelines), c’est un Eric Woerth rassuré, presque détendu, qui est intervenu à l’université d’été du Medef. Invité pour un débat en direct sur BFM radio, il a assuré être «mobilisé à 120%» sur le dossier des retraites. Il a confirmé qu’il conduirait le débat à l’Assemblée, «car si je n’y suis pas, il n’y a pas de débat». Le public de chefs d’entreprises a applaudi ses bons mots, même quand il a pris la défense des fonctionnaires ou des syndicats, «matures et responsables». Mardi, dans l’hémicycle ou dans la rue, l’accueil risque d’être un peu moins chaleureux.

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