Visite d’Etat du Président français en Algérie : que retenir ?

Le Président de la République française est arrivé le 19 décembre 2012 en Algérie pour une visite d’Etat de deux jours à la tête d’une délégation pléthorique d’environ 200 personnes dont 06 Ministres, 03 Parlementaires, une trentaine de représentants du patronat, mais un nombre insignifiant de grands patrons, et quelques personnes du monde culturel et 90 journalistes.
Monsieur François Hollande fut si chaleureusement accueilli que même les sous-sols de la Grande Poste d’Alger, alors qu’il se rendait dans le quartier pour un potentiel bain de foule, ont pris feu occasionnant d’importantes colonnes de fumées noires. Une bienvenue flambante et enfumée à la chich kebab algérienne pour le Président français ! Un site normalement ultra sécurisé.
Un bain de foule qui fut délocalisé sur le boulevard du front de mer, suivi d’une parade en décapotable et à l’américaine dans quelques avenues algéroises.
Comme prévu, le Chef de l’Etat français a eu un entretien avec Abdelaziz Bouteflika, au cours duquel l’assassinat, en mars 1996, des sept moines de Tibéhirine a constitué l’essentiel des discussions.
Le Président français a tenu à affirmer à son interlocuteur que la France souhaite que toute la lumière soit faite sur cette tuerie et demandé avec insistance que les autorités algériennes accordent les autorisations pour que le juge antiterroriste, Marc Trévidic, puisse poursuivre ses investigations, notamment à se rendre en Algérie pour auditionner des témoins clés de l’affaire, comme un certain Abderrazak El Para, fortement soupçonné d’avoir été proche du contre-espionnage algérien et de Djamel Zitouni, émir du GIA, lui aussi connu pour avoir été un agent infiltré des services algériens et, surtout, exhumer les têtes des défunts.
A signaler que, contrairement au discours officiel tenu à Alger, qui fait des islamistes les auteurs du massacre, nombre de voix affirment qu’il n’est plus exclu que les autorités algériennes furent impliquées dans la mort des religieux.
Pour l’heure, la seule réaction officielle algérienne sur ce triste dossier reste celle du Premier Ministre au moment des faits, Ahmed Ouyahia, qui avait réaffirmé que l’Algérie n’avait rien à cacher sur cette affaire.
Mais, si tel est le cas, quelles sont les raisons qui poussent l’Algérie à faire obstruction dans la recherche de la vérité ? Son implication directe ou indirecte, c’est clair et net.
Sur ce sujet, Monsieur François Hollande a été très clair lors de sa conférence de presse tenu à l’issue de son entretien avec le Président algérien en affirmant que «c’est à la justice algérienne, avec la justice française, de faire toute la lumière sur tout ce qui s’est produit».
Lors de cette même conférence de presse, le Président Français a déclaré que «ce voyage est le temps d’un nouvel âge» entre la France et l’Algérie indiquant qu’il reste attaché à «la vérité sur le passé», mais que ce «passé doit préparer l’avenir».
Mieux, il déclare haut et fort : «je ne viens pas ici pour faire repentance ou présenter des excuses et on ne me le demande pas d’ailleurs».
Sur le dossier malien, le Chef de l’Etat français a martelé que les «Africains seuls» peuvent lancer une opération contre AQMI et les groupes islamistes.
S’agissant des autres partenaires de la France dans la région, le Président Français a confirmé officiellement qu’il se rendra au Maroc et en Tunisie début 2013.
Quant à la visite de monsieur François Hollande à Tlemcen, ville qui n’a jamais vu naître Abdelaziz Bouteflika, puisque né à Oujda au Maroc, où il s’adressera, le 20 décembre 2012, à un parterre d’étudiants à l’Université locale, concédons lui simplement la symbolique d’une simple escale touristique accordée par le Président français en faveur du Chef de l’Etat Algérien, dont son état de santé est très précaire, et pour y recevoir le titre de Docteur Honoris Causa.
Au final, cette visite d’Etat du Président Français, ou plutôt, en reprenant les titres d’articles de journaux français à grand tirage, dont le Figaro, de « Hollande l’algérien », en Algérie a été plus une visite politique que mémorielle ou commerciale. Elle a donné lieu à la signature de quelques contrats économiques de circonstance touchant les secteurs de la défense, l’industrie, l’agriculture, la culture, l’enseignement et la formation, dont celui de l’implantation d’une usine Renault de montage à Oran.
Une usine, d’une capacité de production annuelle initiale de 25 000 véhicules, qui pourra monter à 75 000 exemplaires, destinée à fournir le marché local.
Comparativement à celle de Tanger, au Maroc, dotée d’une capacité de production de plus 400 000 voitures/an, destinées pour l’essentiel à être exportées vers l’Europe, c’est une micro-usine à petit investissement et peu génératrice d’emplois directs ou indirects.
Un accord signé, il faut le préciser, par un subalterne, Jean-Christophe Kugler, Directeur Régional de Renault. Monsieur l’absence Carlos Ghosn, patron de Renault, n’ayant pas daigné participer à ce voyage.
De plus, seule une «Déclaration d’amitié et de coopération» a été paraphée par les deux Chefs d’Etat. Un document qui devrait définir plus tard les contours d’un futur «partenariat d’amitiés» entre les deux pays, à savoir un programme de travail sur cinq ans dans les domaines économiques, financiers, culturels, agricoles et même de défense.
Quant aux attentes des autorités et de la classe politique algériennes sur une reconnaissance officielle de tous les crimes coloniaux de la France en Algérie par Monsieur François Hollande elles n’ont pas été satisfaites.
Dans son intervention devant le Parlement algérien, le 20 décembre 2012, qui devrait être boycottée par l’ensemble des partis politiques algériens, excepté le FLN, ainsi que nombre de syndicats et associations algériennes, Monsieur François Hollande évoquera le passé, mais sans plus.
Ce souhait non exhaussé consacrera donc bien le fiasco diplomatique et politique de cette visite d’Etat du Président français pour les responsables algériens qui l’ont présentée comme une réussite pour leurrer le peuple algérien, mais aussi sur le plan des relations économiques bilatérales.
Un échec conforté par la faible représentativité dans la délégation de représentants du monde économique français qui a accompagné le Président François Hollande. Peu de grands noms, beaucoup de numéros deux ou trois et un Medef des plus discrets et ce, en raison de l’insécurité, d’une législation fluctuante et d’un manque d’attractivité.
Un revers qui révèle le caractère incertain et turbulent des relations franco-algériennes.
Ces échecs s’expliquent aisément lorsque l’on scrute la situation qui prévaut aujourd’hui en Algérie.
Un pays où le pouvoir algérien a démontré, en 50 ans de règne sans partage d’un groupe militaro-polico-financier, son inefficacité non seulement dans le domaine des libertés, de la bonne gouvernance, de la démocratie mais aussi dans celui de l’économie et du social, où tous les indicateurs sont au rouge : inflation galopante, dinar faible, hausse des prix à la consommation, pouvoir d’achat en pleine déconfiture, chômage important, faillite de l’école, persistance chronique d’une mal vie, détournement et corruption, double dépendance aux hydrocarbures et à l’importation et perte de souveraineté alimentaire.
Des autorités algériennes qui ont toujours dénié aux Kabyles tous ses droits, dont ceux de la reconnaissance constitutionnelle du Tamazigh comme langue nationale officielle, au même titre que l’arabe, et du respect de leur culture, tradition et religion.
A noter que les Kabyles (Amazigh) ne sont pas tous musulmans. Nombre d’entre eux sont catholiques et juifs et c’est cette pluralité qui doit être protégée par la Constitution comme l’a si bien fait le Royaume du Maroc.
Un peuple qui a versé son sang pour la libération de l’Algérie du joug colonial alors que ceux qui ont gouverné et gouvernent encore ce pays se prélassaient au Maroc et en Tunisie sous le titre pompeux d’armées des frontières pour venir, le moment venu, confisquer les fruits de la résistance intérieure et liquider physiquement leurs chefs, d’ailleurs tous originaires de la Kabylie.
Farhat Abbas n’avait-il pas déclaré : «Boumediene, n’est ni Abdelmoumen ni Massinissa». Le premier fut le co-fondateur avec Ibn Toumert de la dynastie des Almohades et le second l’unificateur de l’ex Numidie en rattachant Lambèse au reste du pays. L’un et l’autre des deux chefs historiques ont laissé des oeuvres que les algériens et l’histoire n’oublieront pas.
Boumédiene, par contre, les algériens l’évoqueront à chaque fois qu’ils penseront au populisme, à la médiocrité et à la faillite de l’Algérie actuelle. Il fut tout simplement, avec son accolyte Bouteflika son digne successeur, le fondateur du «banditisme politique étatique» Des destins politiques et de santé similaires pour ses deux hommes qui ne marqueront nullement l’histoire.
Une affirmation confortée par une déclaration de l’ancien Premier Ministre Ahmed Benbitour dans une interview accordée, le 10 décembre 2012, au quotidien El Khabar selon laquelle «Bouteflika se maintient au pouvoir grâce à la corruption.»
Monsieur Benbitour ajoute, et je le cite : « Il existe aujourd’hui une grande caste qui profite de la corruption, du gaspillage, de la mauvaise gestion et des immenses programmes d’investissements dont la source principale de financement sont les hydrocarbures. »
Pire, il prédit que l’Algérie n’aura, à très court terme, plus d’Etat car celui-ci est en total déliquescence.
Du grand banditisme étatique que seul le peuple algérien en subi les conséquences néfastes. Qu’est-il advenu de la rente des hydrocarbures accumulée depuis l’indépendance ?
Pour un homme du sérail algérien, il me semble que tout est dit sur la vraie nature du pouvoir algérien.
Que les responsables algériens regardent un peu autour d’eux et fassent leur introspection. Ils constateront avec amertume qu’en France, et ailleurs dans le monde, le Maroc est présenté comme un modèle dans une région qui patauge dans l’incertitude et le chaos suite aux changements issus du Printemps arabe.
Il leur suffit de scruter et d’analyser la situation des pays comme l’Egypte, la Libye et la Tunisie devenus de veritables «westerns».
Aujourd’hui, Rabat est un partenaire privilégié pour l’Europe et la communauté internationale, notamment au niveau des discussions concernant les évolutions dans la région du Sahel ou encore au Moyen-Orient.
Le Royaume du Maroc, sous la conduite de son Roi, est, et reste, leur meilleur allié dans les régions du Maghreb et sahélo-saharienne, sur le continent africain mais aussi l’interlocuteur fiable sur les questions du Moyen-Orient.
Mieux, le Maroc est un partenaire incontournable dans les questions sécuritaires : lutte contre le terrorisme, trafic de drogue et immigration clandestine.
Pour toutes ces raisons, et celle liée à l’état de santé du Chef de l’Etat Algérien, Mohcine Belabbas, Président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (parti Kabyle), a appelé, le 15 décembre 2012, à la destitution du Président Abdelaziz Bouteflika.
C’est dire la situation désastreuse sur tous les plans qui prévaut en Algérie et qui touche de plein fouet le peuple Algérien.
Une situation intérieure en plein délabrement qui explique le refus systématique des autorités algériennes à ouvrir les frontières terrestres avec le Maroc et éviter ainsi de fortes revendications politiques, sociales et économiques du peuple algérien.
En conclusion, on retiendra que cette visite d’Etat du Président français se soldera par des résultats en demi-teinte sur les plans politique, dipomatique et économique, confirmant la bérézina de l’Algérie sur les plans intérieur et extérieur, attestant que ce pays n’a aucune leçon à donner à ses voisins.
Du triple défi, attendu par l’Algérie pour cette visite, on passera à une triple déconvenue: politique, diplomatique et économique.
Il est grand temps que l’Algérie, outrageusement vaniteuse, tombe de son piedestal et abandonne sa vision hautaine envers tous ses voisins et surtout veille à les respecter afin de ne pas insulter et hypothéquer vainement le futur des peuples de la région, le sien en premier.
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