Une salle de gym pour musulmanes

Dès la fin avril, les musulmanes qui le désirent pourront faire du sport dans un gymnase fermé aux regards, dans la banlieue bernoise. Une offre du tout récent, et très controversé, Conseil central islamique suisse

Une salle de gym pour musulmanes
Avant la naissance de ses enfants, Nora Illi se rendait au fitness. Sans quitter son niqab, ce masque qui recouvre le visage. Convertie à l’islam à 19 ans, cette Suissesse de 26 ans a renoncé à la piscine. Mais, protégée par un «burkini», cette tenue de bain qui recouvre l’intégralité du corps sans le mouler, elle continue à se baigner dans les lacs du pays. «Les gens ouvrent de grands yeux quand ils me voient, admet-elle au téléphone dans un rire. Mais je suis dans un espace public, j’ai le droit de me baigner.»

Pour les musulmanes comme elle, qui veulent faire du sport loin du regard des hommes, le Conseil central islamique suisse (CCIS) a déniché le gymnase de Wabern, à dix minutes de tram de la capitale, comme l’a révélé 20 Minuten. Dès le 28 avril, les mercredis soir, elles pourront pratiquer badminton, volleyball, musculation ou gymnastique artistique. Les premières inscriptions sont arrivées, et une requête similaire est à l’étude en Argovie. Nora Illi, qui allaite ses jumeaux de 3 mois, devra attendre. Mais, en tant que femme – la seule – à siéger au CCIS, elle a aidé à la mise en place de cette activité.

«Plusieurs femmes nous ont demandé de les aider à trouver une salle», indique Qaasim Illi, porte-parole du CCIS et époux de Nora. Elle explique: «Nous ne voulons pas prendre le risque de nous exposer. Là, nous pouvons enlever le voile, être libre de nos mouvements.» L’association a dû inspecter plusieurs bâtiments. «Il nous fallait une salle qui ne soit pas visible de l’extérieur.»

Demande importante

A la fin des années 1990, Nadia Karmous, à la tête de l’Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse, avait loué une plage horaire à la piscine de Hauterive (NE). Le contrat a été rompu en 2005 par le Conseil communal, qui a estimé que le nettoyage dominical était trop compliqué. «Depuis, beaucoup de femmes nous réclament de nouvelles activités.» En Suisse romande, elles sont plusieurs à fréquenter Espace Equilibre, un centre de remise en forme de La Chaux-de-Fonds réservé aux femmes. «Nous avons en effet des clientes musulmanes, dont certaines font du sport avec le foulard», indique Danielle Neuhaus. «La présence de ces femmes constitue un plus. Nous avons des discussions autour du ramadan, des minarets. Je pense que le regard de certaines clientes sur l’islam a changé. Ce mélange de cultures est enrichissant.»

Mixité… ou ségrégation?

La vice-présidente de l’Union des organisations musulmanes de Genève, Lucia Dahlab, ne partage pas forcément les convictions ultraorthodoxes du CCIS. Mais là, elle ne voit pas de problème. «Si ces femmes se sentent plus à l’aise ainsi, pourquoi pas?» Elle les comprend d’autant plus qu’elle s’est «fait jeter» d’un bassin genevois où nageaient ses enfants, car elle était trop vêtue. Nadia Karmous renchérit. «Quand nous avions proposé l’horaire spécial à la piscine à Neuchâtel, des femmes chrétiennes en ont profité. Il existe bien des activités selon l’âge ou l’appartenance sexuelle. Pourquoi pas pour des femmes qui veulent faire du sport sans avoir à supporter les regards gênants de certains hommes?»

Pour Saïda Keller-Messahli, qui préside le Forum pour un islam progressiste, c’est vite vu: l’initiative de Wabern est celle «d’une petite minorité ultraorthodoxe, qui refuse de s’intégrer à la société dans laquelle elle vit.» Pour elle, il s’agit bien d’«un geste de ségrégation, une accentuation de l’idée de séparation des sexes dès l’enfance. Cette culture de ségrégation et de moralisation du corps féminin va contre toute liberté et autodétermination de la femme musulmane.»

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite