Une impasse nommée Bouteflika!

par Mustapha Tossa

Les vendredis se suivent et ne se ressemblent pas en Algérie. Ils charrient des manifestations de plus en plus massives, déterminées et dont le message principal se structure autour d’une idée maîtresse: le refus populaire d’un cinquième mandat pour Bouteflika doublé d’un rejet du système de paralysie et de népotisme qu’il incarne depuis des décennies.

C’est le pire scénario jamais imaginé par le clan Bouteflika, de voir l’idée de ce refus et de ce barrage au mandat de trop endossée par toutes les couches de la société, criée sur tous les toits et dans toutes les villes algériennes et au sein de toute la diaspora à l’étranger avec parfois l’humour du désespoir et le sarcasme des obsédés.

A voir la panique du clan au sein du pouvoir algérien qui a voulu imposer le cinquième mandat, il est pertinent de constater que jamais un tel scénario ne leur avait traversé l’esprit ni préoccupé leurs agendas et que dans le pire de leurs cauchemar, ils ne voyaient comme menace sérieuse qui viserait à décrédibiliser leurs stratégies qu’un boycott de la part de personnalités marquantes du spectre algérien. Cette menace à l’impact limité était selon vision susceptible d’être contenue par le truchement des distributions des privilèges qu’autorise le contrôle opaque de la rente algérienne.

Mais que la population algérienne sorte pour crier son désespoir, son amertume, son humiliation, sa frustration qu’incarne le maintien de ce cinquième mandat, c’est la grande inconnue qui a réussi à faire vaciller l’ensemble de l’édifice. Signe du grand danger qui pèse sur le clan Bouteflika, cet état d’espoir pacifiquement insurrectionnel est en train de toucher des milieux et des clientèles jadis affidés au système quand elles ne constituaient pas l’essentiel de ses fondations.

Trois exemples illustrent à merveille cette redoutable accélération de l’histoire algérienne. Le premier vient des structures regroupant les Moujahiddines de la révolution algérienne qui ont arraché l’indépendance à la France et qui formaient un des précieux socles de légitimité dont se prévalaient l’équipe bouteflika. Certaines personnalités marquantes ont ouvertement rejoint la contestation populaire du cinquième mandat. Le second mauvais signal pour Bouteflika vient du patronnat algérien qui se déchire ouvertement sur l’attitude à prendre face à ces contestations. De nombreux patrons ont déjà rejoint « le maquis » des indignés de la rue algérienne. Et le troisième message est issu de la dislocation des députés du FLN ( Front de libération National) longtemps l’unique gardien du temple algérien et dont la posture et les attitudes sont absolument indispensable pour adouber tout prétendant à la fonction suprême en Algérie. Certains députés FLN ont quitté le navire pour rejoindre les manifestations.

La grande inconnue demeure au sein de l’armée, la véritable détentrice du pouvoir en Algérie. Avec cette interrogation qui est sur toutes les lèvres et dans toutes les chancelleries: l’institution militaire algérienne est-elle si homogène, si opaque, si unanime dans son soutien à la stratégie du cinquième mandat ou des personnalités militaires seraient tentés par une défection et une expression publique de leurs doutes, voire oppositions à l’obsession de Bouteflika de rempiler et de mourir sur son maroquin présidentiel ?

Il est vrai que jusqu’à maintenant les messages délivrés par le patron de l’armée Ahmed Gaid Salah se voulaient d’une fermeté sans faille et d’un avertissement explicite délivré aux Algériens pour leur rappeler les risques encourus et semer la peur dans les cœurs et les esprits. Il est sans aucun doute celui qui a inspiré le message que Bouteflika, de son lit d’hôpital à Genève avait adressé aux Algériens : « Nous nous devons d’appeler à la vigilance et à la prudence quant à une éventuelle infiltration de cette expression pacifique par une quelconque partie insidieuse, interne ou externe, qui pourrait, qu’Allah nous en préserve, susciter la Fitna et provoquer le chaos avec tout ce qu’ils peuvent entraîner comme crises et malheurs ».

Le clan de Bouteflika se retrouve dans une impasse dans laquelle il ne sait pas comment s’en sortir. Ses solides soutiens commencent à le lâcher. L’union sacrée dont il pouvait se prévaloir pour vendre son 5e mandat est en train de se fissurer à vue d’œil sous le regard inquiet, voire angoissé des pays du Maghreb et de l’Europe qui craignent avant tout les conséquences d’une possible déflagration de cette dispute sur le pouvoir à Alger. Dans les réseaux sociaux qui accompagnent massivement l’expression algérienne, les Algériens laissent libre court à leur imagination et à leur humour face à l’absurdité de la situation.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite