Un socialiste français à Washington

Un socialiste français à Washington
Il y a 31 ans, l’arrivée d’un président socialiste au pouvoir en France suscitait stupeur et tremblements à Washington. C’était la guerre froide, et François Mitterrand faisait entrer des ministres communistes au gouvernement. Sacrifiant à un rituel – coûteux – qui relevait plus de la politique symbole que du sérieux économique, il nationalisait quelques groupes industriels français. Damned !

Les Etats-Unis faisaient part de leurs craintes. Ils doutaient du comportement de Paris au sein de l’OTAN. Ils s’interrogeaient sur la sécurité de leurs investissements en France. C’était aussi une affaire de personne. François Mitterrand était une énigme aux yeux des Américains. Drôle d’homme politique que ce lettré qui pouvait disserter durant des heures sur les plantes, les fleurs et le mystère des ânes et des âmes – pas vraiment le style qu’on rencontre dans la classe politique outre-Atlantique.

Une génération plus tard, quelle différence ! François Hollande devait être reçu, vendredi 18 mai, à la Maison Blanche par Barack Obama. Et plus aucune des préventions manifestées à l’adresse de la gauche française ne subsiste. François Mitterrand est passé par là, qui a montré qu’un président socialiste, même allié au PCF, savait être un allié solide quand il le fallait.

Mieux encore, l’Amérique s’est félicitée de la ligne Hollande en politique économique. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, et la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, ont salué le ton nouveau entendu à Paris : l’accent mis sur la croissance en Europe au moins autant que sur l’austérité budgétaire.

On peut y voir une manière de confluence idéologique entre le Parti démocrate et les sociaux-démocrates européens. L’équipe Obama n’a cessé de dénoncer, en public et en privé, le tournant de l’austérité en Europe. Elle y voit un danger pour la croissance. Elle redoute plus que tout une récession sur le Vieux Continent qui plomberait l’activité outre-Atlantique et menacerait la réélection de Barack Obama.

C’est dire que le président américain est au moins autant préoccupé par l’état de la zone euro que par les intentions de M. Hollande en Afghanistan. Les Américains sont tétanisés à l’idée que la sortie de la Grèce de l’euro ne déclenche un séisme financier de l’ampleur de celui de l’été 2008. Voilà ce qu’il dira en priorité au président français.

Le dossier Afghanistan se prête au compromis. Washington préférerait que les troupes françaises ne quittent pas ce pays avant la fin 2013. M. Hollande veut un retrait d’ici à la fin 2012. Mais délais et modalités sont aménageables. Ce qui compte le plus pour M. Obama est que Paris s’engage sur une aide financière durable au gouvernement afghan.

Il en ira des relations de Washington avec M. Hollande comme il en a été avec Nicolas Sarkozy. Même s’ils n’ont de regards que pour l’Asie-Pacifique et les "émergents", qui incarnent l’avenir à leurs yeux, les Etats-Unis apprécient encore l’atout stratégique que représentent ces vieux alliés d’une Europe déclinante.

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