Un « comité de sages » à la place du gouvernement tunisien?

Des négociations sont en cours en Tunisie pour créer un "comité des sages" appelé à remplacer ou à superviser le gouvernement de transition contesté par la rue et "protéger la révolution", selon les milieux politiques.

Cette annonce intervient alors que des manifestants continuent d’exiger le départ du gouvernement d’union de Mohamed Ghannouchi pour sa trop forte proximité avec le régime déchu de Zine ben Ali et que le chef de l’armée a lancé une mise en garde à ses compatriotes contre le risque de vide politique tout en jurant de "protéger la révolution".

Selon Sihem Bensédrine, figure de l’opposition sous l’ancien régime de retour à Tunis, cette instance pourrait comprendre des responsables politiques, des représentants de la société civile, des avocats et des responsables syndicaux.

Ce conseil pourrait notamment inclure Ahmed Mestiri, un opposant qui avait jadis rompu avec Habib Bourguiba et jouit aujourd’hui du respect des mouvements d’opposition tant laïques qu’islamistes.

"Nous négocions avec le gouvernement de transition. Nous avions des contacts avec certains ministres du nouveau gouvernement ainsi qu’avec le chef de la commission pour la réforme politique", a déclaré Sihem Bensedrine, faisant allusion à une instance mise en place par le gouvernement pour réviser les lois.

"L’idée est de créer une sorte de conseil pour la protection de la révolution", a-t-elle ajouté. Il lui reviendrait la tâche de rédiger un nouveau code électoral et d’organiser l’élection d’une assemblée constituante.

Selon elle, le Parlement aux ordres du président déchu sera dissous et le conseil aura pour mission de superviser le gouvernement de transition dont Mohamed Ghannouchi, dernier Premier ministre de Zine ben Ali, pourrait garder la direction.

"L’ARMÉE PROTÈGERA LA RÉVOLUTION"

Un remaniement gouvernemental est par ailleurs attendu dans les prochains jours pour pourvoir les postes laissés vacants par les cinq ministres démissionnaires (quatre de l’UGTT, la grande centrale syndicale, et un responsable de l’opposition), à en croire le ministre de l’Education, Taïeb Baccouche, qui précise que d’autres ministères pourraient être concernés.

Le général Rachid Ammar, le chef d’état-major qui avait refusé de soutenir la répression de la "révolution du jasmin", a déclaré à une foule rassemblée devant les bureaux du Premier ministre: "Notre révolution est votre révolution. La révolution de la jeunesse pourrait être perdue et exploitée par ceux qui appellent à un vide. L’armée protégera la révolution."

La police avait auparavant fait usage de gaz lacrymogènes contre ces manifestants venus à bord d’une "caravane de la liberté" et issus pour la plupart de zones rurales déshéritées.

Policiers et militaires ont bloqué un demi-millier de manifestants présents à l’intérieur de la Kasbah, qui abrite le siège du gouvernement. Un millier d’autres protestataires se sont répandus dans les rues et sur une grande place adjacentes, dans l’incapacité d’approcher du secteur.

Fermées pendant deux semaines, les écoles ont commencé à rouvrir lundi, même si certaines se sont mises en grève pour réclamer le départ des nouvelles autorités.

Dans un entretien au Figaro, le chef de la diplomatie, Kamel Morjane, exclut de démissionner. Il dit ne pas vouloir s’accrocher à ses attributions mais mettre ses compétences au bénéfice du pays "dans une période délicate".

La France, critiquée pour son manque de soutien public à la "révolution du jasmin", a promis de venir en aide aux nouvelles autorités et de rechercher systématiquement les "richesses pillées" par Ben Ali.

ÉMISSAIRE AMÉRICAIN DE HAUT RANG

Le président Nicolas Sarkozy a amorcé un début de mea culpa en reconnaissant que la France n’avait pas pris la juste mesure de la révolte des Tunisiens. "Derrière l’émancipation des femmes, l’effort d’éducation et de formation, le dynamisme économique, l’émergence d’une classe moyenne, il y avait une désespérance, une souffrance, un sentiment d’étouffer dont, il nous faut le reconnaître, nous n’avions pas pris la juste mesure", a-t-il dit lors d’une conférence de presse.

La France, a dit Nicolas Sarkozy, va proposer aux nouvelles autorités des mesures pour leur venir en aide au plus vite et appuie l’octroi d’un "statut avancé" de la Tunisie dans ses relations avec l’Union européenne.

A la suite d’une plainte déposée par trois ONG, une enquête préliminaire de police a été ouverte par le parquet de Paris sur les biens que détiendrait la famille Ben Ali en France.

A Tunis, les nouvelles autorités ont annoncé le placement en résidence surveillée de trois proches collaborateurs de Ben Ali. Il s’agit de l’ancien conseiller chargé du contrôle de la presse, Abdelwahhab Adballa, de son ancien porte-parole et plus proche conseiller, Abdelaziz bin Dhia, et de l’ancien ministre de l’Intérieur et président de la chambre haute du Parlement, Abdallah Qallal.

Par ailleurs, Rachid Ghannouchi, dirigeant de l’opposition islamiste en exil à Londres, a annoncé son retour dans les prochains jours et assuré qu’il ne voulait pas instaurer la charia. "J’invite à respecter le choix du peuple tunisien et le mouvement Ennahda appelle depuis sa création à une véritable démocratie moderne", a-t-il déclaré à France 24.

Le département américain d’Etat a annoncé l’arrivée en Tunisie de son plus haut diplomate chargé du Proche et Moyen-Orient, Jeff Feltman, chargé d’évoquer avec les nouvelles autorités leurs projets en matière de réformes démocratiques et d’élections.

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