Tunisie: le président met en garde contre une récupération de la contestation

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a reconnu vendredi soir que la contestation contre le chômage et l’exclusion sociale qui agite son pays était « naturelle », tout en accusant des « mains malveillantes » de chercher à récupérer la situation.

Un couvre-feu nocturne a été décrété vendredi dans toute la Tunisie, après plusieurs jours d’une contestation sociale inédite par son ampleur et sa durée depuis la révolution de 2011.

Cinq ans après le renversement du dictateur Zine El Abidine Ben Ali, les manifestations contre la misère et pour la justice sociale sont parties de la région défavorisée de Kasserine (centre) à la suite du décès samedi d’un jeune chômeur.

Sans précédent depuis la révolution de 2011 par son ampleur et sa durée, ce mouvement est parti de la région de Kasserine (centre), l’une des plus pauvres de Tunisie, à la suite du décès samedi d’un jeune chômeur. Il s’est étendu à plusieurs villes et a été marqué par des violences dans le Grand Tunis.

Ces protestations "dans des régions dont nous savons qu’elles sont défavorisées, comme Kasserine et d’autres, sont naturelles", a déclaré M. Caïd Essebsi dans une allocution télévisée.

"Il n’y a pas de dignité sans emploi (…). On ne peut pas dire à quelqu’un qui n’a pas à manger: patiente encore", a-t-il ajouté.

Mais l’actuel gouvernement, "qui a moins d’un an, s’est retrouvé face à une situation très difficile, un chômage étouffant: environ 700.000 chômeurs dont 250.000 ou 300.000 jeunes diplômés", a expliqué le président.

Et surtout, a accusé le chef de l’Etat, "après le début de ces manifestations des mains malveillantes sont intervenues et ont enflammé la situation. Et nous informons ces gens qu’ils sont tous connus, fichés et que leurs appartenances partisanes sont connues, qu’il s’agisse de partis légaux ou interdits".

"Et la nouveauté, c’est qu’il a semblé à Daech (un acronyme en arabe du groupe Etat islamique), qui est présent en Libye, presque à nos frontières maintenant, que la situation lui permettait de fourrer son nez dans cette opération", a-t-il soutenu.

Les tensions sociales ont débuté samedi à Kasserine, ville de 80.000 habitants, lorsqu’un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d’autres contre son retrait d’une liste d’embauches dans la fonction publique.

La contestation s’est rapidement propagée, témoignant de la persistance de l’exclusion sociale dans un pays qui fait figure de rescapé du "Printemps arabe" mais qui ne parvient pas à s’extirper du marasme économique.

En visite à Paris, le Premier ministre tunisien a dit sur France 24 "comprendre la réaction des gens, mais nous avons un héritage que nous devons gérer", citant les défis sécuritaire, social et économique. "Nous n’avons pas de baguette magique pour donner de l’emploi à tout le monde en même temps", a-t-il ajouté.

Plusieurs organisations, dont la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) et Oxfam, ont appelé "à l’adoption d’un modèle économique dont l’objectif est la réduction des disparités régionales et des inégalités sociales", en disant leur "déception" face à l’inaction des différents gouvernements.

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