Tunisie : large victoire annoncée pour le juriste Kais Saied

L’enseignant de droit Kais Saied devrait être le deuxième président élu au suffrage universel en Tunisie, selon plusieurs sondages qui lui donnent une très large avance sur l’homme d’affaires controversé Nabil Karoui, au terme d’une saga électorale haletante dans la jeune démocratie.

Ce théoricien de la Constitution aux convictions conservatrices a remporté plus de 70% des voix selon les sondages –72,5% pour Emrhod et 76,9% pour Sigma. La publication de ces sondages a déclenché des manifestations de joies dans le centre de Tunis, où ses partisans sont descendus par milliers, klaxonnant et chantant l’hymne nationale.

Les résultats officiels ne seront pas connus avant lundi.

Pour ce troisième scrutin en un mois, la participation a été nettement plus élevée qu’au premier tour, atteignant 57,8% avec seulement 70% des bureaux pris en compte. Pour le premier tour le 15 septembre, moins d’un électeur sur deux s’était déplacé.

Kais Saied, qui n’a aucune expérience du pouvoir et s’est entouré d’une poignée de partisans néophytes en politique, était arrivé en tête du 1er tour, après une campagne low cost, créant un séisme au sein de la classe politique.

Sur Facebook, de nombreux jeunes, pour la plupart favorables à M. Saied, se sont organisés pour faire du covoiturage et fournir des transports à ceux inscrits sur les listes électorales dans une autre ville que leur lieu de résidence.

Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, arrivé en tête des législatives avec 52 places au Parlement (sur 217), a appelé ses partisans à se rendre dans le centre de Tunis pour fêter la victoire de Kais Saied.

Ce dernier, farouchement indépendant, a exclu tout accord avec les partis. Ennahdha avait toutefois appelé à voter pour lui. En revanche, rares avaient été les appels explicites à voter pour M. Karoui, sorti de prison mercredi soir mais qui reste inculpé pour fraude fiscale.

– Saga politique –

La mort en juillet du premier président élu démocratiquement au suffrage universel, Béji Caïd Essebsi, a avancé la présidentielle de quelques mois, précipitant le pays dans une période politique mouvementée.

Il y a d’abord eu l’incarcération fin août de Nabil Karoui, qui caracolait dans les sondages. L’homme d’affaires a martelé que son arrestation, à quelques jours du début de la campagne pour le premier tour, était "politique".

Le premier tour mi-septembre a emporté l’ensemble de la classe politique en place au cours de la période post-révolution.

Candidat sans parti, M. Saied, 61 ans, avait obtenu 18,4% des voix, en exaltant les valeurs du soulèvement de 2011 et en prônant une décentralisation radicale.

M. Karoui, 56 ans, fondateur d’une des principales chaînes de télévision du pays, Nessma, avait obtenu 15,6% des voix depuis sa cellule de prison.

Les deux hommes en rupture avec l’élite politique ont bénéficié du vote sanction d’électeurs exaspérée par les chamailleries politiciennes et l’horizon économique bouché.

Si la sécurité s’est nettement améliorée ces dernières années, après une série d’attentats jihadistes dévastateurs en 2015, le chômage continue de ronger les rêves, notamment des jeunes, et l’inflation grignote un pouvoir d’achat déjà faible.

– "Consultations" –

Le dernier rebondissement de cette saga politique a été la libération in extremis mercredi, après plusieurs rejets de la justice, de M. Karoui.

La campagne s’est achevée vendredi par un débat télévisé sans précédent et très suivi: plus de 6 millions de téléspectateurs, soit plus d’un Tunisien sur deux, selon un institut de sondage.

Alors que la Constitution de 2014 fait la part belle au Parlement, les regards se tourneront après ce second tour vers Ennahdha, chargé de former le nouveau gouvernement, une tâche ardue.

"Nous avons commencé nos consultations", a indiqué le chef du parti, Rached Ghannouchi, qui devra rallier de nombreux autres blocs pour atteindre la majorité de 109 sièges au Parlement.

"En principe c’est Ennahdha (qui dirige le gouvernement, NDLR) mais après les consultations, plusieurs scénario sont possibles", a-t-il souligné. L’hypothèse d’un gouvernement de technocrates a aussi été évoquée.

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