Tunisie : Pourquoi Ennahdha veut la peau de Marzouki

Tunisie : Pourquoi Ennahdha veut la peau de Marzouki
«En 6 mois, Ennahdha aura réussi là où Ben Ali a échoué des années durant: Détruire et humilier, politiquement, Moncef Marzouki». Et ce n’est pas vraiment un anti-CPR qui s’est fendu de ce commentaire, sur les réseaux sociaux, bien au contraire. C’est que le camouflet infligé par Jebali à Marzouki a été largement commenté par la presse internationale.

La très sérieuse Agence France Presse (Afp), en arrive même à faire usage de l’arabe dialectal, pour disqualifier le président de la République tunisienne. «Il n’y a plus rien à rajouter. Si ce n’est espérer qu’il démissionne au plus tôt» commente ainsi un citoyen tunisien. Un avis partagé même par certains des militants les plus actifs du parti présidentiel, le Congrès pour la République (CPR). C’est dire le sentiment d’humiliation ressenti par de nombreux sympathisants du mouvement, qui voient «leur» président malmené par des journaux français tels «Le Figaro», ou «Libération», qui se sont emparés de la dépêche AFP pour broder sur le même thème.

Reste à expliquer cette pique Nahdhaouie, et justifier l’extradition précipitée de Baghdadi Mahmoudi alors même que le CPR n’avait de réelles réserves que sur les délais, et la date de sa remise aux autorités Libyennes. Nos voisins ne disposant pas encore de pouvoir élu, l’arrivée de l’ex-premier ministre libyen risque, en effet, de s’intégrer dans un dispositif électoraliste d’une partie au détriment d’une autre. La Tunisie a-t-elle réellement intérêt à entrer en matière dans ce type de calculs ? Il est permis d’en douter. Mais ce n’est visiblement pas l’avis des responsables d’Ennahdha qui semblent avoir choisi leurs «amis».

Tunisie : Pourquoi Ennahdha veut la peau de Marzouki
Enjeux tuniso-tunisiens

L’extradition de Baghdadi n’est également pas dénuée d’enjeux tuniso-tunisiens. Ennahdha est le seul parti politique à défendre un régime parlementaire en Tunisie. Et pour cause : aucun de ses dirigeants n’est assez populaire et consensuel pour être véritablement en mesure de remporter des élections présidentielles. Or Marzouki réussit à ratisser large. Du côté des couches populaires, mais aussi auprès des franges conservatrices de la population, parmi ceux qui se disent «attachés à leur identité arabo-islamique». Un match assez particulier s’est d’ailleurs déroulé à la télévision tunisienne, le 7 juin dernier. Un face à face à distance entre Rached Ghannouchi, sur la chaîne nationale Al Watanya et Moncef Marzouki sur Hannibal TV. Le résultat est sans appel, et résonnera comme un signal d’alarme pour Ennahdha : 1,9 million de téléspectateurs pour Marzouki, contre 130.000 fidèles au Cheikh. Autant dire que leader du CPR est l’un des rares a pouvoir piétiner les platebandes qu’Ennahdha s’est attribuées.

Pis : en affichant une certaine «entente» avec Adnen Hajji, le «lion du bassin minier», dans cette même émission télé qui a cartonné, Marzouki a prouvé, qu’il pouvait même faire étalage d’une certaine «complicité» avec une gauche abhorrée par les Nahdhaouis. Une dizaine de jours plus tard, Adnen Hajji devra comparaitre devant le tribunal de première instance de Gafsa, Suite à une plainte déposée par un journaliste à la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera…

Ennahdha préfère-t-elle Caïd Essebsi ?

Question performances, il n’y a pas photo. Quand Jebali balbutie à la télé, et face aux journalistes étrangers, Marzouki, lui, jongle avec l’anglais comme avec Julian Assange, joue avec maestria sa partition en français. Et à l’heure où d’aucuns ânonnent leurs phrases arabes comme autant de slogans périmés, l’aisance du président de la République rappellera à ceux qui veulent faire mine de l’oublier, que Marzouki a une vingtaine de bouquins à son actif.

Les dégâts de l’affaire Baghdadi sont particulièrement spectaculaires. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’Ennahdha pousse le CPR dans ses derniers retranchements. Ainsi, si le parti de Marzouki en est arrivé à exploser en plein vol, ce serait aussi en grande parti dû au mouvement de Ghannouchi, qui aurait réussi à diviser, pour régner et imposer sa loi sur un parti qu’elle a voulu domestiquer. Et voici aujourd’hui qu’elle prétend lui assener le coup de grâce.

Au final, le CPR et son président en sortent meurtris et trahis, et Ennahdha se retrouvent décrédibilisée par une initiative prise à l’encontre de toute la classe politique tunisienne. Le gouvernement Jebali s’expose même à un improbable retrait de confiance à l’Assemblée Constituante. Principal gagnant ? Béji Caid Essebsi et son «Appel de Tunisie» qui, en maintenant le silence radio sur cette affaire, semblent plus que jamais en embuscade. A croire qu’Ennahdha préfère encore croiser le fer avec le vieux Destour sur le retour, plutôt qu’avoir à faire face à Marzouki.

Mag14

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