Thaïlande: un village pillé par des bandes …de macaques

Thaïlande: un village pillé par des bandes ...de macaques
Dans un village côtier de l’est de la Thaïlande, les pillages sont quasi-quotidiens. Et malgré les stratagèmes déployés par les habitants pour se protéger, rien n’y fait: ils restent à la merci de bandes de macaques voraces, poussés vers l’homme par la déforestation.
"Ils se faufilent dans la maison quand ils voient que je dors. Ils vont dans la cuisine, prennent l’huile de cuisson, le sucre et même les médicaments que je cache dans le placard", se désole Chaluay Khamkajit, qui se bat depuis des années contre les singes dans le village de Khlong Charoen Wai, à moins de 100 kilomètres de Bangkok.
Si elle se résigne à devoir racheter des provisions, la disparition de ses médicaments lui cause du souci.
La septuagénaire et son mari ont mis en place divers subterfuges contre les intrus: ils bloquent la porte du frigo et les fenêtres, placent un chien dans le jardin, voire s’arment d’un lance-pierre. Mais comme les 150 autres foyers du villages, ils continuent à être les cibles, sans relâche, de ces macaques à longue queue, appelés aussi macaques crabiers.
Les raids de ces chapardeurs durent depuis une dizaine d’années. La faute, semble-t-il, à la disparition progressive de la mangrove, cet écosystème de marais typique des zones tropicales. Ici, la mangrove a fait place aux élevages de crevettes, gagne-pain de la communauté locale. Et les singes ont dû trouver un nouveau terrain de chasse.
"Ils pouvaient trouver à manger facilement par le passé. Mais quand il y a moins de forêts, ils vont chercher à manger dans les maisons", souligne le chef du village, Chatree Kaencharoen, regrettant que certains habitants les attirent en leur donnant de la nourriture.
Des centaines de singes à l’heure du repas
"Parfois, des centaines de singes arrivent en même temps, surtout à l’aube et au crépuscule, quand il fait moins chaud. Ils savent que c’est l’heure du repas", raconte-t-il.
"Ils ont poussé une télévision de 21 pouces, qui est tombée et s’est brisée. Ils ont même volé un cuiseur à riz, ont réussi à l’ouvrir et l’ont vidé pour manger le riz", raconte Chatree.
Mais pour l’organisation de défense de l’environnement WWF, c’est bien l’homme qui a empiété sur le territoire des macaques, et non l’inverse.
"Les gens se sont rapprochés de la nature, c’est pour ça qu’il y a plus de chances d’interactions entre les humains et les animaux", souligne Petch Manopawitr, responsable de l’ONG en Thaïlande.
"Comme les humains, les macaques peuvent adapter leur comportement assez facilement. Et quand ils savent qu’ils peuvent trouver de la nourriture dans le village, ils viennent", poursuit-il.
Le calvaire des habitants de Khlong Charoen Wai ne se limite pas aux singes dans un pays où jungle et mangroves sont petit à petit dévorées par l’agriculture et l’urbanisation.
Tigres et éléphants sauvages font leur lot de victimes. Quant aux sangliers, ils "mangent les cultures des villageois", note Petch. Mais au moins "les villageois peuvent-ils tuer les sangliers pour les manger".
Et la situation risque de s’aggraver. Selon un récent rapport de WWF, le besoin de terres agricoles menace ainsi de faire disparaître un tiers des forêts de la région du Grand Mékong (Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam, Birmanie) d’ici à vingt ans si les gouvernements ne prennent pas rapidement des mesures efficaces.
Entre 1973 et 2009, la Thaïlande a elle déjà perdu 43% de ses zones boisées.
A Khlong Charoen Wai, c’est la mangrove qui est en déclin. Les macaques passent une partie de la journée sur les passerelles en bambou qui la traversent à l’orée du village. Les mères paressent, leur petit accroché sur leur poitrine, pendant que d’autres s’amusent à sauter de branche en branche.
Méfiants, ils ont tendance à prendre la poudre d’escampette dès que quelqu’un s’approche. Mais dès que les humains ont le dos tourné, les singes grimpent sur les toits et tentent leur chance par la moindre ouverture, laissant derrière eux des empreintes boueuses.
Les habitants sont obligés d’entourer leurs maisons de filets et de fermer les fenêtres malgré une chaleur tropicale étouffante, se protégeant tant bien que mal de ces maraudeurs pleins de ressources.
Les autorités locales, de leur côté, ont capturé quelques pillards pour les stériliser. Mais à trop petite échelle pour réellement avoir un impact sur les attaques, explique l’adjoint du chef du village, Tawin Songcharoen.
"On ne peut pas les stopper", désespère-t-il.

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