Syrie : de plus en plus d’Européens grossissent les rangs djihadistes

il y a 6 mois, on estimait qu’ils étaient 600 à s’être enrôlés. Ils seraient aujourd’hui 1 500 à 2 000, la plupart attirés par al-Qaida.

"Préoccupés par la problématique des nombreux combattants européens en Syrie", les ministres de l’Intérieur de huit pays européens, dont la France, se sont réunis mercredi et jeudi à Bruxelles, également avec des représentants américains, canadiens et australiens. Objectifs : améliorer la coopération et échanger des informations sur ceux qui partent, reviennent, ou "ceux que nous ne connaissons pas encore et qui pourraient présenter un risque", explique la ministre de l’Intérieur belge Joëlle Milquet.

"C’est un phénomène préoccupant, qui nous concerne tous, résume Manuel Valls. On voit des gens partir avec des profils identiques, plutôt jeunes, en rupture familiale ou sociale, avec un passé de délinquant, qui sont des convertis pour 20 % d’entre eux." Leur nombre est "par essence" difficile à établir avec précision, mais Joëlle Milquet l’estime en Europe de "1 500 à 2 000, dont 150 Belges". En juin dernier, on estimait qu’ils étaient 600.

184 djihadistes venus de France

Et la France ? "Nous constatons la rapidité du phénomène avec de plus en plus de combattants qui partent, indique le ministre de l’Intérieur. Avant l’été, nous avions moins d’une centaine de Français ou résidents en France qui se trouvaient en Syrie. Au moment où je vous parle, on en compte 184. 14 sont décédés là-bas, une centaine souhaiterait y aller. 80 sont revenus, et 80 sont en transit. Au début, ils avaient la volonté de combattre le régime de Bachar el-Assad que nous condamnons nous-mêmes. Mais maintenant, la plupart souhaitent combattre ou sont enrôlés dans les rangs djihadistes."

Nombre d’entre eux passent par des filières organisées. "Des cellules ont été démantelées à Ceuta, en Espagne, mais aussi en France : la dernière mettait en cause des Tchétchènes", indique Manuel Valls. Ils passent aussi par la Turquie, frontalière de la Syrie, et le Maroc "engagé" dans la lutte contre ces filières.

Pour l’instant, "il n’y a pas de vague de retours massifs", affirme Joëlle Milquet. "Néanmoins, certains ont été arrêtés en Belgique, sur la base de notre loi antiterrorisme ou parce qu’on avait des preuves de recrutement." Manuel Valls : "Aujourd’hui nous ne constatons pas de menace directe ou avérée contre nos pays respectifs, à l’égard de nos concitoyens ou de pays amis. Mais nous suivons la situation avec attention. Chez nous, une centaine de personnes font l’objet plus ou moins directement d’un suivi judiciaire, et certaines ont été incarcérées."

Une dangerosité croissante

Que faire face à ce constat ? Des moyens existent, comme le système d’information Schengen, qui centralise des informations recueillies par les douanes et les différents services de police : "25 % de nos requêtes ont donné lieu à un retour d’informations", se réjouit Manuel Valls. Les Européens demandent aussi aux Américains d’intervenir pour "le retrait de contenus illicites", sur les réseaux sociaux, qui sont pour la plupart des sociétés américaines. "La discussion bute sur leur amendement sur la liberté d’expression", reconnaît le ministre de l’Intérieur, en référence au 1er amendement de la Constitution des États-Unis, un dogme intouchable – du moins en principe. Chaque État réfléchit également à sa législation. "Certains ont des dispositions qui interdisent à leurs ressortissants d’aller combattre hors d’une armée régulière. Cela me paraît une piste intéressante." La France a voté il y a un an une "loi relative à l’incrimination pénale de ceux qui partent combattre à l’étranger. C’est un outil utile."

"Notre crainte, c’est qu’avec le temps, vu que les djihadistes se renforcent en Syrie, nos ressortissants acquièrent une dangerosité plus importante qu’aujourd’hui", indique Manuel Valls. Et Joëlle Milquet de conclure : "Au début de la guerre en Syrie, il y avait une opposition laïque. Aujourd’hui, al-Qaida et d’autres se sont renforcés. Ils sont aux portes de la Turquie. C’est ce que nous avions toujours voulu éviter."

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