Soulèvements politiques et sociaux: Quelles perspectives ailleurs et au Maroc?

A la rive Sud de la méditerranée, les peuples ont soif de Démocratie Représentative, ils aspirent à plus de liberté, de dignité, aux droits de l’homme et à un meilleur niveau de vie.
Les soulèvements sociaux et politiques des peuples au Sud de la Méditerranée, entamés en décembre 2010, semblables aux tremblements de terre dont l’intensité se mesure de 1 à 9 sur l’échelle de Richter, ont atteint le niveau 9 pour la Tunisie (14 janvier 2011) et l’Egypte (27 février 2011), quant à la Libye, au Yémen et à la Syrie, le séisme dévastateur et ses répliques sont toujours en cours, pour ce qui est des pays du Golf, wait and see.
Dans d’autres pays de la même région, Afrique du Nord et Moyen Orient, (MENA), le niveau de rejet des systèmes en place et/ou de dénonciation des dérives et de mal gouvernance qui peuvent les caractériser est variable.
Selon le degré de liberté, plus au moins élevé, dont la population bénéficie, selon le respect des droits de l’homme, du niveau d’acuité des problèmes sociaux et de l’existence ou non d’intermédiation sociale plus au moins efficace, crédible et fiable, la réaction et les revendications de la rue s’inscrivent dans une courbe ascendante ou évoluent en dents de scie.
Dans tous les cas (en cours ou à venir), il ne faut pas se leurrer ni demeurer naïf, les soulèvements sont récupérés sinon confisqués par ceux (internes et externes) que la démocratie dérange, que la voix du peuple indispose et que les ressources stratégiques et/ou la position géopolitique des pays concernés intéressent.

Rive Nord

A la rive Nord, la Démocratie Représentative s’essouffle, elle atteint ses limites et a besoin de réformer ses fondamentaux.
En Espagne, Portugal, Italie, Grèce, Angleterre, France et pays de l’Est Européen, la Démocratie Représentative, bien que séculaire pour certains de ces pays, n’a pas assuré à ses citoyens le bonheur auquel ils aspirent. Faut-il donc en faire un modèle exportable ?
Les élites politiques qu’ils choisissent pour les gouverner, même par alternance, leur promettent des lendemains qui déchantent. Les horizons pour la jeunesse sont ternes, le chômage augmente (notamment chez les jeunes), le pouvoir d’achat dégringole, le fossé entre les plus riches et les plus démunis se creuse, la pauvreté et la précarité gagnent du terrain (50% des salariés sont au SMIG ou à 10% de plus). Les pauvres ne sont pas moins pauvres et les riches sont et resteront encore plus riches.
Dans le même temps, l’Espérance de Vie à la naissance atteint des niveaux historiques (la fréquence démographique de 4 générations de mâles vivant simultanément atteint le record de tous les temps : Père, fils, petit fils et arrière petit fils conversent ensemble sur les problèmes du moment).
La planète n’a jamais autant produit par habitant que de nos jours, la richesse globale est immense et la misère insidieuse (réelle ou ressentie) l’est autant sinon plus :
500 entreprises multinationales appartenant à 200 familles contrôlent 52% du PIB mondial. La production agricole peut nourrir 12 milliards d’habitants alors qu’avec seulement 7 milliards, on dénombre 1 milliard qui souffrent de faim.
Ne dit-on pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres ? Oui.
Pour le cas d’espèce, le bonheur exubérant des uns fait le malheur accablant et affligeant des autres et engendre des frustrations, très souvent légitimes, sources de rébellion et de révoltes :
Signes ostentatoires de richesse extrême (Bling-Bling, Porsche, Yacht, loyer..), jouxta position de résidences extra luxueuses et de bidonvilles sans eau ni assainissement, le face à face de la faim et de l’extravagance de dépenses culinaires gargantuesques, le labeur suintant des uns et l’oisiveté hallucinante des autres…

Les gouvernements sont devenus otages des puissances financières

Syndrome de Stockholm, les gouvernements enfilent la robe de l’avocat pour défendre, mordicus, la pérennité du modèle d’accumulation des richesses au profit d’une minorité :
Que n’a-t-on injecté de capitaux pour sauver le système bancaire (ou certaines entreprises comme Ford) en ruine ou en déroute ?
Que n’a-t-on infligé de sacrifices et de souffrances aux classes modestes ou moyennes sous prétexte qu’il faut assurer les équilibres budgétaires en « dégraissant » les dépenses de l’Etat (moins de salariés dans les secteurs publics et assimilés, plus de contributions pour l’accès aux services essentiels de base,…) ?
Au Maroc, lecture rapide :
Pour faire court, la main de fer, la chape de plomb, les excès et atteintes aux droits de l’homme, inacceptables, horribles, dénoncés, condamnables et condamnés, ont fait perdre au Maroc un temps précieux.
Ils étaient le résultat de deux paires d’égos hypertrophiés (domestiques et exogènes) aussi exacerbés et aigus les un que les autres. Les historiens font et/ou feront la part des responsabilités.
Au lendemain de l’indépendance, le multipartisme –consacré par la constitution de 1962- était la réponse la plus juste et visionnaire aux tendances innées et congénitales du parti dominant et de ses dérivées.
Pendant que le paysage politique se développe, les partis de « l’indépendance » engagent avec les autres et surtout avec l’Etat un conflit de légitimité en la revendiquant exclusivement pour eux.
Là encore, les historiens sauront relever et rappeler la position du parti dominant à l’égard du jeune parti né d’une scission ( الاتحاد الوثني) et celle des deux à l’égard du Mouvement Populaire, du FDIC, du MPDC (ancêtre du PD) et, plus tard, du RNI de l’UC puis du PAM –partis du pouvoir ?! disent-ils-. De qui sont-ils, eux, les partis ?
Depuis plus de 10 ans, le Maroc a évolué à un rythme plus accéléré que pendant les 40 ans qui ont précédé :
Lancement des grands chantiers structurants, Instance Equité et Réconciliation, Analyse du bilan économique et social du pays sur un demi siècle, Code de la Famille, Assurance Maladie Obligatoire (AMO), Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), Politique de proximité : plusieurs membres du gouvernement n’ont découvert pour la première fois certaines régions du Maroc que parce qu’ils y sont contraints, ayant accompagné le ROI, Elargissement des espaces de liberté, Promotion des Droits de l’Homme, Développement de l’espace Associatif, Gestion pédagogique des formes diverses de manifestation et de revendication.
Pendant ce temps, les élites des partis au pouvoir depuis 1998 s’affichent en spectateurs, dopés par les postes ministériels ou/et par les mandats électifs qu’ils occupent et par les avantages qui vont avec (et dont ils profitent sans pudeur ni retenue, exacerbant de ce fait le rejet populaire).
Le népotisme dépasse toutes les limites, les détournements de fonds publics sont devenus monnaie courante (Cf. les rapports de la Cour des Comptes) : CNSS, CIH, Collectivités territoriales, Départements Ministériels, Etablissements publics … le gestionnaire honnête devient le mouton noir du troupeau.
Le point de selle était l’échéance électorale de 2002 confirmée par celle de septembre 2007 :
En 2002, une seule phrase résume tout : أمولا نوبة = à qui le tour ? Qui avait dit ça ? Qui a torpillé le processus démocratique en le disant, et en contestant, de fait, la primature au parti arrivé en tête des élections ?
Le paysage politique marocain est usé, désuet, amorti, les institutions syndicales essoufflées, le sont aussi, les partis (une trentaine) ont failli à leur mission constitutionnelle d’encadrement des citoyens, la politique a perdu de sa crédibilité. Echéance après échéance, les électeurs boudent les urnes :
37% de participation aux élections législatives en 2007 (48% en 2002), 30% de suffrages exprimés.
Les partis formant la coalition gouvernementale issue de ces élections ne représentent que 11% du nombre d’inscrits sur les listes électorales, lesquels font 7/10eme des citoyens âgés de 18 ans et plus.
Conséquence : près de 90% des électeurs ne se reconnaissent pas dans l’équipe qui les gouverne (soit parce qu’ils ne se sont pas déplacés aux bureaux de vote, soit qu’ils ont mis un bulletin nul dans l’urne soit qu’ils ont voté pour les partis dans l’opposition).
Le gouvernement issu de ces élections est impopulaire et illégitime. Il ne représente RIEN.
C’est dans ce contexte que le Mouvement pour Tous les Démocrates (MTD) est créé et que le Parti Authenticité et Modernité (PAM) est né. Tel un cèdre, le PAM a poussé au milieu du fumier du paysage politique marocain au lendemain des échéances de 2007.
Les Partis qui l’attaquent ne sont pas plus effrayés par le PAM que terrorisés par leur propre médiocrité, par leur incapacité à se faire entendre des électeurs, par la faillite à laquelle ils sont confrontés suite à la vacuité de leurs discours et à leur compromission et complaisance avec le pouvoir, des décennies durant : jamais certains partis n’avaient dénoncé Tazmamart, Mgouna, Agdez, PF3, Derb My Chrif…, ni les violations des droits de l’homme, alors qu’ils étaient toujours au parlement et par intermittence au gouvernement….

Qu’auraient fait ces partis si le PAM n’a pas été créé ?

Grâce au PAM, ils sont réveillés, par miracle, de leur coma éthylique profond (élixir du pouvoir). Ils se sont interrogés sur ce qu’ils sont devenus, ne veulent pas faire leur autocritique ni reconnaître leurs échecs et refusent de s’investir dans ce qui pourrait servir le pays, à savoir la mise à jour de leurs référentiels, de leurs instances dirigeantes et de leurs visions de l’avenir dans l’espace de modernité et de mondialisation.
Ils s’insurgent à l’égard du médecin réanimateur qui les a sauvés d’une extinction finale et appellent à le tuer.

Politique Bio ou Biopolitique

Au moment où tous les espaces sont pollués, la politique l’est aussi. Peut être l’a-t-elle été bien avant et a contaminé les autres milieux ?
La pratique politique doit être expurgée de tous les artifices qui la dénaturent, débarrassée des intrigues de cour, des alliances contre nature, de la transhumance, des techniques de dopage, du détournement de voix, de l’usage de l’argent pour acheter les électeurs …. La politique doit être exfiltrée des incompétents qui, arrivés au parlement souvent avec des membres de leurs familles, portent préjudice à nos institutions représentatives et à notre pays.
Elle doit être axée sur la capacité à argumenter et convaincre pour un programme réaliste qui répond aux besoins des citoyens et qui procède d’une vision sociétale ancrée dans l’histoire authentique, mise en perspective de la modernité et en pro activité avec la mondialisation.
Faire la politique autrement implique le ferme engagement des femmes et des hommes dévoués au service public, profondément démocrates, honnêtes et compétents.
Dans tous les pays les partis sont jeunes ou se rajeunissent. Ils s’adaptent à l’air du temps par le renouvellement de leurs élites dirigeantes, par la mise à jour de leurs discours et par l’adoption de programmes réalistes et adaptés aux besoins pressants de la population dans le cadre de politiques publiques soumises au vote et au contrôle du Parlement.
La moyenne d’âge des dirigeants de pays développés est comprise entre 45 et 55 ans, dans les pays en voie de développement ou moins avancés, elle se situe à plus de 70 ans.
La littérature dont nous abreuvent les partis marocains issus de l’indépendance nous ramène toujours aux années cinquante (15% de la population actuelle du Maroc est née avant 1960). Ce n’est pas en regardant tout le temps le rétroviseur qu’on pilote correctement une voiture.
Littérature passéiste, elle nous détourne des problématiques de notre temps : Emploi, niveau de vie, pouvoir d’achat, scolarisation, santé, intégration de la jeunesse et du genre, réduction des inégalités, lutte contre la pauvreté, reconnaissance de notre identité, préservation de l’environnement…

De la réforme constitutionnelle

Dans la région MENA, au Maroc, le discours du ROI le 9 mars 2011 est révolutionnaire. A l’extérieur, les pays amis l’ont salué, à l’intérieur, aucun parti ne pouvait espérer aller au-delà du cadre proposé par le ROI.
En plus des sept champs de réformes indiqués, le ROI a demandé dans son discours d’innover et d’explorer toutes les voies qui pourraient porter le Royaume du Maroc au devant des pays démocratiques. Le ROI lance un véritable défi aux acteurs politiques, syndicaux, professionnels, associatifs et groupements de jeunes. Il n’y a aucun tabou. Une alternative hautement civilisée est proposée, au lieu du chao auquel d’aucun espère qu’on s’engouffre.
Dans quelques jours, le projet de la nouvelle Constitution sera connu, les partis, les acteurs associatifs et les jeunes (et les extrémistes islamistes ?!) définiront leurs positions et la campagne référendaire sera ouverte :
Expliquer à l’électeur ce qu’est la constitution (notamment auprès des couches populaires, des jeunes et des femmes, surtout dans le milieu rural et de montagnes), quelle est la différence entre le projet soumis au référendum et la constitution qui le précède, quelle comparaison avec les constitutions de certains pays démocratiques, que signifie la « monarchie constitutionnelle démocratique et sociale » versus la « monarchie parlementaire », expliquer les droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus, la signification de la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, le conseil de gouvernement et le conseil des ministres, le premier ministre, la régionalisation et le statut d’autonomie des provinces du sud … ; c’est un véritable « patch Works » multi thèmes grandeur nature et extravagant auquel il faut se préparer.
La mobilisation des électeurs exige une grande capacité de communication et de vulgarisation, des acteurs honnêtes, sincères et convaincants et demande des moyens y compris pour les acteurs qui feront campagne pour le « non ».
Sur les 13,5 millions d’inscrits (au moment où 19,5 sont en âge de s’inscrire) il faut qu’au moins 10 millions participent à la consultation et, espérons, qu’une majorité écrasante vote utile et en connaissance de cause.

La suite ? Oui, la suite. A chaque jour suffit sa peine.

Omar Chiban
Statisticien économiste
Membre du Conseil National du Parti Authenticité et Modernité (PAM)
Acteur Associatif

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