Soudan: la police disperse une nouvelle marche vers la présidence

Des centaines de manifestants ont été empêchés de marcher vers la présidence par la police, qui a fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser, jeudi, lors d’une nouvelle journée de rassemblements au Soudan contre le chef de l’Etat, Omar el-Béchir.

Depuis le 19 décembre, le Soudan est secoué par un mouvement de contestation déclenché par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, dans un pays en plein marasme économique.

Les manifestations –rythmées par le principal slogan "liberté, paix et justice"– ont fait l’objet d’une répression gouvernementale condamnée à l’international, notamment par les Etats-Unis, qui ont averti le Soudan que cela pourrait entraver la reprise de leurs relations diplomatiques.

Selon de nombreux observateurs, le mouvement, qui a fait tâche d’huile dans le pays, est devenu le plus grand défi posé au président depuis son arrivée par un coup d’Etat soutenu par les islamistes en 1989.

Vingt-six personnes sont mortes dans le cadre de cette contestation, dont deux membres des forces de sécurité, selon un bilan officiel. Des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International ont évoqué 40 morts dont des enfants et du personnel médical, accusant les forces de l’ordre d’en être responsables.

L’Association des professionnels soudanais, qui mène la contestation, a fait monter la pression sur le président Béchir en appelant à manifester dans tout le pays jeudi, notamment à Khartoum et dans la ville voisine d’Omdourman, où des rassemblements ont lieu quasi quotidiennement.

"Nous appelons notre peuple à se rassembler en 17 endroits à Khartoum et Omdourman et à marcher vers le palais présidentiel", avait affirmé dans un communiqué l’association qui regroupe les syndicats des médecins, enseignants et ingénieurs.

"Battons-nous"

Des centaines de manifestants ont commencé à se rassembler en répétant "liberté" et "révolution" dans le quartier Buri, dans l’est de Khartoum, mais selon des témoins, les forces anti-émeutes ont tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser.

Des hommes et des femmes criaient "mourons en martyrs ou battons-nous pour nos droits" dans les rues, ont affirmé des témoins.

Des manifestants ont bloqué les rues menant au quartier à l’aide de troncs d’arbre, de barres de fer, de pierres et de pneus enflammés, provoquant un nuage de fumée.

Selon un manifestant, la police a "moins fait usage de la force" que précédemment.

Ces dernières semaines, plusieurs tentatives des manifestants pour rejoindre le palais présidentiel avaient déjà été empêchées par des tirs de gaz lacrymogènes.

Omar el-Béchir, 75 ans, a refusé de démissionner et a imputé les violences liées à la contestation à des "conspirateurs".

A Khartoum, plusieurs entreprises et magasins ont demandé à leurs employés de partir avant le début des manifestations tandis que dans beaucoup d’écoles, de nombreux élèves étaient absents.
"Enquête crédible"

Les forces anti-émeutes ont également tiré des gaz lacrymogènes à Omdourman et plusieurs rassemblements ont été signalés par des témoins dans les États d’Al-Jazeera (centre) et de Gedaref (sud-est), à Port-Soudan, ou encore dans des villages le long de l’autoroute entre Khartoum et Wad Madani, au sud de la capitale.

Les premières manifestations ont eu eu lieu en décembre à Atbara (250 km au nord de Khartoum) ainsi que dans d’autres localités de province.

Mercredi soir, à Port-Soudan, un agent de sécurité du puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) –qui mène la répression du mouvement– a été tué dans des affrontements avec un groupe de soldats, a indiqué jeudi la police.

Les raisons de l’affrontement ne sont pas connues mais la police a déclaré que les chefs des deux groupes étaient intervenus pour y mettre fin et que la situation était "sous contrôle".

Le NISS a arrêté en près d’un mois des dizaines de leaders de l’opposition, de militants et de journalistes.

Mercredi, les Etats-Unis ont appelé le Soudan à libérer les militants détenus et à une "enquête crédible et indépendante sur les morts et les blessés parmi les manifestants".

Pour le président soudanais, les Etats-Unis sont à l’origine des difficultés économiques en raison d’un sévère embargo, imposé pendant 20 ans (1997-2017), qui interdisait au Soudan de mener des activités commerciales et des transactions financières à l’international.

Au-delà de la baisse des subventions du pain, le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, fait face à un grave déficit en devises étrangères.

Les habitants sont confrontés à des pénuries régulières d’aliments et de carburants, tandis que les prix de certaines denrées subissent une forte inflation.

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