Sortie en France de « Moulay Hicham, itinéraire d’une ambition démesurée » : Ali Amar déconstruit le mythe du prince dit « rouge »

La sortie en France cette semaine du livre Ali Amar consacré au prince Moulay Hicham, cousin germain du roi Mohammed VI, est un événement en soi. Parce qu’Ali Amar n’est pas n’importe qui. Celui qui dirigeait la rédaction du « Journal hebdomadaire » a connu et appartenu des années durant au cercle intime du prince « rouge », connu aussi sous le sobriquet de « Philippe Egalité » du Maroc.

Par Hasna Daoudi

L’auteur de « Moulay Hicham, itinéraire d’une ambition démesurée » (Ed Pierre-Guillaume Roux ) précise ainsi d’emblée avoir fait partie des réseaux du prince comme d’autres journalistes marocains et étrangers. « Cet ouvrage est le fruit d’une enquête minutieuse au cœur du réseau que son Altesse a tissé tout au long de ces dernières années, recrutant par l’argent et les promesses non tenues un aréopage de fidèles et de courtisans qui l’ont servi aveuglément dans son entreprise », assure-t-il.

Et quelle entreprise ! Celle de se positionner « comme alternative désignée au roi ». Une ambition qui sous-tend une révolution du palais dont il rêverait d’être le grand bénéficiaire, voulant devenir « calife à la place du calife », écrit Ali Amar.

Dans cette enquête fouillée, l’auteur ne s’en cache pas. Son but est de « mettre en lumière le vrai visage » de celui qui est connu comme le « prince rouge » mais qui se révèle être plutôt prêt à tout pour se placer, aux yeux de l’opinion publique internationale, en compétiteur du roi Mohammed VI . « Si beaucoup l’ont aujourd’hui désavoué, à commencer par le grand public et par les premiers séduits –dont, hélas, je suis- des membres de l’escorte qu’il s’est constituée, nombreux sont ceux qui continuent de le couvrir, par intérêt ou par crainte. Il n’est donc que trop urgent de montrer que, derrière l’image d’un prince moderne et réformateur, se cache un homme obscur et manipulateur» à l’ambition démesurée.

Pour Ali Amar, les courtisans du prince n’ont jamais considéré à sa juste valeur l’énorme importance de son caractère personnel et sa fixation pathologique sur son cousin, le roi Mohammed VI. Celui qui hérita du sobriquet « Philippe Egalité du Maroc », nom donné au Duc d’Orléans qui soutint la Révolution dan l’espoir qu’elle l’appellerait à remplacer son cousin Louis XVI mais finit quelques mois plus tard sur l’échafaud, « se disait meurtri de ne pas avoir été choisi par le destin » et se présentait comme le « véritable héritier du trône du Maroc ».

Selon l’auteur du livre, « Pour se convaincre que l’opposition du prince à la monarchie doit peu à la raison et beaucoup à son tempérament, il suffit de se pencher sur sa réaction lorsque la coopération juridique entre Rabat et paris a été rétablie, après la crise de plus d’un an que Moulay Hicham avait contribué à faire croitre dans les milieux journalistiques», entre autres avec l’affaire Adil Lamtalsi, condamné pour trafic de drogue, et celle de l’ex-boxeur Zakaria Moumni, condamné pour escroquerie. Tous deux prétendent avoir été torturés par Abdellatif Hammouchi, patron de la DGST.

« Au lieu de partager le soulagement bien logique des autres acteurs, le prince a été submergé par une rage qui l’a poussé à griffonner une missive à l’adresse du roi du Maroc », diffusée sur Twitter, et qui, « curieusement, est un terrible aveu de ses intentions car il y reconnait implicitement qu’il a toujours été derrière ceux qui, durant toute cette année de gel, ont alimenté la crise contre le Maroc et la France.»
Ces affaires largement relayées par la presse ont à nouveau été l’occasion de voir Moulay Hicham faire la une des journaux pour fustiger les autorités marocaines sur les plateaux des télévisions françaises, souligne l’auteur, notant que dans le collimateur du prince se trouve le nouvel homme fort des services de renseignement marocains, Abdellatif Hammouchi, qu’il ne connaît pas, mais qu’il désigne à la vindicte publique et sans le recul nécessaire au moment où se noue la crise franco-marocaine.

Selon Ali Amar, « Attaquer Hammouchi équivalait pour lui à assurer à l’opinion internationale que Mohammed VI avait son nouvel homme lige, aussi terrible que ses plus anciens prédécesseurs ». « Du pain béni pour la presse française qui devait en tirer alors un portrait peu flatteur sur la seule base des assertions de ses accusateurs, et du zèle peu commun d’un appareil judiciaire qui a fait fi des usages diplomatiques », relève l’auteur du livre.

Dans ce portrait, l’auteur évoque aussi la face sombre d’un prince affairiste et relate preuves à l’appui ses activités de lobbying dans le domaine notamment de l’armement. Au Kosovo à la fin des années 1990, le prince a joué les intermédiaires entre des fabricants d’armes, certains pays du Golfe et des belligérants, racone Ali Amar. « Une affaire qui a ruiné sa réputation à l’Onu alors qu’il avait frappé à la porte du Secrétaire général pour participer en tant que missionnaire pour la paix », selon l’auteur. « Rien n’est trop prohibé pour satisfaire les caprices du prince qui, en businessman invétéré, recherche avant tout les moyens de faire des affaires logées dans des paradis fiscaux», note encore Ali Amar

Extraits du livre:

Héritier Hassan II

"Dans cette adoption de fait, celui qui s’est longtemps présenté comme le « prince rouge » ancre une ambition bien monarchique, celle d’apparaître comme le dépositaire légitime du pouvoir qui fut celui de son oncle ; cette volonté transparaît constamment en filigrane dans la façon dont il met en scène ses liens familiaux." (27)

Aspect psychologique

"De santé fragile, le petit Moulay Hicham a été victime dès sa petite enfance d’un mal psychologique qui l’a souvent mis en quarantaine loin des activités princières du sérail. De quoi cultiver, très tôt, sa différence avec cependant une propension à vouloir se mesurer au prince héritier".
"Il faut dire que, en plus d’être fragile, le prince était rieur, blagueur, mais avec un excès qui s’est très vite révélé comme un problème affectant son comportement. Il était tantôt neurasthénique, tantôt survolté. Cela cachait chez lui un profond sentiment de compétition, mais le souci était que cette compétition n’était pas une émulation à la loyale avec ses cousins", témoigne un de ses anciens précepteurs. "Même si Moulay Hicham était alerte et vif c’est lui qui s’adonna très tôt à cette comparaison maladive avec le prince héritier."
(38-39)

Les affaires

Cette affaire, tenue jusqu’ici secrète, lui avait valu bien des soucis. « La guerre des Balkans n’était pas encore éteinte entre les différentes nations de l’ex-Yougoslavie et le prince censé épauler Bernard Kouchner dans sa mission de paix opérait en secret pour faire acheminer des armes depuis le Moyen-Orient », confirme un de ses anciens amis. (105)

Le Business

"Le cabinet Python & Peter Associés est connu pour gérer dans la plus grande discrétion les affaires sensibles d’arbitrage entre États (Iran et Israël par exemple) et entre multinationales aux dents longues. Mais lorsqu’il est solli cité par de grosses fortunes étrangères, c’est dans un but bien précis. Celui d’échapper au régime fiscal de leur pays de résidence. On le sait, Moulay Hicham a quitté le Maroc en 2002 pour s’établir aux États-Unis. « Pour éviter la critique, il s’est ingénié à inventer des histoires grotesques pour ne pas investir un sou dans le royaume", lui reproche-t-on. » (101)

A propos de l’affaire (canular) de l’anthrax en 2001

" De fait, au Maroc, les autorités ont eu à cœur d’éclaircir l’affaire, et après une enquête de police, un certain Hicham Qadiri, auteur de la mauvaise farce, écopera d’une peine de huit mois de prison, dont il ne purgera d’ailleurs qu’un seul. Mais ce que le procès ne révèle pas, c’est que Qadiri a agi sur ordre : le prince avouera plus tard aux dirigeants du Journal hebdomadaire , qu’il s’agissait d’un canular dont il était l’instigateur." (60)

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