« Seul face à une armée »: les déclarations de Carlos Ghosn

Voici les principaux extraits des réponses de Carlos Ghosn, interrogé jeudi par l’AFP et Les Echos dans un parloir du centre de détention de Kosuge à Tokyo, prison où il est retenu depuis le 19 novembre.

Il répondait pour la première fois, en anglais, à des journalistes de médias non-japonais.

"Horreurs"

"Le 19 novembre, je suis arrêté et, depuis, je suis soumis à des conditions très sévères face à une armée de gens qui ne cessent de me jeter des horreurs à la tête."

"Il y a non seulement les allégations des procureurs, mais également celles de Nissan. Ils prennent beaucoup de faits hors de leur contexte, c’est une distorsion de la réalité pour détruire ma réputation."

"Chez Nissan, il y a beaucoup de gens dont le rôle est discutable, étrange. C’est très surprenant, alors qu’on me refuse tout droit de me défendre. Je parle d’équité."

"J’aime le Japon, j’aime Nissan, j’ai consacré tant d’années à relancer l’entreprise, à la reconstruire, à la transformer. Je n’ai rien contre la compagnie."

"Comment puis-je me défendre ?"

"Je suis concentré, je veux me battre pour rétablir ma réputation et me défendre contre de fausses accusations. On m’a refusé la libération sous caution, ça n’arriverait dans aucune autre démocratie."

"J’ai fait tout ce que je pouvais pour montrer que je n’allais pas m’enfuir et pour les rassurer sur le fait que je ne détruirai aucune preuve."

"J"ai face à moi une armée chez Nissan, des centaines de personnes se consacrent à cette affaire, 70 au bureau du procureur et je suis en prison depuis plus de 70 jours. Je n’ai pas de téléphone, pas d’ordinateur, mais comment puis-je me défendre ?"

"Soif d’air frais"

"Ne sous-estimons pas les conditions dans lesquelles je suis. Quand je dors la nuit, j’ai une lumière en permanence. Je n’ai pas de montre, plus la notion du temps. Je n’ai que 30 minutes (par jour) pour aller dehors sur le toit, j’ai une soif d’air frais. Oui je suis fort mais, évidemment, je suis fatigué."

"La chose la plus dure est que je ne peux pas parler à ma famille. Depuis le 19 novembre, je n’ai même pas pu appeler ma femme Carole, ni mes enfants. Ma fille aînée a eu 29 ans et je n’ai même pas pu lui souhaiter un joyeux anniversaire. C’est la première fois que ça arrive. C’est très difficile. Pourquoi suis-je puni avant d’être reconnu coupable ? De toute évidence, je suis extrêmement défavorisé."

"Affaire de trahison"

"Est-ce un complot, aucun piège ? Il n’y a aucun doute là-dessus. C’est une affaire de trahison. Et il a plusieurs raisons pour cela. Il y avait beaucoup d’opposition et d’anxiété sur le projet d’intégrer les compagnies (Nissan, Renault, Mitsubishi Motors)."

"J’avais dit à Hiroto Saikawa (patron de Nissan): si je faisais un autre mandat (à la tête de l’alliance), nous allions devoir travailler beaucoup plus sur l’intégration. Nous en avons beaucoup parlé au début de l’année (2018), puis les discussions ont ralenti entre juillet et septembre, avant de reprendre."

"L’objectif était clair et il y avait des résistances dès le début, mais quelles sont les options pour assurer la stabilité de l’alliance ?"

Le déclin de Nissan

"Le scénario consistait à créer une société holding qui contrôlerait les trois entités (Nissan, Renault, Mitsubishi Motors) et détiendrait toutes les actions, tout en préservant l’autonomie de chaque groupe."

"Mais (ce schéma) devait reposer sur des performances fortes et solides de chaque entreprise. Or, les performances de Nissan ont diminué au cours des deux dernières années. Quand vous regardez la tendance de Renault, quand vous regardez la tendance de Mitsubishi, quand vous regardez la tendance de Nissan, vous voyez qu’il y a un problème. Je ne m’y attendais pas, mais cela a conduit à la trahison actuelle."

A la question : "Avait-il prévu de limoger M. Saikawa?" Il répond : "Ce n’est pas une question de personne, mais quand la performance d’une entreprise baisse, aucun PDG n’est immunisé contre un limogeage. Personne ne peut y échapper. C’est la règle dans toute entreprise. Il n’y a aucune exception."

"Fier" de Renault

"Il n’était pas possible de maintenir Renault dans une situation de gouvernance temporaire. Alors, quand j’ai appris que ma demande de liberté sous caution était refusée, j’ai décidé de démissionner, mais j’aurais voulu avoir la possibilité de me présenter devant le conseil d’administration de Renault."

"Je suis fier d’avoir dirigé la société de 2005 à 2018 pour l’aider à se transformer (en un groupe si fort) en termes de croissance, de rentabilité, de qualité des produits et de technologies. Les résultats financiers de Renault (pour l’an dernier) vont être remarquables."

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