Sale temps pour les militaires arabes

par Mustapha Tossa

A voir l’actualité qui s’affole dans le monde arabe ces deniers temps, force est de constater que les militaires dans certains pays passent une très mauvaise séquence. Leurs présences au pouvoir sont interpellées. Leur efficacité est interrogée et leur leadership au pouvoir est politiquement remis en cause. Tapies dans l’ombre pendant des décennies en train de gérer une rente d’une main de fer, de fabriquer des paravents politiques aux effets illusoires, ces militaires ont été brusquement soumis à la lumière grâce à des contestations populaires dont les frustrations sociales ont été les principales carburant.

De l’Égypte au Soudan en passant par la Libye et l’Algérie, l’institution militaire, grande muette par pratique politique, est sommée d’être bavarde et en première ligne, là où elle a longtemps pratiqué le pouvoir par conclave secret, interdits aux non initiées. Quatre expériences nous offrent donc un panorama de militaires au pouvoir où qui aspirent à le prendre en déshérence totale à la recherche de la potion magique pour s’y maintenir sous d’autres formes et d’y reproduire le modèle tant honni par les populations.

D’abord l’Algérie. L’heure de vérité a sonné pour ces militaires qui ont débranché leur chef et donné sa tête aux manifestations de la rue. Depuis, leur nouveau leader, le patron de l’armée et vice-ministre de la Défense Ahmed Gaid Salah tente de convaincre que ces sacrifices consentis par son institution doivent suffire à calmer les frustrations. Le simple déroulé d’un agenda constitutionnel porté par les hommes clefs du système Bouteflika devrait rassurer et mettre fin à cette exigeante de démocratie de plus en plus sonore en Algérie et qui risque à tout moment de déraper dans une incontrôlable violence. Dans le pays de Houari Boumediene, les algériens crient leurs ras le bol de la mainmise historique des militaires sur les leviers du pouvoir. Ils veulent que l’armée regagne ses casernes et cessent de se mêler du politique. Malgré toutes les dénégations, cette armée affronte une de ses pires séquences. Elle doit laisser le pouvoir aux civiles et recentrer ses missions sur la protection du territoire et non sur la fabrication d’une élite politique et économique qui érigent la corruption et le népotisme en mode de gouvernement et en sytème de valeurs.

Sale temps pour les militaires au Soudan aussi. Après trente ans d’un pouvoir sanglant et cinq mois de manifestations parfois violente, l’armée soudanaise a fini par déposer le chef de l’Etat, Omar Hassan El Bachir, un homme réclamé depuis des années par la justice internationale Les soudanais sont sortis dans la rue pour réclamer « le pain et la liberté ». La réponse apportée par l’institution militaire est la création d’un conseil militaire qui devra gérer un période transitoire de deux. Refus populaire d’une telle potion de la part de soudanais qui maintiennent la pression de la rue. Le Soudan est entré dans une phase délicate où l’armée doit sévir ou se démettre. La pression et les enjeux sont tels qu’aucun pari sur une possible transition pacifique ou une stabilité politique ne peut se faire. Tant demeure l’incertitude sur le devenir de ce pays dont américains et européens ont réclamé en urgence une réunion du conseil de sécurité.

Une autre militaire dans un autre pays arabe a voulu créer l’événement en marchant sur la capitale libyenne Tripoli. Il s’agit du Général Khalifa Haftar, l’autre homme fort du pays après Fayez Al Sarraj, président du gouvernement d’union nationale adoubé par les nations unies. Khalifa Haftar est perçu par ses adversaires comme l’homme qui veut restaurer au pouvoir le régime de Mouammar Khadafi. Lui justifie sa marche sur la capitale par une volonté de nettoyer le pays des mouvements raciaux islamistes. Cause qui semble séduire Paris dont la diplomatie s’est mise dans une situation embarrassante en donnant l’impression de bénir sa démarche qui vide de toutes sa substance le tentative des nations unies de trouver une solution politique à la crise libyenne.

Khalifa Haftar a un modèle dans la région. Il veut marcher sur les pas d’un autre maréchal, l’égyptien Abdelfatah Sissi, devenu président de la république après avoir déposé le président Frère Musulman élu Mohamed Morsi. Abdelfattah Sissi est connu pour avoir installé l’armée égyptienne dans la politique et l’économie du pays. Il est si friand de ce pouvoir qu’il s’est taillé sur mesure une réforme constitutionnelle pour pouvoir bénéficier de deux mandats supplémentaires et rester à la tête de l’Égypte ad vitam aeternam.

Ce que certains ont décrit comme la seconde vague du « printemps arabe », il ressort un refus manifeste des appareils militaires dénoncés comme responsable de la paralysie politique et de la gabegie économique que vient certains pays. Ces consternations interviennent dans un contexte économique tendu marqué par une difficulté de plus en plus imposante de continuer à financer la paix sociale et à garantir des équilibres en trompe l’œil. Plus que jamais devant une soif de démocratie et de justice dans cet espace arabe, le rôle des armées est mis sur la sellette ainsi que leur capacité à continuer à gérer la pénurie.

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