Renault: les grands chantiers de la nouvelle direction

Ventes record, bonne santé financière: Renault réserve pourtant à sa nouvelle direction, qui va prendre jeudi la suite de Carlos Ghosn, des défis de taille.

– Pacifier en interne

La crise initiée par l’incarcération de Carlos Ghosn au Japon a révélé un problème de confiance entre les partenaires de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

La nouvelle direction, en plus d’asseoir sa légitimité, devra éviter une guerre des clans entre anciens du système Ghosn et les "lanceurs d’alertes" japonais, notamment le directeur général de Nissan Hiroto Saikawa, mais aussi les nouveaux qui arriveront dans son sillage.

– Préserver l’Alliance

A plus long terme, la direction aura à réfléchir au futur de la structure de l’Alliance qui repose aujourd’hui sur des participations croisées mais déséquilibrées entre Renault, Nissan et Mitsubishi, afin de la rendre pérenne. Des discussions qui se feront avec l’Etat français, premier actionnaire de Renault avec 15 % du capital et 22 % des droits de vote.

Fusion, rééquilibrage, chaque scénario devra contenter à la fois la partie japonaise, qui supporte difficilement la domination de la partie française, et celle-ci, qui considère avoir sauvé Nissan de la faillite et juge naturelle une participation plus importante.

– Atteindre ses objectifs

La direction devra être au rendez-vous des objectifs du plan stratégique à l’horizon 2022: un chiffre d’affaires à 70 milliards d’euros (contre 58,8 en 2017), une marge opérationnelle à 7 % (contre 6,6 % en 2017), 5 millions de véhicules vendus (contre 3,88 millions en 2018) et plus de 4 milliards d’euros d’économies.

Pour ce faire, Renault devra notamment accroître les synergies avec Nissan pour réduire l’écart de rentabilité entre l’Alliance et Toyota, un groupe de taille équivalente mais beaucoup plus intégré, et mener à bien l’évolution de sa gamme vers des véhicules électriques, connectés, et autonomes.

– Renouer le dialogue social

La nouvelle direction, attendue au tournant par la CGT, devra "privilégier une stratégie industrielle et sociale" selon le syndicat qui demande en outre de la "transparence" sur les "rémunérations des cadres dirigeants" et sur "le fonctionnement de l’entreprise", de son conseil d’administration et de ses "différentes structures".

Après l’ère Ghosn, la CFDT souhaite de son côté "une remise à plat de la gouvernance", un "dialogue social ouvert, plus innovant, plus moderne". Se projetant dans un tandem composé de Jean-Dominique Senard, actuel patron de Michelin, et Thierry Bolloré, adjoint et dauphin désigné de Carlos Ghosn, à la tête de Renault, le délégué CFDT Franck Daoût salue un "bon choix" qui "convient tout à fait", félicitant au passage M. Senard, pour sa "probité". "C’est tout à fait la personnalité qu’il nous faut", a-t-il conclu.

– Dépasser le "dieselgate"

Le scandale, qui a démarré par l’affaire Volkswagen en 2015, s’est étendu à plusieurs autres constructeurs dont Renault, visé depuis janvier 2017 par une information judiciaire du parquet de Paris pour "tromperie sur les qualités substantielles et les contrôles effectués".

Un rapport de la répression des fraudes soupçonnait même le groupe au Losange "d’avoir mis en place des "stratégies frauduleuses" depuis plus de 25 ans pour fausser des tests d’homologation de certains moteurs, des accusations dont le constructeur s’était alors défendu catégoriquement.

Au delà de cette affaire, Renault doit comme ses concurrents s’adapter à la baisse de popularité de cette motorisation qui ne représentait plus que 39 % des ventes en France en 2018 (-8 points sur un an).

Dans son plan 2022, Renault a annoncé réduire son offre diesel de moitié.

– Développer le marché chinois

Le développement commercial en Chine est une priorité de Renault, qui y réalise pour le moment des volumes de ventes peu significatifs, ses filiales Jinbei et Huasong ayant écoulé 165.600 véhicules utilitaires en 2018.

Mais l’Empire du Milieu, où les livraisons de voitures neuves ont reculé en novembre pour le cinquième mois de suite, sur fond de guerre commerciale avec les Etats-Unis, représente un motif d’inquiétude pour tous les grands constructeurs mondiaux.

– Maintenir la production en France

Le développement de Renault ces dernières années s’est appuyé sur la réussite des véhicules "low cost" conçus et fabriqués en Roumanie, mais également assemblés et distribués dans de nombreux pays émergents (Brésil, Russie, Maroc).

Ils ont entraîné la baisse des effectifs des sites français de 70.000 salariés en 2005 à moins de 50.000, pour une production nationale qui a perdu près d’un demi-million de véhicules. Alors que la pérennité de l’implantation industrielle de Renault en France constitue un sujet politique sensible, de nature à justifier le maintien de l’Etat au capital, l’accord de compétitivité signé en 2017 engage l’entreprise à garder ses 11 sites et 8 filiales en France et à leur apporter un volume de production au moins égal à celui de 2016.

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