Réforme du Code du travail en France : El Khomri ne veut pas d’un passage en force

« Le 49.3 n’est ni souhaitable ni nécessaire », a déclaré la ministre, alors qu’elle avait laissé penser que le gouvernement envisageait cette possibilité.

Le gouvernement s’est livré à un délicat exercice de pédagogie lundi en Alsace à propos du projet de loi sur le travail, assurant ne pas vouloir recourir au 49.3 pour faire passer ce texte âprement critiqué à gauche et contre lequel les syndicats appellent à la mobilisation. Après une visite de l’usine Solvay près de Mulhouse, avec ses ministres de l’Économie, Emmanuel Macron, et du Travail, Myriam El Khomri, Manuel Valls a déploré les "bêtises écrites ici ou là" sur le texte. "Non, nous ne remettons pas en cause la durée légale du travail. Non, le CDI n’est pas mis en cause. On continuera bien sûr à majorer les heures supplémentaires. C’est une réforme indispensable", a martelé le Premier ministre après avoir rencontré des apprentis et des salariés ayant bénéficié d’un parcours de mobilité.

Manuel Valls a aussi rappelé que "la méthode de ce texte" était bien le "débat" et la "discussion". Plus nettement encore, Myriam El Khomri a jugé "ni souhaitable ni nécessaire" le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Une mesure qui permet d’engager la responsabilité du gouvernement pour faire adopter un texte sans vote. De récentes déclarations de la ministre avaient au contraire laissé penser que le gouvernement envisageait cette possibilité, déjà utilisée en 2015 pour la loi Macron.

À deux semaines de sa présentation en conseil des ministres, ce texte continue de susciter des réserves, jusqu’au sein du gouvernement. "Il ne faut pas être sourd ni aveugle, on voit bien la montée des objections", a notamment déclaré Ségolène Royal, qui souhaite "trouver le juste équilibre" entre flexibilité et sécurité. Marisol Touraine et Jean-Marc Ayrault ont insisté sur le "dialogue" nécessaire avec les parlementaires. François Hollande lui-même a estimé dimanche depuis Papeete que "le mieux" serait de "trouver une majorité" pour cette réforme plutôt que de recourir au 49.3 sans vote, comme lors de la loi Macron. Du côté syndical, la mobilisation s’organise. La CGT a convié neuf syndicats mardi, afin d’échanger sur "l’analyse de la situation sociale, économique et politique" de la France.

Manuel Valls poursuivra son oeuvre de pédagogie mardi matin sur RTL à la veille de la publication des chiffres du chômage de janvier, les premiers de l’année 2016. "Faisons évoluer le texte et nous aurons la majorité", a prôné lundi matin le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui avait dit dès jeudi qu’il aurait "du mal" à voter ce texte "en l’état".

"Erreur de communication"

La ministre Myriam El Khomri planchera devant le bureau national du parti le 7 mars, deux jours avant le conseil des ministres. Le texte sera discuté à l’Assemblée en avril. Pour Jean-Christophe Cambadélis, "il y a un article, soyons clairs, qui est au coeur de la polémique, c’est l’article 30 bis", qui redéfinit les conditions du licenciement économique. Prédécesseur de Myriam El Khomri, François Rebsamen a pointé "une erreur de communication" sur le 49.3 et souhaite voir modifiés l’article sur le licenciement économique et celui sur les heures supplémentaires. "Ce texte mérite d’être amélioré et s’il est amélioré, je le voterai", a-t-il dit.

Mais à gauche, l’opposition est beaucoup plus virulente. "C’est un gouvernement conservateur, réactionnaire, de droite très, très avancé", a notamment déclaré Jean-Luc Mélenchon pour qui, si cette loi est adoptée, les salariés devront venir au travail avec leur "sac de couchage" faute de temps de repos suffisant. Pour le dirigeant du Parti de gauche, après la révision constitutionnelle déjà très contestée, ce projet de loi "sent la révolution de palais. Peut-être que le vizir Iznogoud (Manuel Valls, NDLR) a monté un nouveau coup" contre François Hollande en cherchant à braquer une nouvelle fois la gauche à quatorze mois de la présidentielle, a-t-il estimé.

Une pétition a été lancée à l’appel de militants syndicaux (CGT) et féministes, dont Caroline de Haas, et syndicaux (CGT), intitulée "Loi Travail : non merci". Lundi à la mi-journée, elle avait recueilli plus de 200 000 signatures.
Mais pour le député PS réformiste Christophe Caresche, "tous les partis sociaux-démocrates en Europe ont fait ce type de réforme, nous n’avons pas à raser les murs, à avoir honte parce que M. Mélenchon nous dénonce comme sociaux-traîtres". À droite, le candidat à la primaire à droite Alain Juppé a jugé le projet gouvernemental "mal préparé", "pas d’inspiration socialiste" et "plutôt d’inspiration libérale".

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