Référendum sans suspense en Egypte pour consolider le pouvoir de Sissi

Les Egyptiens votaient samedi pour un référendum sans suspense sur une révision constitutionnelle devant permettre à Abdel Fattah al-Sissi, président depuis 2014, de prolonger son mandat et de consolider son pouvoir.

M. Sissi a voté au Caire dès l’ouverture des bureaux de vote à 09H00 locales (07H00 GMT), selon la TV nationale qui diffusait en boucle des images du scrutin et d’électeurs favorables aux changements constitutionnels.

Les 62 millions d’Egyptiens convoqués aux urnes ont de samedi à lundi, entre 09H00 à 21H00 locales, pour dire "oui" ou "non" à la réforme constitutionnelle.

Des chants patriotiques étaient diffusés à l’extérieur des bureaux de vote décorés aux couleurs nationales et placés sous protection de la police et de l’armée, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Samedi après-midi, le porte-parole de l’Autorité nationale des élections, Mahmoud Chérif, a précisé lors d’une conférence de presse que "80 organisations (non gouvernementales) suivent le référendum constitutionnel, dont 22 étrangères".

Mohamed Abdel Salam, un électeur cairote de 45 ans, a voté "oui". "Peu m’importe le mandat présidentiel, tant qu’il (le président) est fonctionnel et remplit son rôle… et Sissi a déjà fait beaucoup", a-t-il dit à l’AFP.

Un peu plus loin toutefois, un électeur trentenaire accompagné de collègues a dit à l’AFP sous couvert d’anonymat: "Nous sommes les employés d’une entreprise, on nous a demandé d’aller voter".

Comme observé lors de précédents scrutins en Egypte, des électeurs ont fait l’objet d’incitations à voter.

Près de plusieurs bureaux de vote au Caire, des coupons permettant l’obtention gratuite de denrées alimentaires ont été distribués à des électeurs, une moitié avant, l’autre après avoir voté, a constaté un journaliste de l’AFP.

Les résultats, qui devraient sans surprise être favorables à M. Sissi, seront proclamés le 27 avril au plus tard, a assuré M. Chérif.

Depuis des semaines, des banderoles appellent à voter "oui" à la révision de la Constitution de 2014, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

Le Parlement avait approuvé mardi à une écrasante majorité les amendements, et les dates du référendum avaient été annoncées le lendemain.

M. Sissi a été élu président en 2014, avec 96,9% des voix, un an après avoir renversé le président islamiste élu Mohamed Morsi sur fond de mécontentement populaire. Il a été réélu en 2018, avec 97,08% des voix, sans qu’aucun rival sérieux ne puisse le défier.

La réforme soumise au référendum permet de faire passer le deuxième mandat de M. Sissi de quatre à six ans, portant son terme à 2024. Il pourrait ensuite se représenter en 2024 pour un troisième mandat, ce qui le reconduirait jusqu’en 2030.

Cette série d’amendements "est sans précédent dans l’histoire (moderne) de l’Egypte", estime Mustapha El-Sayyid, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.

Outre la durée du mandat présidentiel, la révision renforce le contrôle du pouvoir judiciaire par l’exécutif et institutionnalise le rôle politique de l’armée. Il prévoit aussi un quota de 25% de femmes au Parlement.

Le cabinet d’analyse Soufan Center avançait jeudi qu’"il n’y avait que peu d’opposition publique aux changements constitutionnels, résultat probable de la nature oppressive du gouvernement".

Samedi, l’ONG Human Rights Watch a appelé l’Egypte à cesser le processus d’amendement de la Constitution, qui ne fait que "consolider le pouvoir autoritaire".

Les ONG et les opposants dénoncent la réforme constitutionnelle, accusant régulièrement M. Sissi de graves violations des droits humains.

Des ONG égyptiennes ont estimé cette semaine que le "climat" politique ne permettait pas la tenue d’un référendum avec des "garanties ne serait-ce que minimales d’impartialité et d’équité".

La consolidation attendue du pouvoir de M. Sissi en Egypte intervient alors qu’au Soudan voisin et en Algérie, des mouvements populaires sont venus à bout, après des mois de contestation, de chefs d’Etat au pouvoir depuis des décennies.

Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 1989 à Khartoum, a été renversé le 11 avril. Abdelaziz Bouteflika, président depuis 1999, a démissionné le 2 avril.

En Egypte, l’opposition à la révision constitutionnelle reste presque exclusivement cantonnée aux réseaux sociaux. L’écrasante majorité des médias relaie le discours des soutiens du président Sissi, diabolisant toutes voix critiques.

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