Réchauffement climatique: +2°C ou +3°C, quelle différence ?

Elévation du niveau des mers, canicules à répétition, disparition d’espèces… parvenir à limiter le réchauffement mondial à +2° plutôt que +3°C fera toute la différence, soulignent les climatologues.

Au Bourget (nord de Paris), les Etats tentent de s’accorder pour limiter l’envolée du thermostat à +2°C par rapport au niveau d’avant la Révolution industrielle, voire +1,5° – un seuil plus sûr pour de nombreux pays mais de plus en plus difficile à tenir et donc à imposer dans les négociations.

Pourquoi 2°C ? L’idée est que, jusqu’à cette limite, le monde peut, pour l’essentiel, s’adapter.

Si rien n’était fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, issues pour l’essentiel de la combustion d’énergies fossiles, le monde filerait vers +5°C en 2100, selon le GIEC. Un saut dans l’inconnu: depuis la dernière époque glaciaire, il y a 20.000 ans, la température mondiale n’a crû que de 5°C !

Mais en l’état des plans de réduction d’émissions publiés par les Etats pour la COP21, la planète, qui a déjà gagné près de +1°C, se dirige encore vers un +3°C prometteur d’impacts dévastateurs. Tout l’enjeu de l’accord consiste à dévier cette trajectoire.

– Elévation du niveau des mers –

Avec un réchauffement à +2°C, le niveau des océans devrait s’élever de 40 cm à la fin du siècle, explique le climatologue Jean Jouzel: "A +3° ce sera 60 cm, et à +4-5° ce sera 80 cm, voire plus, ce qui serait catastrophique parce que là ça ne s’arrêterait plus".

A l’origine du phénomène, la dilatation de l’océan, la fonte des glaciers mais aussi la dégradation des calottes du Groenland et de l’Antarctique, irréversible au-delà d’un certain seuil.

New York, Hong Kong, Shanghai, Bombay… de nombreuses villes sont déjà vouées à être, à long terme, partiellement submergées sous l’effet du déréglement climatique, selon l’institut de recherche américain Climate Central.

A +2°C, la mer couvrira, d’ici quelques centaines voire 2.000 ans, des territoires aujourd’hui peuplés de 280 millions de personnes. Mais à +3°C, le phénomène concernerait plus de 400 millions d’habitants; à +4°C plus de 600 millions, avance cet institut.

– Canicules –

Si le mercure se limite à +2°C , 1,5 milliard de personnes seront chaque année exposées à des vagues de chaleur à compter de 2100, souligne Avoid 2, un consortium britannique d’instituts de recherche. Mais ce nombre passera à 4,5 milliards sous 3°C, et 12 milliards sous 5°C.

Dans un monde à +2°C, une canicule similaire à celle que l’Europe a exceptionnellement connue en 2003 (70.000 morts), se reproduira une année sur quatre, explique M. Jouzel. "Mais dans un monde à 3°, c’est une année sur deux. Et dans un monde à 4-5°, tous les étés seront plus chauds qu’en 2003 !"

– Inondations, stress hydrique –

Quelque 30 millions de personnes seraient chaque année affectées par des inondations d’ici 2100 si l’on montait à +2°. Elles seraient deux fois plus nombreuses sous 3°, estime Avoid 2. D’autres régions connaîtront au contraire des sécheresses chroniques, comme au Sahel déjà aujourd’hui.

Déficit en eau ici, excédent ailleurs. Environ 1,5 milliard de personnes seront en situation de "stress hydrique" à 2°C, 2 milliards à 5°C.


– Crises sanitaires et humanitaires –

Entre 2030 et 2050 déjà, le changement climatique pourrait entraîner près de 250.000 décès supplémentaires par an dont environ 38.000 dus à l’exposition à la chaleur des personnes âgées, 48.000 à la diarrhée, 60.000 au paludisme et 95.000 à la sous-alimentation des enfants, selon l’OMS.

Le déréglement du climat affligera en priorité les populations les plus démunies.

Lutte pour les ressources, menace pour la sécurité alimentaire et la sécurité tout court, c’est un facteur d’instabilité supplémentaire, pouvant contraindre à l’exil de nombreuses populations.

+2°, pour des îles comme Tuvalu ou Kiribati, c’est juste une question de survie.

– Patrimoine en péril –

De la Grande Barrière de corail à la Mer de glace, en passant par Venise ou le Kilimandjaro, des sites majeurs sont menacés ou subissent déjà des impacts s’ajoutant à d’autres, prévient l’UNESCO.

"Si on reste à 2°C, la calotte du Groenland peut fondre, ce qui signifie une élévation de 7 m du niveau de la mer", prévient Jean Jouzel: "Ce sera certes sur un millénaire, peut-être plus, mais de nombreuses villes et leurs richesses patrimoniales seront perdues. C’est un problème éthique, car dans mille ans, les gens seront aussi attachés que nous à l’histoire de notre passé".

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