Rabat accueille un colloque international sur « La Réforme de la Justice au Maroc : Acteurs, enjeux et résultats »

L’Association Adala « pour le droit à un procès équitable » organise les 15 et 16 octobre 2016 à Rabat, en partenariat avec EuroMed Droits, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) et avec le soutien du Fonds européen pour la démocratie, un colloque international sur le thème : « La Réforme de la justice au Maroc : Acteurs, enjeux, et résultats » et une journée d’étude consacrée aux acteurs associatifs sur : « La réforme de la Justice au Maroc ; actions et perspectives »

Par Fouzia Benyoub (à Rabat)

Les travaux du colloque ont débuté avec la participation de représentants des institutions nationales des droits de l’Homme (CNDH), de l’Union européenne, de la Fédération internationale des droits de l’homme, de la Commission internationale de juristes, d’Avocats sans frontières, de la Fondation Friedrich Ebert, d’associations professionnelles de juges et d’avocats, d’associations civiles des droits humains et des femmes, et d’ONG régionales et internationales de défense des droits humains, aux côtés de nombreux experts qui participent au débat sur la réforme du système de justice.

Lors de l’ouverture des travaux, Jamila Sayouri, présidente de Adala a rappelé le contexte national du colloque : « Qui se tient suite à la fin de la première législative issue de la Constitution 2011 et l’ouverture de la législative de 2016, ce qui exige de poser la question du bilan législatif. Le Maroc a adopté la Constitution de 2011 suite à des contraintes politiques, économiques et sociales dans le contexte du printemps arabe, le législateur constitutionnel a pris en considération le choix de confirmer la consolidation de la séparation des pouvoirs, la primauté des conventions internationales, le renforcement de l’indépendance de l’autorité judiciaire, le principe de la non-discrimination, celui de l’égalité du genre, la reconnaissance de la langue Amazigh et la confirmation du rôle de la société civile».

La Constitution de juillet 2011 a en effet ouvert la voie à une telle réforme en prévoyant spécifiquement des dispositions pour la promulgation de nouvelles lois organiques relative au statut des magistrats (article 112) et régissant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (article 116).

« La mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles est le fruit d’un processus structurant, celui du « dialogue national sur la réforme du système judiciaire » et qui a permis de produire, en juillet 2013 une « Charte de la réforme du système judiciaire » qui cristallise le consensus minimum des différents acteurs, sur les enjeux et les solutions clés, relatives à la réforme de la justice » précise les organisateurs.

De ce fait, le colloque constitue un moment fort de suivi, d’évaluation et d’analyse de la politique judiciaire du Royaume et celle établie par la coalition gouvernementale et dirigée par les islamistes du PJD depuis 2011. « L’accent est mis sur l’ensemble de l’arsenal juridique et judiciaire, ses nouveaux éléments, ainsi que sur le processus de mise en œuvre des dispositions constitutionnelles et des engagements pris par le Maroc dans le cadre des conventions internationales relatives à la justice et les droits de l’Homme »

En adoptant des lois organiques et en réformant le système judicaire, le Maroc devra s’inspirer de différents instruments internationaux relatifs à l’indépendance du pouvoir judiciaire et la bonne administration de la justice, en particulier, les Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature de 1985 (les Principes de l’ONU), les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire de 2002 (les Principes de Bangalore), Les Principes Directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du parquet, et le Projet de Principes des Nations Unies sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires.

Trois axes structurent la réflexion des participants au colloque : l’harmonisation de la réforme de la justice avec le droit international des droits de l’Homme ; l’évaluation des réformes de lois en matière de l’égalité de genre et de protection des droits fondamentaux des femmes et l’évaluation de l’implication de la société civile marocaine dans le suivi du processus des réformes.

Parmi les objectifs attendus de cette rencontre internationale :

1. L’évaluation du degré de compatibilité des deux lois organiques 100.13 et 106.13, des deux projets de lois relatifs au Code pénal et au Code de procédure pénale, et du projet de loi 103.13 relatif à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, avec les dispositions du droit international relatif aux droits humains
2. La réflexion sur les actions de plaidoyer à entreprendre dans les prochains mois pour la réforme du système de justice, dans le but de se conformer aux exigences des dispositions constitutionnelles et aux engagements du Maroc vis-à-vis des conventions internationales
3. La poursuite du dialogue sur les réformes en cours au Maroc et de l’évaluation des politiques gouvernementales dans les domaines de la réforme de la justice et de l’égalité des sexes, en partenariat avec la société civile marocaine, régionale et internationale, les organismes gouvernementaux et les représentants de l’Union européenne au Maroc.

Les critiques exprimées pointent le manque d’ambition et d’efficacité du gouvernement sur le plan institutionnel et législatif. « Même les aspects positifs de certaines lois ont fait l’objet d’une lutte acharnée et un débat renouvelé, imposé par l’autorité ministérielle de tutelle, d’une façon inacceptable » déplore Jamila Sayouri

La constitutionnalisation des principes relatifs à la protection des droits fondamentaux et les nouvelles exigences constitutionnelles liées à l’administration de la justice, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, aux droits des justiciables et aux règles de fonctionnement de la justice sont l’aboutissement d’un vaste consensus érigé depuis une vingtaine d’années. Les ONG nationales et internationales, l’Instance équité et réconciliation ont tous contribué, par leurs recommandations et leur plaidoyer à orienter la refonte des politiques publiques au même titre que les recommandations de l’examen périodique universel.

D’autres dynamiques initiées par des coalitions civiles comme le « Tissu civil pour la défense de l’indépendance de la justice » ou par des associations des professionnels de la justice comme le Club des magistrats, ou l’Association des ordres des Avocats du Maroc viennent renforcer l’ensemble des actions nationales en direction du système judiciaire.

Les objectifs étant la consolidation et l’indépendance du pouvoir judiciaire, la moralisation du système de la justice, le renforcement de la protection des droits de l’Homme et des libertés, l’amélioration de l’efficacité et l’efficience de l’appareil judiciaire et la modernisation de l’administration judiciaire.

Les divergences sur la réforme de la justice restent d’actualité. Elles concernent l’indépendance du parquet, le rôle des pouvoirs exécutif et législatif dans la définition de la politique pénale, les rapports institutionnels entre le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et l’autorité gouvernementale chargée de la justice, la portée et les limites de l’exercice de la liberté d’expression et du droit d’association pour les magistrats et les garanties disciplinaires en faveur des magistrats.

Ce colloque est un moment d’analyse, dans la mesure où il présente et met en perspective le processus de mise en œuvre des dispositions constitutionnelles et des engagements conventionnels du Maroc en matière de la justice, notamment depuis 2011. Le colloque apporte un regard évaluatif sur les principaux textes juridiques relatifs à la législation pénale, à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. L’évaluation portera également sur l’harmonisation des textes précités avec le droit international des droits de l’Homme ainsi que sur la mise en œuvre des recommandations de la Charte de la réforme du système judiciaire. En outre l’évaluation prendra en compte les contributions de la société civile aux débats sur la réforme des textes suscités.

Le colloque est suivi d’une journée d’étude, le 16 octobre sur « La Réforme de la Justice au Maroc –Actions et Perspectives », avec la participation des principales associations et ONG, impliquées dans le débat sur la réforme du système judiciaire, afin de :

1. Réfléchir sur le plaidoyer à mener dans les prochains mois, pour une réforme du système judiciaire, à la hauteur des exigences constitutionnelles et des engagements conventionnels du Maroc
2. Discuter de la valeur ajoutée du dialogue national sur les réformes en cours au Maroc impliquant la société civile marocaine, régionale et internationales, les instances gouvernementales et les représentants de l’UE tels que proposés par le contenu et le programme du séminaire.

Ces journées sont organisées par Adala, l’ADFM et EuroMed Droits avec la coopération de l’OMDH, l’AMDH, en coordination avec le Conseil National des droits de l’Homme (CNDH) et l’appui du Fond Européen pour la Démocratie.
Rappelant que l’Union européenne (UE) soutient la réforme du système judiciaire entreprise par le Maroc. Un programme de 75,5 millions d’euros en soutien à la mise en œuvre de la Charte nationale de la réforme de la justice a été lancé en 2015. Ce programme soutient les efforts du royaume visant à améliorer l’accès à la justice et à accroître l’efficacité et l’efficience du système judiciaire.

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