RSF s’inquiète de la « haine du journalisme »

RSF s’inquiète de la « haine du journalisme »

Reporters sans frontières tire la sonnette d’alarme. L’ONG publie mercredi son rapport annuel, et le constat qu’elle dresse est sans appel : la liberté de la presse s’est encore dégradée dans le monde en 2017. Pire, dit-elle, le climat de haine à l’encontre des journalistes, qui a tendance à se développer aux États-Unis et en Europe, est une réelle menace pour les démocraties. Selon le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, 21 pays sont désormais placés en situation « très grave », soit un niveau record. Parmi eux, l’Irak, qui rentre en 2017 dans cette catégorie dans laquelle figurent déjà des pays aux régimes autoritaires comme l’Égypte (161e), la Chine (176e) ou la Corée du Nord, toujours en 180e et dernière position.

Cependant, les discours de haine et les attaques contre la presse ne sont plus l’apanage des États autoritaires, confirme ce rapport. Quatre des plus forts reculs enregistrés cette année concernent des pays européens : la République tchèque, dont le président Milos Zeman s’est présenté lors d’une conférence de presse avec une kalachnikov factice portant l’inscription « pour les journalistes », dégringole de 11 places à la 34e ; la Slovaquie où l’ex-Premier ministre Robert Fico a traité les journalistes de « sales prostituées anti-slovaques » et « simples hyènes idiotes » ; Malte où une journaliste anticorruption a été assassinée chute de 18 places au 65e rang, et la Serbie en perd 10 (77e).

Que se passe-t-il en Europe ?

Les États-Unis de Donald Trump, pays du 1er amendement qui sacralise la liberté d’expression, perdent quant à eux deux places au classement, et tombent au 45e rang. « Ce classement traduit un phénomène malheureusement manifeste, la croissance dans bon nombre de démocraties de l’expression de la haine contre les journalistes, et la libération de cette haine est vraiment dangereuse », résume Christophe Deloire, secrétaire général de l’organisation, interrogé par l’AFP. Un phénomène qui touche selon lui « des démocraties aussi différentes que les Philippines (133e), avec le président Duterte qui prévient qu’être journaliste ne préserve pas des assassinats, qu’en Inde (138e) où des armées de trolls à la solde des partis politiques appellent à la haine des journalistes, ou les États-Unis où Donald Trump les qualifie d’ennemis du peuple, une formule prisée par Staline ».

En outre, RSF s’alarme de la multiplication des violences verbales contre la presse en Europe, où deux journalistes ont été assassinés ces derniers mois (le Tchèque Jan Kuciak et la Maltaise Daphne Caruana Galizia). Si la Norvège maintient son 1er rang au classement, « il y a une inquiétude très forte pour les démocraties européennes », estime Christophe Deloire. « Alors que l’Europe est de loin le continent où la liberté de la presse est la mieux garantie, ce modèle européen s’affaiblit : quatre des cinq plus grandes baisses du classement sont en Europe, la zone dont l’indice global en plus grande dégradation, c’est l’Europe, et l’expression de la haine mène in fine à des violences physiques », dénonce-t-il.

Mediabashing et politique

La France ne fait pas exception. Bien qu’elle progresse de six places, au 33e rang, un mouvement lié principalement au recul de plusieurs pays voisins, RSF y relève que « le mediabashing, ou le dénigrement systématique de la profession par certains leaders politiques, a connu son paroxysme pendant la campagne électorale de 2017 », et que « certains responsables continuent d’utiliser cette rhétorique pour attaquer les journalistes quand ils sont mis en difficulté », à l’instar du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, qui a écrit récemment que « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine ».

Pour RSF, ce climat délétère envers la presse sape l’un des fondements essentiels des démocraties. « Ceux qui récusent la légitimité des journalistes jouent avec un feu politique extrêmement dangereux. Les démocraties ne meurent pas que par des coups d’État, mais elles peuvent mourir aussi à petit feu, et l’une des premières bûches, c’est généralement la haine envers les journalistes », prévient Christophe Deloire.

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