Qui sera le Mitterrand de la nouvelle gauche ?

La démission d’Emmanuel Macron et le lancement de l’élaboration de son projet, me paraissent être le ou un signal de clôture d’un cycle politique à gauche, et, en même temps, de l’ouverture d’un nouveau cycle ? Fin du cycle Mitterrand-Epinay ! Début d’un nouveau « socialisme » ou « progressisme », d’une nouvelle gauche. Sans avoir la prétention d’être un politologue ! Simplement comme je l’ai ressenti, et, en partie, vécue !

Par Jean Matouk*

Avant la primaire socialiste de 2011

Rappelons d’abord la situation politique au moment de la primaire socialiste de 2011 dont François Hollande sort vainqueur. Son électorat potentiel est formé de ce qui reste des Communistes ( 3%), d’écologistes (4%-5% au mieux) rameutés un peu vicieusement par Martine Aubry, au prix d’un nombre, inespéré pour eux, de circonscriptions, et d’une masse d’électeurs socialistes dont une majorité que je dénommerais « canal-historique ». Ceux, justement, qui avaient été réunis, par François Mitterrand en, de 1971 à 1981, autour de l’Union de la Gauche (avec un PC à 20%), de l’usage systématique de la dépense publique pour vaincre le chômage, de l’impôt pour la financer et corriger les inégalités, et d’avantages sociaux comme la cinquième semaine de congés payés ou les trente-cinq heures. Sans aucun souci de l’entreprise et de sa compétitivité considérée encore aujourd’hui, par certains, comme un gros mot. François Mitterrand avait des amis entrepreneurs. Pierre Beregovoy rendit de la compétitivité à nos banques. Mais rien pour les PME !

Ils avaient été rassemblés une nouvelle fois, sous le terme de « Gauche plurielle » par Lionel Jospin en 1997. Mais, dès cette seconde étape, une phrase de Lionel Jospin à Villevoorde : « L’Etat ne peut pas tout » , comme une hirondelle sans printemps,pourtant d’évidence absolue, avait fait scandale dans les rangs de gauche.

Puis dix ans de Sarkozysme. Trois Congrès du PS ( Dijon, Le Mans, Reims), au cours desquels, des synthèses hypocrites rassembeltn artificiellement ceux qu’on avait dénommé la « deuxième gauche » autour de Michel Rocard, tirant vers la social-démocratie, l’accord avec l’économie de marché et les entreprises , et les « canal historique ».

En 2005, un scrutin européen significatif dans lequel un bon nombre de tenants du « canal historique » choisissent le « non », aux côtés du PC et du Front national. Laurent Fabius fait alors une mauvaise pioche , très négative pour lui, en se ralliant au « non ».

Face à cet électorat, François Hollande en campagne, ne put même pas risquer de se déclarer « social-démocrate » et dû se targuer , bien imprudement, de « faire réviser » les traités européens. En même temps d’ailleurs, contrairement à ce dont on l’accuse injustement, il ne fit pas de promesses traditionnelles de dépenses ; il parla, au contraire, de restaurer les équilibres ; il parla même de compétitivité. Eut il énoncé un souci de l’entreprise, qui est quand même le fondement de l’économie, sans laquelle rien n’est possible, qu’il eut peut-être été battu : au sein de cet électorat quelques-uns auraient fait défaut qui, comme aujourd’hui, d’ailleurs, comparent sa politique économique à celle de Nicolas Sarkozy !

Quinquennat Hollande et fin du cycle d’Epinay

1) Il est élu et confronté, presque immédiatement, au problème d’Arcelor Mital à Florange. Une solution, « canal historique » sort immédiatement : la nationalisation. Ayrault s’y refuse ! Significatif d’un début de rupture !
2) Puis le rapport Gallois, dès la fin 2012, décrit la situation catastrophique du tissu industriel français, avec un taux de marge de 28% pour nos entreprises contre 40% en Europe. Des faillites en chaine dans le prolongement du quinquennat précédent. A l’Elysée François Hollande a fait venir Emmanuel Macron qui inspire une politique économique plus favorable à l’entreprise. Réaction : le CICE ! Pas question encore d’allègement des charges. Pas de « cadeaux aux patrons », comme disaient et disent encore des gens de gauche « besancenottés ». Catastrophe électoral aux Municipales de 2014. Exit Ayrault, et sa réforme fiscale qui aurait pourtant été un meilleur choix que des hausses et baisses désordonnées d’impôts divers.
3) Etape suivante : arrivée de Manuel Valls qui s’était illustré durant la campagne des primaires par une vision plus entrepreneuriale de l’économie. La situation perdurant, les exportations et l’emploi ne se développant pas, nouveau pas vers l’économie de marché : le Pacte de responsabilité. Des baisses de charge en contrepartie d’emplois. Avec un malentendu initial : les emplois ne peuvent pas être immédiats. Profitant du CICE et des baisses de charge les « patrons » doivent d’abord aller chercher plus de commandes. Les emplois ne viendront qu’après. Ils viennent aujourd’hui ! Mais là, en 2014, ça ne passe plus ! Apparition des « frondeurs » !
4) Etape suivante : Emmanuel Macron devenu Ministre des Finances présente sa loi pour libérer l’économie. Il avait été secrétaire de la Commission Attali pour libérer la croissance. Il faut le 49-3 pour la faire passer, les frondeurs, auxquels se joignent quelques députés écologistes et communistes, empêchant toute majorité. Duflot, Hamon, et Montebourg, derniers des « canal historiques » au gouvernement, le quittent , en vue, sans prétention ( !) de l’élection présidentielle, de 2017.
5) « Loi travail » en 2016 ! Ses dispositions auraient pu et dû être incluses dans la loi Macron. Pour des raisons tactiques elles ne le furent pas et c’est la courageuse Myriam El Khomry qui a porté une loi spécifique,…avec deux 49.3 et, surtout, des semaines de manifestations qui n’ont eu ,comme résultat, avec les attentats en toile de fond, que de contribuer à faire baisser, temporairement espère-t-on , la demande touristique.
6) 30 août 2016 : démission d’Emmanuel Macron qui dit se vouloir « libre » pour préparer 2017, sans se déclarer candidat.

Dix ou quinze ans pour un nouveau « socialisme »

Bilan de ces cinq années : François Hollande, Jean Marc Ayrault, Manuel Valls et Emmanuel Macron, aidé d’une dizaine d’autres ministres « progressistes », ont incarné la fin du cycle d’Epinay. « Frondeurs » et candidats divers à la primaire de gauche qu’ils ont imposée, envisagent de le poursuivre.

Face à eux, un nouveau « parti progressiste » une nouvelle gauche du XXIème siècle, telle que celle décrit Claude Neuschwander, dernier PDG des LIPP, dans son livre récent[1], va peu à peu se construire. Si François Hollande est réélu, ce sera évidemment autour de lui. S’il ne l’est pas, la droite de gouvernement sera au pouvoir pour dix ou quinze ans.
Nous serions alors comme en 1956-58, après le naufrage de la SFIO de Guy Mollet. Avec Rocard, Defferre, Mermaz, Joxe, Poperen, Estier, Dayan, Labarrère, Filloud, Mauroy et ce qui restait de sain dans la SFIO, autour de François Mitterrand, conseillé ensuite par Jacques Attali, Laurent Fabius, et de nombreuses petites mains dont votre serviteur,, les « sabras », s’est reconstruit un parti de gauche, le PS, qui progressa aux élections de 1973, puis 1978, jusqu’à la victoire de 1981.

Sauf candidature et victoire de François Hollande, qui serait alors l’homme clé, la même séquence va se dérouler à partir de maintenant et se prolongera peut-être jusqu’en 2025-2030. Qui vont être les « sabras » ?Qui va être alors le Mitterrand du premier quart de siècle ?

[1] « La Gauche sans le PS ? » Le Publieur 2015

*Professeur des Universités- Docteur es Sciences économiques

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