Quand la SNCF allait chercher des cheminots au Maroc

En manque de main d’oeuvre, la SNCF a recruté environ 2.000 Marocains dans les années 1970, en vertu d’une convention signée en 1963 entre la France et le Maroc fraîchement indépendant. Voici le récit de plusieurs d’entre eux, interrogés par l’AFP en 2015.

Les sélections et visites médicales "étaient organisées surtout dans les régions qui avaient fourni des militaires lors de la Seconde Guerre mondiale, là où il y avait des gens costauds et en bonne santé", expliquait Ben Dali, alors âgé de 63 ans.

Après la signature du contrat à l’Office national de l’immigration à Casablanca, quatre jours de bateau et train, la plupart sont arrivés à la gare d’Austerlitz à Paris, "un voyage inoubliable avec neuf autres Marocains" pour Abdelghani Azhari, envoyé à la gare de triage d’Achères, en région parisienne, où il était logé avec d’autres dans un foyer préfabriqué.

"On calait les wagons. C’était dur l’hiver de faire l’attelage des trains de 700 mètres mais quand il fait chaud c’est pire". "On était des cheminots aptes à tout, disponibles à Noël".

"On roulait en 3×8 mais on ne craignait pas le travail. On était jeunes et forts. On nous avait triés sur le volet", se souvenait également Abdel (prénom modifié), débauché d’un village minier de l’Atlas pour atterrir lui aussi en banlieue de Paris, à Villeneuve-Saint-Georges.

Agent "de mouvement", "reconnaisseur", "aiguilleur", "au charbon" ou "au graissage", il a enchaîné les postes. "On a fait le même boulot mais on n’avait pas les mêmes avantages que les collègues français pour la retraite, la médecine ou les jours de carence", poursuit ce Franco-marocain resté contractuel de droit privé car "trop vieux" pour décrocher, une fois naturalisé, le "statut" particulier des cheminots.

"Frustré", se plaignant d’avoir été plusieurs fois refoulé à des examens internes, il disait "attendre qu’on (lui) explique les raisons de ce gâchis, pourquoi j’ai été bloqué alors que les collègues pouvaient évoluer".

Une partie des cheminots marocains ont raccroché à 55 ans, usés. "Je n’en pouvais plus, j’étais blessé des pieds à la tête alors je suis parti en 2010 quand ils m’ont proposé une prime de 16.000 euros", confiait Aziz (prénom modifié), un cheminot entré en 1974. "J’ai eu un grand choc en découvrant le montant de ma retraite de base: 1.004 euros", diminuée des années de cotisation manquantes.

Condamnée en septembre 2015 par le conseil de Prud’hommes de Paris à verser à ces anciens cheminots 170 millions d’euros de dommages et intérêts au total, la SNCF a fait appel. L’affaire est examinée lundi et mardi en cour d’appel et le jugement est attendu en janvier.

(Source AFP)

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