Primaires: Aubry à la manoeuvre

Après quatre heures de réunion en petit comité mardi, le Parti socialiste s’est donc enfin mis d’accord sur un calendrier pour les primaires. Un pas capital a semble-t-il été franchi, mais au bénéfice de quel ténor?

Dominique Strauss-Kahn:
A-t-il tant perdu que cela? Ses partisans souhaitaient que le scrutin ait lieu en novembre. Leur champion est en effet tenu par le Fonds monétaire international (FMI) et les grands enjeux internationaux de l’année, notamment le G20 français. Plus la désignation était tardive, plus il était libre. En outre, un vote en novembre lui aurait permis d’avoir le temps de revenir en France, de mieux renouer le lien avec les électeurs et leurs préoccupations.

Mais ce sont les dates du 9 et du 16 octobre qui ont été retenues. Un choix qui n’a pas fait le bonheur de ses partisans présents à la réunion des principaux ténors du parti mardi et au bureau national. Jean-Marie Le Guen s’est dit "sceptique" dans un communiqué face à l’idée de débuter la campagne des primaires pendant la "période estivale". Jean-Christophe Cambadélis s’est même abstenu de voter le calendrier proposé par Martine Aubry. Ce qui peut faire désordre quand on sait que ce dernier a tout fait pour installer la première secrétaire à son poste. "Il a évoqué des ‘problèmes techniques’ et non un problème politique. Les problèmes techniques, ça se règle toujours", a minimisé mercredi auprès du JDD.fr François Lamy, bras droit d’Aubry.

Perdre un mois ou quinze jours pour se lancer n’est pas un signe de défaite pour autant. Ainsi, les réactions ne sont pas si outrées que cela: Pierre Moscovici, partisan d’une candidature DSK, expliquait après le vote au JDD.fr que certes il aurait "préféré autre chose". "Mais le plus important était que cela se déroule à l’automne, ce qui sera le cas", concédait-il. L’essentiel a été sauvé, le chef du FMI a toujours la possibilité de revenir. Mais son alliance avec Aubry a été écornée pour la première fois.

Martine Aubry:
S’il doit y avoir un gagnant, c’est elle. C’était "une réunion assez formidable", a-t-elle-même lâchée mardi face à la presse. En tant que première secrétaire, Martine Aubry se doit d’assurer l’unité du parti. Ségolène Royal s’est en effet félicitée de l’"état d’esprit fraternel" de la réunion de mardi, quand François Hollande a évoqué un "très bon esprit dans cette discussion". Du côté du camp de la maire de Lille, on est bien évidemment satisfait: "Que ce soit au conseil politique du matin, comme au bureau national le soir, il y a eu un bon climat. Tout le monde a pu exposer ses arguments et c’était donc une très bonne journée pour le PS", s’est félicité Lamy. Si bonne que ces comités politiques se répéteront, vraisemblablement tous les quinze jours, selon Libération.

Et surtout le résultat des deux réunions de mardi -le PS s’est enfin mis d’accord sur un calendrier et cette question est désormais évacuée- n’est pas une mince victoire. Si Aubry doit se présenter aux primaires, mieux vaut qu’elle y aille après un passage au premier secrétariat réussi. "Le calendrier n’empêche personne d’être candidat et il met le parti en ordre de marche. Nous avons fait ce à quoi Martine Aubry s’était engagée", a ainsi poursuivi son bras droit.

L’ancienne ministre du Travail peut donc sereinement poursuivre son œuvre: trouver un programme au parti et maintenir l’ordre. Elle "tient" le parti et en profite même pour lancer une "cellule" censée travailler pour 2012. Mais ne risque-t-elle pas dès lors, à toujours privilégier l’unité, de se retrouver dans la situation qu’a connu François Hollande en 2006, privilégiant le parti à son ambition personnelle? C’est le grand dilemme d’Aubry. Elle sera omniprésente jusqu’au printemps prochain et aura plein de propositions à porter, assurent ses proches dans les médias. Après, viendra le temps de la décision. Ce sera en juin.

François Hollande et Ségolène Royal:
L’ancien couple était d’accord sur un point: il fallait accélérer le calendrier des primaires pour que tout soit bouclé avant l’été. Ils n’ont pu convaincre leurs pairs. Mais François Hollande avait prévenu qu’il se plierait à la décision du parti. En outre, il avait un autre grief: la campagne des primaires devait être allongée. Avec le calendrier retenu, il obtient grosso modo deux semaines supplémentaires. Et puis, si François Hollande et ses proches ont beau jeu de dire que les primaires ont déjà été lancées en dehors de tout cadre institutionnel avec les déclarations de Manuel Valls sur les 35 heures, n’ont-ils pas intérêt à voir ce "climat" perdurer? Hollande pourrait en profiter et voir sa cote grimper.

Pour Ségolène Royal, le constat est un peu le même. Elle voulait plus de temps de campagne présidentielle pour éviter de répéter les erreurs de 2007. Avec un scrutin se terminant au plus tard le 16 octobre, elle aurait un mois de plus que la dernière fois. De toute façon, la présidente de la région Poitou-Charentes a d’elle même accéléré le calendrier des primaires le 29 novembre dernier en se déclarant. Et elle ne se prive pas, comme avec son interview au Monde où elle se voit en héritière de François Mitterrand le jour où les socialistes se retrouvent à Jarnac, pour bousculer l’ordre établi.

Arnaud Montebourg et Manuel Valls:
Ils n’attendaient pas grand-chose de la réunion. Arnaud Montebourg a reconnu un "compromis politique bien ficelé". Manuel Valls, après avoir fait trembler le parti avec sa sortie sur les 35 heures, s’est également félicité du modus vivendi trouvé. "Il permet de désigner notre candidat à l’automne, c’est la bonne date", a-t-il expliqué sur Europe 1 mercredi. De toute façon, ce n’était pas le calendrier que le député de l’Essonne veut changer, mais le PS. Il a estimé qu’"ouvrir les portes et fenêtres de notre formation politique; changer, dépasser d’une certaine manière le Parti socialiste, c’est une révolution démocratique qui, j’espère, s’imposera d’une manière générale dans la vie politique de notre pays".

Par Vivien Vergnaud

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