« Prières de rue des musulmans » : le procureur demande la relaxe de Marine Le Pen

La présidente du Front national est jugée en correctionnelle pour avoir comparé en 2010 les prières de rue des musulmans à l’Occupation.

Le procureur a réclamé mardi la relaxe pour Marine Le Pen, jugée à Lyon pour avoir comparé en 2010 les prières de rue à l’occupation nazie, estimant qu’elle parlait "d’un certain nombre de personnes" et non "pas de toute la communauté" musulmane. La présidente du Front national, "en dénonçant ces prières dans l’espace public, imputables non à l’ensemble de la communauté musulman, mais a une minorité, n’a fait qu’exercer sa liberté d’expression", a argumenté Bernard Reynaud. "Vous ne pourrez pas condamner Mme Le Pen. (…) Elle parle d’un certain nombre de personnes et pas de toute la communauté." Donc "je vous demande de prononcer sa relaxe". Pour argumenter, il cite le dessinateur Siné qui avait été relaxé en février 2009 pour des "propos aussi choquants, si ce n’est plus", que ceux "proférés par Marine Le Pen". "Plus je croise les femmes voilées, plus j’ai envie de leur botter le cul", avait alors dit le caricaturiste, selon les propos cités par le procureur.

Sur le fond, Bernard Reynaud a expliqué que, "pour pouvoir occuper ne serait-ce que momentanément l’espace public (ce qui est le cas des prières de rue), il faut se soumettre à certaines règles". "Vous avez aussi l’entrave à la circulation sur le domaine public et c’est un délit puni par le Code de la route. Les règles s’imposent à tous si on veut se mettre à l’abri des critiques et des propos virulents", a estimé le procureur.

"Il ne vous étonne pas, ce calendrier ?"

En arrivant au tribunal, la présidente du FN a lancé : "Je n’ai commis aucune infraction", tout sourire, à la foule de journalistes qui l’attendaient devant le bâtiment. Marine Le Pen a feint de s’étonner de la date de sa convocation devant la justice : "Il ne vous étonne pas, ce calendrier ? Nous sommes à un mois d’une élection régionale alors que cette affaire a cinq ans !" Pour elle, la ministre de la Justice Christiane Taubira "a décidé de mener à (son) encontre une véritable persécution judiciaire". "Je vais venir me défendre devant le tribunal", a-t-elle assuré en réitérant les propos contestés. "Les prières de rue (…), c’est une manière d’accaparer (…) un territoire pour y imposer une loi religieuse. Je suis dans mon droit comme responsable politique d’évoquer un sujet fondamental. C’est même un devoir", a-t-elle fait valoir.

Décembre 2010, Marine Le Pen est alors en campagne pour la présidence du Front national face au Lyonnais Bruno Gollnisch. Elle assiste à une réunion publique de militants du parti à la salle du pavillon du parc de la Tête d’or. "Je suis désolée mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’Occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça, c’est une occupation du territoire", avait déclaré Marine Le Pen sous les applaudissements. Et d’ajouter : "C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers, dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes, il n’y a pas de blindés, pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants."

Une provocation verbale, rare chez elle, qui lui vaut sa première convocation à la barre pour "provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion".

"Je ne vais pas rater une telle occasion"

Son père, tribun sulfureux de 87 ans, est coutumier du fait. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été exclu cet été du parti qu’il a cofondé, après une série de nouvelles déclarations sur la Shoah jugées pénalisantes pour la stratégie de "dédiabolisation".

Avide de s’exprimer, Marine Le Pen sera bien là mardi, assistée de son avocat, Me David Dassa Le Deist. Elle doit arriver peu avant l’audience qui commencera à 14 heures devant la 6e chambre, celle de la presse, du tribunal de grande instance de Lyon. "Je ne vais pas rater une telle occasion", avait-elle ironisé il y a un mois à l’annonce de son renvoi devant la justice.

Sur le fond, la présidente du parti d’extrême droite avait déjà laissé entendre sa ligne de défense : elle parlait d’"occupation" qu’avec un petit "o" sans faire référence à la Seconde Guerre mondiale.

Quatre plaignants

Mais, pour le Conseil français du culte musulman, "en comparant les Français de confession musulmane aux nazis, Marine Le Pen a porté atteinte à leur honneur et a pris des raccourcis avec l’histoire". Et ce sont "de tels propos souvent tenus par certains hommes politiques de tous bords qui alimentent le climat de l’islamophobie ambiant dans lequel on vit actuellement", dénonce le secrétaire général du CFCM et président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri.

L’Observatoire national contre l’islamophobie du CFCM s’est constitué partie civile aux côtés de trois autres plaignants : le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), le Mrap et la Ligue judiciaire de défense des musulmans, association présidée par l’avocat Karim Achoui. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a indiqué lundi qu’elle allait demander lors de l’audience à rejoindre les parties civiles.

Marine Le Pen encourt une peine d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

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