Pour en finir avec le sida

Pour en finir avec le sida
Il est banal de dire que le sida est un fléau tant nous sommes tous, de façon plus ou moins proche, touchés par cette redoutable maladie. Il n’est par contre pas inutile de rappeler l’ampleur d’une épidémie hors du commun. Chaque année, en France, 6 000 personnes découvrent leur séropositivité, et viennent s’ajouter aux quelque 150 000 personnes qui vivent avec le virus. Ici, le combat est loin d’être gagné, et il faut avec force rappeler qu’on meurt encore du sida en France, et continuer tous les efforts. Mais c’est ailleurs que la pandémie fait ses plus effroyables ravages. À travers le monde, ce sont plus de 6 000 personnes qui meurent chaque jour. Dans certains pays d’Afrique, un adulte sur trois est atteint. Des familles, des villages, des pans entiers de l’économie de ces régions sont engloutis.

Il est possible d’arrêter cette hécatombe. Les trithérapies anti-VIH permettent à l’essentiel des malades de rester en vie.

Mieux, l’on pourrait mettre fin définitivement au sida. C’est ce qu’a révélé récemment une équipe de chercheurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Leur étude montre que l’efficacité des trithérapies à détruire le VIH est telle qu’elle rend les transmissions très rares : traiter tout le monde, c’est couper la transmission du virus. En d’autres termes, arrêter l’épidémie ! Cela a l’air incroyable. Mais il faut agir, et très vite.

C’est en effet dès aujourd’hui qu’il faut faire un effort important. En 2009, une équipe de l’OMS a montré qu’on pouvait limiter la progression de l’épidémie, voire faire diminuer très significativement le nombre de décès dus au sida, et cela en fournissant les traitements existants au plus grand nombre de malades. Le raisonnement est simple: une fois soignés par trithérapie, les patients ont une concentration réduite de virus dans l’organisme, en général si faible qu’elle devient indétectable, ce qui réduit d’autant le risque de transmission.

Mais pour cela, il faut agir maintenant. Si l’on commençait dès cette année, le nombre de malades baisserait dès 2015.

Evidemment, cette mesure coûterait de l’argent : plusieurs milliards de dollars chaque année. Mais plus tard nous agirons, plus elle nous coûtera : la mettre en œuvre non en 2010 mais en 2020 demanderait des sommes presque quatre fois plus importantes ! Car l’épidémie aura progressé. C’est mathématique.

Les chercheurs ont pointé le coût initial d’un dépistage et d’un traitement systématique comme le premier frein à la mise en place de la mesure. Pourtant, si l’on assurait l’accès de tous aux antirétroviraux, ce serait notamment en améliorant les structures de soins : ne serait-ce pas alors la santé en général qui en bénéficierait, au-delà de la lutte contre le sida ?

Bien sûr, il faudrait trouver, surtout en ces temps économiques difficiles, les ressources nécessaires. Des solutions peuvent être imaginées, pour aujourd’hui et pour demain. Demain, une taxe internationale ou tout autre moyen de financement innovant pourrait générer ces ressources. Mais c’est aussi dès aujourd’hui, avec les moyens du bord, que l’on peut agir. Les leaders du G8 réunis au Canada viennent d’ailleurs de se mettre d’accord pour un nouvel effort en faveur de la santé des mères et des enfants : c’est un signal encourageant, qui devra se concrétiser lorsqu’à l’automne, le Fonds mondial de lutte contre le sida aura besoin d’un budget plus fort.

La mise en place rapide d’un système de dépistage et de soins immédiats des malades du sida est une nécessité morale. L’an passé, près de 2,5 millions de personnes sont mortes de cette maladie, que l’on sait pourtant traiter. Nous avons là une chance historique : en quelques années, nous pourrions faire disparaître le sida de la surface du globe. Combien de problèmes de cette ampleur la communauté internationale a-t-elle la certitude de pouvoir faire disparaître en quelques années, avec un effort financier somme toute très limité ? En 2015, quand il faudra évaluer ce qui a été fait depuis l’adoption des Objectifs du millénaire en 2000, quand l’heure des comptes sonnera, ne peut-on se donner la certitude d’avoir au moins marqué un but ? Parce qu’on en a la possibilité, on en a le devoir : il nous faut saisir cette opportunité, et en finir une fois pour toutes avec le sida.

Par Carla Bruni-Sarkozy
Libération, publié le 26 juin

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